HomeCorps, risques et santé : une approche pluridisciplinaire
Published on mercredi, octobre 13, 2004
Summary
Announcement
L’ambition affichée du réseau « santé & société » est de regrouper les disciplines (droit, anthropologie, démographie, histoire, sociologie, philosophie...) afin de partager connaissances et outils analytiques. Cette première année d’existence fut l’occasion pour les doctorants de se rencontrer et pour un grand nombre d’entre eux de présenter leurs travaux en cours.
Au cours de ces premières journées scientifiques, nous voudrions inviter différentes disciplines des sciences humaines et sociales à réfléchir sur l’approche pluridisciplinaire à partir des thèmes : corps, risque et santé. Il ne s’agit donc pas de dresser un cadre général théorique sur le concept de pluridisciplinarité.
Pourquoi penser la pluridisciplinarité lorsque l’on travaille sur le segment « santé et société » ?
Il semblerait que les terminologies spécifiques à une science soient de plus en plus étanches voire obscures aux autres approches, ce qui laisserait supposer que les disciplines ne communiquent pas ou moins entre elles. Or, ces correspondances, ces allers-retours entre théories, définitions et hypothèses rendent plus riche le travail du chercheur car ils stimulent la circulation des idées et des connaissances, et concourent à l’élaboration de problématiques heuristiques. Pour cela, il est nécessaire que les intervenants de chaque discipline soient en mesure de rendre intelligibles, sinon leur théorie, du moins leur concept. L’effort imposé de « traduction » ou d’explicitation est fondamental voire indispensable pour que la réflexivité s’opère. La multidisciplinarité et la coprésence seraient alors nécessaires et utiles parce qu’elles permettraient l’élaboration de nouvelles approches, de nouvelles critiques, de nouveaux paradigmes.
Si les terrains (hôpitaux psychiatriques, centres de soins gratuits, logements insalubres...) peuvent sembler les plus à même de réunir plusieurs disciplines, qu’en est-il des objets et des théories ? Comment peut-on penser ensemble les outils et les appareils conceptuels ? Que pourrait signifier « croiser les disciplines » ? Par exemple, un juriste peut-il utiliser des outils anthropologiques pour étudier le corps humain ? Fait-il alors de l’anthropologie juridique ? Un sociologue peut-il utiliser des données épidémiologiques sans risquer de se sentir dépossédé de son objectivité ? Quelle peut être la conséquence pour la définition et la construction de l’objet ? Objet construit, déconstruit, reconstruit ? La spécialité ou spécialisation de chaque discipline rend-elle impossible leur coopération ?
Pour un même objet de recherche, les méthodologies utilisées seront variables selon les champs théoriques. Elles donnent la possibilité cependant de croiser des regards, et d’établir parfois des voisinages sinon des proximités : les archives de l’historien peuvent appuyer les entretiens du sociologue, et inversement ; les monographies de l’ethnologue soutiennent les questionnaires du sociologue ; et les juristes s’intéressant à l’élaboration de la norme enrichiraient sans doute leur analyse en s’appuyant sur des travaux sociologiques.
Comment penser cette pluridisciplinarité ?
Chaque session de travail devrait être l’occasion de réunir des doctorants et discutants représentatifs des différentes disciplines des sciences humaines et sociales.
- A partir du corps
Nous pourrions envisager la ou les définitions du corps selon les disciplines. Partant du principe que nous nous intéressons au corps humain, nous pourrions avoir une approche de ce que peut être le corps juridique, le corps physique, le corps vivant ou le cadavre... Nous pourrions ensuite discuter de quelques pratiques et techniques du corps.
La diversité des représentations du corps humain pourrait être analysée. Nous pourrions débattre de la notion de corps comme assemblage d’organes, cellules et autres éléments, et envisager alors les rapports que l’individu peut alors entretenir avec son corps ?
Le corps ne peut-il pas aussi être entendu comme une interface entre la personne et la société dans laquelle il est inclus ou exclus.
Il serait aussi, par exemple, intéressant de débattre ensemble de la notion de corps transformé. Ainsi en est-il du corps de la victime ou du corps handicapé. En droit, la prothèse a été définie par la Cour de cassation comme une personne par destination, une approche anthropologique pourrait, notamment, nous permettre d’expliciter cette définition jurisprudentielle. De la même façon, le corps marqué (piercings, tatouages...) ou le cas du transsexualisme pourraient être interrogés sous l’angle de l’identité.
Le triptyque corps, genre et santé pourrait être analysé de manière enrichissante notamment à travers une étude des relations que la femme entretient avec le corps médical, ou encore celles que la femme séropositive s’autorise avec son propre corps (sexualité, maternité,...). Comment vit-on avec un stigmate corporel ? Quelles formes prennent les attitudes préventives entre hommes et femmes à l’égard des rapports sexuels (homo-hétéro-bisexuels) à l’épreuve des IST et du VIH : corps protégé ou corps exposé ?
Nous pourrions aussi débattre des incidences des nouvelles technologies et thérapies sur le corps humain. Entre objet et propriété, le corps semble remettre en exergue la problématique du consentement. Le corps humain est tour à tour matériau expérimentable, soumis à la technique ou usager de cette dernière lorsqu’il est question de techniques diagnostiques, chirurgicales, de traitements pharmaceutiques ou de nouvelles thérapies.
- A partir des risques, protections et santé
Concept multidimensionnel, la santé pourrait être un autre point d’entrée de notre réflexion épistémologique. De même que pour le corps nous pourrions tenter de trouver la ou les définitions propres à chaque discipline pour trouver les éventuels points communs nous permettant de penser ensemble cette notion. Terrains et méthodologies pourront nous servir à trouver une approche théorique commune. La charte de l’OMS tente de dépasser la vision hygiéniste qui a dominé la définition de la santé pendant plusieurs années. Tantôt « bien être », tantôt « fonctionnelle » ou « écologique », la santé se définit surtout par sa pluralité. Le philosophe, B. Honoré, relève l’ambiguïté et l’antagonisme de la notion de santé : d’un côté le versant existentiel matérialisé dans l’expression du « bien être », et le versant scientifique dans l’absence de maladie. « La santé est-elle un état ou une manière de devenir » ? Le terme santé est donc celui qui reflète le plus cette porosité conceptuelle : entre approches biologisantes ou sociales, physiques ou hygiénistes, ce concept n’a pas la même portée ni la même fécondité.
Comment entendre le risque ? Comme une "probabilité de l’apparition d’un événement extérieur" potentiellement néfaste à l’homme (Robert Castel) ? Et le terme de protection, comme un "rempart contre l’incertitude" et les ruptures sociales et économiques ? Quel sens donné à l’expression "être protégé" en sociologie, en droit ou en philosophie... ? Que signifie "être protégé" par le droit et les politiques d’assistance ou d’assurance individuelle, par des supports sociaux (solidarité familiale, ressources communautaires...) ? Leur réalité conceptuelle dépendra du champ disciplinaire dans lequel on les inscrit.
Si la difficulté à être assuré contre les risques dits « classiques » (accident, maladie, vulnérabilité face à l’emploi en raison de l’âge ou d’un handicap) s’accentue, on voit se développer des pratiques plus individualistes renforcées par des réformes successives de notre système de protection sociale semblant mettre à mal notre principe de solidarité nationale. Comment expliquer les modifications des systèmes de protection contre les risques ? De nouveaux risques se développent (industriels, écologiques, alimentaires, technologiques) entraînant de nouvelles sensibilités pour la santé. Quels sont les impacts - réels ou imaginaires - de ces nouveaux risques sur la santé ?
Pauvreté et risque pour la santé : quels liens pour quelles disciplines ? Evènements biographiques et vécus de situations sociales « précaires » semblent déterminer assez étroitement la santé actuelle et ultérieure des personnes. Pour les sciences sociales, il s’agit d’interroger la manière dont le social s’inscrit dans les corps. Dans notre cadre d’échange pluridisciplinaire, nous pourrions examiner l’impact des processus de précarisation sur l’état de santé (à travers les populations immigrées, demandeurs d’asiles, victimes de saturnisme, SDF...), réactualisant ainsi le paradigme dense et complexe des déterminants sociaux, et tenter de comprendre quelles incidences le risque de pauvreté peut avoir sur l’organisation du système de santé, en terme d’ enjeux pour les politiques sociales, de droit, d’économie, et comment cela se traduit dans les choix des pouvoirs publics.
Comité d’organisation :
- Julien Méreaux, Doctorant en sociologie, Paris X, Laboratoire d’Anthropologie des Institutions et des Organisations Sociales, MSH Paris
- Catherine Ertzscheid, Doctorante en droit privé, UMR 8056 - CNRS - Paris I, Régulation des activités économiques et sociales, Centre de recherche sur le droit des sciences et des techniques.
-Envoi des propositions de communication (1 page maximum) : 29 octobre dernier délai.
-Envoi des communications définitives : 15 novembre dernier délai (les papiers seront envoyés, pour lecture, aux discutants avant les journées scientifiques)
-Les propositions et les versions définitives seront à envoyer par courrier électronique à l'adresse suivante :
[Journeesdureseau@yahoo.fr->Journeesdureseau@yahoo.fr]
Subjects
- Sociology (Main subject)
- Mind and language > Thought > Philosophy
- Society > Ethnology, anthropology
- Society > History
- Society > Political studies > Governance and public policies
- Society > Economy
- Society > Law
Places
- Paris, France
Date(s)
- vendredi, octobre 29, 2004
Keywords
- sané
Information source
- Liens socio
courriel : Pierre [dot] Merckle [at] ens-lsh [dot] fr
To cite this announcement
« Corps, risques et santé : une approche pluridisciplinaire », Call for papers, Calenda, Published on mercredi, octobre 13, 2004, https://calenda-formation.labocleo.org/197646