AccueilFragmentation étatique / balkanisation

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Fragmentation étatique / balkanisation

Balkanisation and the fragmentation of states

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Publié le vendredi 29 janvier 2010

Résumé

La notion de fragmentation est très large et peut s’appliquer aujourd’hui à diverses facettes de l’analyse des territoires et des sociétés. Dans le cadre de notre journée d’étude, nous nous limiterons à la question de la fragmentation territoriale, et plus précisément étatique (mouvement de balkanisation, sécession, processus d'autodétermination). Toutefois, cette fragmentation du territoire de l’État s’accompagne, voire se nourrit, d’autres types de fragmentations, permettant donc des analyses transversales. Les discours autonomistes ou sécessionnistes sont souvent mêlés de revendications nationalistes, économiques et sociales.

Annonce

La notion de fragmentation est très large et peut s’appliquer aujourd’hui à diverses facettes de l’analyse des territoires et des sociétés. En effet, si l’on s’en tient à une définition stricto sensu, la fragmentation est un « processus de division ou de différenciation de ce qui, antérieurement, était uni ou homogène » (Rosière, 2008). Aussi, elle implique toutes les échelles spatiales et sociales : fragmentation urbaine (ghettos et zones urbaines délaissées, mais aussi gated communities), fragmentation sociale (communautarisme), fragmentation ethnique (repli en identités régionales ou lokalpatriotismus, repli vers une identité ou des pratiques d'« origine »), fragmentation territoriale (sécessions, séparatismes). A chacun de ces différents niveaux, l’unité du territoire ou du groupe est menacée par diverses formes de particularismes, divers intérêts sectoriels ou associations d’intérêts se structurant dans un projet commun. 

Dans le cadre de notre journée d’étude, nous nous limiterons à la question de la fragmentation territoriale, et plus précisément étatique. Toutefois, cette fragmentation du territoire de l’Etat s’accompagne, voire se nourrit, d’autres types de fragmentations, permettant donc des analyses transversales. Cette transversalité se vérifie si l’on considère le renouveau des mouvements ethno-régionalistes en Europe, dont les discours sont souvent mêlés de revendications nationalistes, économiques et sociales (Corse, Pays basque, Flandre, Catalogne, pays de Galles, Ecosse, Padanie, etc.).

S’interroger sur la fragmentation étatique prend une dimension particulière au sortir d’un siècle qui avait été désigné par certains analystes comme le « siècle des séparatismes » (Thual, 2000 ; Boniface, 2000). De 1914 à nos jours, la communauté internationale est passée de 28 Etats à près de 194 (et même plus si l’on tient compte de certains Etats qui ne sont pas membres des Nations Unies comme la Palestine, Taiwan, le Kosovo ou la République de Chypre Nord). L’existence de facto est-elle en elle-même négligeable ? Mais que penser de ces États qui existent de jure — et sont à ce titre reconnus par la communauté internationale — mais sont inopérants sur le terrain (les « Quasi-États » de Robert Jackson, 1990) ?

Outre la question de la pertinence des critères permettant d’esquisser la carte politique du monde, nous constatons que le processus de fragmentation étatique est encore d’actualité. Des nombreux litiges concernent des états indépendants de facto et qui souhaitent être reconnus (Abkhazie, Ossétie du Sud, République moldave de Transnistrie ou encore Haut-karabakh), ou des régions qui sont agitées par un séparatisme récurrent (Kurdistan).

Ces multiples fragmentations territoriales sont le fruit combiné de la généralisation progressive du modèle d’Etat-nation, apparu en Europe au XIXe siècle, et de la diffusion d’un nouvel idéal démocratique : le « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes », hérité de l’idéalisme wilsonien. Cet idéal s’accompagnait d’une aspiration collective : la possession et le contrôle du territoire national qui devenait le garant de la sécurité et de la prospérité de la nation. Ainsi, trois grandes périodes de fragmentations territoriales peuvent être distinguées (Cattaruzza, 2008) : 

  • La fin des grands empires européens, pendant et après la Première guerre mondiale, avec la disparition de l’Empire austro-hongrois et de l’Empire ottoman, qui crée un appel d’air pour la création de nouveaux Etats
  • La fin des empires coloniaux, qui s’amorce dès les années 1940, avec l’indépendance de l’Empire des Indes britanniques et de l’Empire des Indes orientales hollandais, et qui voit son apogée après la Seconde Guerre mondiale, avec les mouvements de décolonisation
  • La fin de la guerre froide et la désagrégation des grandes fédérations socialistes au début des années 1990, qui voit la multiplication de mouvements séparatistes, sur des bases identitaires, mouvement qui n’est pas encore stabilisée et dont la portée doit précisément être analysée.

La causalité et le bien fondé de ces processus d’émiettement du monde successifs ont été abondamment débattus par les sciences sociales. La fragmentation de l’espace politique a été désignée par de nombreux néologismes dont l’utilisation peut se révéler plus ou moins neutre (balkanisation, libanisation, scission, sécession, partition). Bertrand Badie voyait dans la fragmentation ethnique le risque d’une « fin des territoires », l’Etat territorialisé s’effaçant progressivement au profit de logique de réseaux ethniques et économiques, qui n’auraient plus rien à voir l’Etat au sens classique du terme (Badie, 1995). Pascal Boniface n’a pas hésité à parler de « prolifération Étatique » soulignant ainsi sa dangerosité liée à la multiplication des nationalismes, et à l’émergence d’une certaine forme d’« égoïsme » des peuples, la sécession étant souvent liée à un souci de mieux être économique, voire à un refus de partage des richesses d’un territoire (Boniface, 2000). Ce « syndrome lombard » (Rosière, 2003) agite aussi bien les villes (gated communities) que les grandes régions et industrialisées (Flandre, Pays basque, Catalogne, Padanie, etc.). Enfin, on a pu aussi considérer que la fragmentation de l’espace politique est une conséquence de la mondialisation  (Moïse, 1999). Dans cette interprétation, la fragmentation du pavage étatique serait d’abord la résultante d’une quête identitaire traduisant la volonté d’affirmer sa différence dans un monde perçu comme aliénant par son homogénéité. Quoi qu’il en soit, la persistance actuelle de ce mouvement de parcellisation des Etats pose de nouveaux problèmes, avec la multiplication d’Etats faillis et de quasi-Etats, véritables « zones grises » territoriales, échappant à tout contrôle politique et représentant de réelles menaces pour la paix.

Notre réflexion au cours de cette journée d’étude s’articulera autour de trois niveaux d’analyses :

  • Un niveau social et ethno-national. La fragmentation territoriale peut représenter pour les populations qui la réclament l’expression du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Elle répond alors à une revendication populaire, à une aspiration démocratique. Dans une analyse centre/périphérie, l’image de la périphérie colonisée peut alors servir de socle politique aux partis nationalistes. 
  • Un niveau économique. Celui-ci repose alors soit sur le modèle de la périphérie exploitée soit sur celui de la périphérie marginalisée. Dans le cas de la périphérie exploitée, il correspondrait alors au « syndrome lombard », soit le refus d’une région riche de continuer à partager ces ressources et sa richesse avec le reste du territoire. Dans le cas de la périphérie marginalisée, les revendications populaires reposent au contraire sur l’idée d’un abandon économique du centre. Toutefois, ces deux cas ne révèle-t-il pas l’espoir d’un nouveau confort matériel après la fragmentation territoriale ? Ils traduiraient ainsi une évolution des préoccupations des Etats, plus intéressés par l’élévation du PNB individuel, que par de simples logiques classiques de puissance (Boniface, 2000)
  • Un niveau géopolitique « classique ». La fragmentation étatique est aussi une arme utilisée par les grandes puissances sur la scène internationale pour s’arroger une clientèle d’Etats satellites et cultiver un réseau de points d’appuis. Elle peut être alors instrumentalisés dans des relations avec des Etats voisins (cf. relations russo-géorgiennes par exemple) ou dans des négociations plus générales (cf. marchandage russo-américain). 

Le redécoupage territorial est la clef de ces trois processus. Menace ou progrès ? 

Les propositions d’interventions (un paragraphe) doivent être envoyées par mail à Amael Cattaruzza (amael.cattaruzza@yahoo.fr)

avant le 1er mars 2010

Le texte de l’intervention doit être envoyé avant le 10 avril 2010 pour évaluation dans le cadre d’une publication dans une revue à comité de lecture.  

Lieux

  • Ecoles de Saint-Cyr Coëtquidan
    Guercif, Maroc

Dates

  • lundi 01 mars 2010

Fichiers attachés

Mots-clés

  • balkanisation, fragmentation étatique, géopolitique, géographie politique

Contacts

  • Amaël Cattaruzza
    courriel : amael [dot] cattaruzza [at] st-cyr [dot] terre-net [dot] defense [dot] gouv [dot] fr

URLS de référence

Source de l'information

  • Amaël Cattaruzza
    courriel : amael [dot] cattaruzza [at] st-cyr [dot] terre-net [dot] defense [dot] gouv [dot] fr

Licence

Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Fragmentation étatique / balkanisation », Appel à contribution, Calenda, Publié le vendredi 29 janvier 2010, https://calenda-formation.labocleo.org/200110

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