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Calenda - O calendário de letras e de ciências sociais e humanas

Figures du malentendu

Ethnographic Misunderstanding

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Publicado mercredi, 03 de décembre de 2014

Resumo

Le malentendu survient lorsque des protagonistes a priori de bonne foi sont pris au piège de leurs catégories de pensée routinières ou de leur besoin de s’accrocher à la part de soi qu’ils croient irréductible. A ce titre, la question du malentendu est intrinsèquement liée à l’histoire de la pensée anthropologique. Qu’en est-il du désir de l’anthropologue, de son désir d’être enchanté ou au contraire, désenchanté, qui constitue un filtre à cette lecture transparente qu’il est censé nous donner de la culture autre ? Quelle place donner à la fiction, la ruse, la tromperie mises en œuvre par les partenaires du chercheur dans la relation particulière créée par le « terrain » ? Ces questions, ainsi que plusieurs autres, parmi lesquelles figure la possibilité d’une sortie du malentendu, nous paraissent devoir être posées à nouveau dans le champ de l’anthropologie contemporaine.

Misunderstandings crop up when the unconscious of the protagonists is deeply committed to keeping people’s otherness at bay, and to receiving only what one already expected from the other anyways. Surprisingly, misundertanding is intrinsically connected to the history of anthropology and the very fact of carrying out fieldwork. What about the ethnographer’s desire to be thrilled by his plunging into another cultural environment or, on the contrary, his disillusionment when faced with unavoidable misunderstandings? What about the desire of not being understood expressed sometimes by partners of the ethnographic relationship ? We feel that these questions, including many others such as the hiccups of translation and mistranslation and the possibility to extract oneselves from cases of misunderstanding, need to be asked once again.

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Argumentaire 

Deux hommes se retrouvent après plusieurs années de séparation. Ils disent/pensent/croient être des amis. Après un premier temps d’échange de banalités, la conversation dérape : le premier reproche au second d’avoir dit autrefois une phrase anodine : « c’est bien… ça… » sur un ton condescendant, voire méprisant. L’accusé se défend assez mollement, puis s’en prend à son ami sans reconnaître véritablement les reproches qui lui sont faits. L’histoire ne connaîtra pas de happy end, les deux amis ont désormais pris leurs distances. On aura reconnu la pièce de Nathalie Sarraute « Pour un oui, pour un non », adaptée à l’écran par Jacques Doillon avec Jean-Louis Trintignant dans le rôle de l’agresseur et André Dussolier dans celui de l’agressé.

Cette pièce nous paraît définir avec une justesse frappante ce que l’on peut entendre par « malentendu », y compris dans la dimension acoustique que peut prendre ce terme. Elle nous apprend que le malentendu est toujours réciproque, même s’il peut être vécu avec plus ou moins d’intensité par les protagonistes et les engager/ravager/conforter plus ou moins durablement. Elle nous apprend aussi qu’il faut aussi être deux pour que la phrase « c’est un malentendu » puisse être perçue comme l’annonce d’une trêve au moins provisoire et non comme un nouveau casus belli.

Avec le malentendu, nous sommes dans la situation classique, que connaissent sans doute un jour ou l’autre tous ceux qui se trouvent engagés dans une relation à laquelle ils attachent de l’importance, de voir soudain leur bonne foi surprise.

Contrairement à la méprise, qui implique un processus actif (on se méprend), le malentendu mettrait donc en scène des personnes a priori de bonne foi – même s’il peut y avoir des degrés –, qui entendent différemment les choses, ou plus précisément une chose qui leur tient particulièrement à cœur. 

Insistons : le malentendu n’est pas intentionnel, et ce, même si les protagonistes peuvent l’entretenir à leur corps défendant. Il survient lorsque l’inconscient des acteurs est fortement engagé : c’est cet inconscient, cette volonté obscure de recevoir de l’autre ce que l’on s’attend qu’il nous donne, qui nous y plonge et nous y maintient. On peut dire les choses autrement et mettre en cause les habitudes de pensée, les schèmes d’action routiniers, le besoin de s’accrocher à la part de soi que l’on pense irréductible. Ces deux approches ne sont pas totalement compatibles et renvoient à des sensibilités différentes chez les éditeurs de ce volume. C’est dire si, dans tous les cas, l’altérité est au centre des débats. C’est dire aussi que la première difficulté de cette thématique sera de délimiter le plus finement possible le sujet. 

Ajoutons enfin que le malentendu et sa voisine retorse, la méprise, sont une source inépuisable de comique, maintes fois mise en scène dans le théâtre classique – le premier malentendant, avant d’être malvoyant, a sans doute été Œdipe –, le vaudeville et la comédie américaine, pour ne citer que quelques exemples classiques. 

En quoi cette thématique, qui paraît ressortir plutôt du domaine de la psychologie, concerne-t-elle directement l’anthropologie ? Celle-ci nous paraît un domaine particulièrement vulnérable au malentendu, en raison des conditions mêmes qui ont présidé à sa naissance en tant que discipline, à une époque où l’on parlait plus volontiers d’ethnologie que d’anthropologie. Censée alors reposer sur l’observation « des impondérables de la vie authentique » et sur la communication orale entre des personnes appartenant non seulement à des cultures, mais aussi à des contextes sociopolitiques différents, cette discipline reposait sur un double acte de foi : en la parole du/des informateur(s) et en la compréhension de l’ethnologue ainsi qu’en sa capacité de restitution, puis de condensation signifiante, de ce qu’il avait vécu et entendu, soit une foule de données complexes et souvent disparates. Comment peut-on être sûr qu’il a bien compris ? Telle est la question naïve que l’on n’a pu manquer de se poser, ou, sous une forme un peu moins bienveillante : comment peut-on être sûr qu’il n’a pas été mené en barque ? Depuis les temps héroïques, ces questions continuent à être posées sous des formes toujours plus élaborées. Reste que ces soupçons, pour qu’il y ait discours et lecture anthropologique, il faut d’une certaine manière les laisser en suspens, au moins pour un temps. La question de la croyance et, corrélativement, du malentendu, est donc intrinsèquement liée à l’histoire de la pensée ethnologique.

Qu’en est-il du désir de l’anthropologue, de son désir d’être enchanté ou au contraire, désenchanté, qui constitue un filtre à cette traduction fidèle qu’il est censé nous donner de la culture « autre » ? Qu’en est-il enfin de cet épais nappage théorique qui recouvre bien souvent les aspérités d’une enquête et produit l’impression étrange que tout le monde parle à peu près la même langue et lit les mêmes livres ? Ces questions nous paraissent devoir être posées à nouveau dans le champ de l’anthropologie contemporaine. 

  • Dans ce volume peuvent prendre place des récits de malentendus en contexte ethnographique : qu’est-ce qui les induit ? Comment l’auteur, les lecteurs, les collègues s’en sont-ils rendus compte, ou non ? Dans l’affirmative, que font-ils alors, chacun de leur côté ou ensemble, pour le dissiper ou s’en arranger ?
  • Comment définir le champ sémantique du bien-, du sous- et du malentendu, mais aussi du différend, de la méprise et de la mésentente ?
  • Qu’en est-il du bruit : ce qui fait brouillage à l’enquête, « bruit » pouvant être pris dans un sens très concret (qu’est-ce qu’on entend, qu’est-ce qu’on perçoit dans une fête bruyante par exemple et comment la perception est-elle modelée par le savoir préalable ?) et dans un sens plus métaphorique ;
  • Le recours à la traduction, qu’il s’agisse ou non de faire appel à un interprète, est au cœur de l’expérience de terrain, et pourtant cet invariant de la pratique ethnographique ne nous paraît pas avoir reçu toute l’attention qu’il mérite. La question du contresens, si centrale en traduction, avec la dimension comique qu’elle revêt souvent, n’est pas traitée comme un véritable problème anthropologique. Quel rôle donner à l’interprète, aux outils d’enregistrement et à la transmission des récits hors du contexte du terrain ? L’interprète est-il considéré comme un mal nécessaire ou comme un collaborateur, voire d’un co-expérimentateur précieux ? Qu’en est-il de la connaissance (le plus souvent imparfaite) de la langue de l’autre et comment l’ethnographe s’en accommode-t-il ?
  • Le recours à la fiction finalement bien commode du malentendu est-il toujours possible ? Il est des domaines, comme le droit, où le malentendu doit être évité, ou du moins ne peut être invoqué. Que peut nous révéler l’anthropologie juridique sur ces domaines et sur les stratégies discursives mises en œuvre pour tenter de « parler clair » et d’être « bien entendu » ? 

Modalités d’envoi des propositions 

Les propositions d’articles, en français ou en anglais (un titre et un résumé de 300 mots) sont à envoyer 

avant le 20 janvier 2015 

aux cinq adresses suivantes (secrétariat, éditeur et coordonnateurs)

Civilisations est une revue d’anthropologie à comité de lecture publiée par l’Institut de Sociologie de l’Université Libre de Bruxelles. Diffusée sans discontinuité depuis 1951, la revue publie, en français et en anglais, des articles relevant des différents champs de l’anthropologie, sans exclusive régionale ou temporelle. Relancée depuis 2002 avec un nouveau comité éditorial et un nouveau sous-titre (Revue internationale d’anthropologie et de sciences humaines), la revue encourage désormais particulièrement la publication d’articles où les approches de l’anthropologie s’articulent à celles d’autres sciences sociales, révélant ainsi les processus de construction des sociétés.

Coordinateurs

  • françoise Lauwaert (ULB)
  • Laurent Legrain (ULB/FNRS). 

Comité scientifique

  • David BERLINER (ULB, Belgique)
  • Stefania CAPONE (CNRS and Paris X, France)
  • Filip DE BOECK (KUL, Belgique)
  • Luc DE HEUSCH (ULB, Belgique)
  • Robert DELIEGE (UCL, Belgique)
  • Pascal DIBIE (Paris VII, France)
  • Alain DIERKENS (ULB, Belgique)
  • Philippe JESPERS (ULB, Belgique)
  • Françoise LAUWAERT (ULB, Belgique)
  • Jacques MALENGREAU (FNRS and ULB, Belgique)
  • Patrick MENGET (EPHE, France)
  • Marianne MESNIL (ULB, Belgique)
  • Firouzeh NAHAVANDI (ULB, Belgique)
  • Tal TAMARI (CNRS and ULB, France and Belgique)

Pour plus d’informations, voir http://civilisations.revues.org

Argument

Two men meet after a long time, believing/thinking/saying they are close friends. They engage in small talk but the discussion quickly turns sour. One accuses the other of having said, a long time ago, a very common sentence – « Oh, lovely » – in a patronizing tone. After a feeble attempt to deny the fact, the man accused strikes back and criticises  his friend without pleading guilty to the charges against him. This is not a story with a happy end as the men seem to irrevocably misunderstand each other. Something is severing their long friendship.

This is the basic plot of Nathalie Sarraute’s play Pour un oui ou pour un non adapted into film by Jacques Doillon with Jean-Louis Trintignant and André Dussolier. The play shows in great detail what one may call a « misunderstanding ». First and foremost, it tells us that a misunderstanding is always a two way relation even if it may impact the protagonists in very different ways. While acting alone, it proves to be nearly impossible to spot a misunderstanding and to work one’s way out of it. Misunderstandings are certainly commonly experienced by couples, close friends, and others enmeshed in webs of relationships with people they care for and who suddenly find themselves taken by surprise in a game they didn’t suspect they were playing. Hence, misunderstanding is also vital to many types and forms of humour.

Let us be clear. In our view, misunderstandings are unintentional even if those being dragged into these situations can perpetuate them inadvertently. Misunderstandings crop up when the unconscious of the protagonists is deeply committed to keeping people’s otherness at bay, and to receiving only what they already expected from the other anyways – nothing more nothing less. We might also apprehend misunderstandings in another way and stress the active role of habits of thought and routinized actions as catalysts for misunderstandings. Both approaches are probably not always consistent and reflect the two different sensibilities of the editors of this volume. Be that as it may, when dealing with cases of misunderstanding alterity should be at the core of the debates.

Although at first glance, this topic seems to deal primarily with social psychology or theories of communication, we believe that cases of misunderstanding riddle the history of anthropology as a discipline, as much as what may be called culture contacts. Ethnographic methodologies are based on the observation of daily life, interviews and conversations between persons brought up in extremely different cultural and social environments. It seems to us that the discipline relies on two major leaps of faith : in the words of informants and in the ability of ethnographers to understand what they experience, to rework a huge amount of data of various types and to turn it into a coherent whole. How can we ever be sure that they got it right ? Obviously the question is ingenuous but deserves to be asked. However, in doing or reading ethnography we must somehow leave the whole question hanging in the air. Misundertanding is therefore intrinsically connected to the history of the discipline and the very fact of doing anthropology.

What about the ethnographer’s desire to be thrilled by his plunging into another cultural environment or, on the contrary, his disillusionment when faced with unavoidable misunderstandings? Do these upsurges of emotions shape a biased view of the encounter between culture and people? What about this sophisticated theoritical varnish that gives the impression that everyone speaks the same language and reads the same books? We feel that these questions need to be asked once again.

- Our first aim in this volume is to provide a space for the depiction of misunderstandings in the context of ethnographic works.  What kind of process is at work and triggers them? How do ethnographers, their audience, their colleagues, realize that misunderstandings have taken place? And how do ethnographers try to dispel or work around these misunderstandings?

- How can we define and open out the semantic field of these terms: misunderstanding, misconception, undertone, cross purposes, implication, disagreement, dispute?

- What about noise? We mean very concrete noise. Do ethnographers and their quite poor mastery of the local language grasp something of their interlocutors’ words in a noisy ritual? In a more metaphorical sense, what is it that really jams up the work that needs to be done when conducting fieldwork ?

- At the heart of fieldwork stands the use of translation, with or without interpreters. Most of the time however, this practice is given scant attention and is not treated as a problematic matter. The issue of mistranslation, not to mention sheer non sense, is totally absent from monographs. What is the role given to interpreters, to the recording devices and to the transmission of oral performance and storytelling out of their usual context? Are interpreters regarded as a necessary evil or rather as ingenious co-experimenters?

- There are domains of practice, such as law, in which misundersanding should be avoided by all means or, at the very least, cannot be invoked. What does legal anthropology tell us about the discursive regime used to speak the truth and to be fully understood?

- The final and very ambitious matter of concern of this volume is the issue of a common world. Is there something like a common world and to what extent do the repeated attempts to extract ourselves from cases of misunderstanding participate in the building of this common world ? 

Submission guidelines

Propositions of articles either in English or French (title + 300 words abstract) should be sent

before the 20th January 2015

to the 5 following adresses (editorial board of the journal and to the guest editors of the journal issue )

 Civilisations is a peer-reviewed journal of anthropology. Published continuously since 1951, it features articles in French and English in the various fields of anthropology, without regional or time limitations. Revived in 2002 with a new editorial board and a new subtitle (Revue internationale d'anthropologie et de sciences humaines), Civilisations particularly encourage the submission of articles where anthropological approaches meet other social sciences, to better tackle processes of society making.

Coordinators

  • Françoise Lauwaert (ULB)
  • Laurent Legrain (ULB/FNRS).

Scientific committee

  • David BERLINER (ULB, Belgique)
  • Stefania CAPONE (CNRS and Paris X, France)
  • Filip DE BOECK (KUL, Belgique)
  • Luc DE HEUSCH (ULB, Belgique)
  • Robert DELIEGE (UCL, Belgique)
  • Pascal DIBIE (Paris VII, France)
  • Alain DIERKENS (ULB, Belgique)
  • Philippe JESPERS (ULB, Belgique)
  • Françoise LAUWAERT (ULB, Belgique)
  • Jacques MALENGREAU (FNRS and ULB, Belgique)
  • Patrick MENGET (EPHE, France)
  • Marianne MESNIL (ULB, Belgique)
  • Firouzeh NAHAVANDI (ULB, Belgique)
  • Tal TAMARI (CNRS and ULB, France and Belgique)

For more informations: http://civilisations.revues.org


Datas

  • mardi, 20 de janvier de 2015

Ficheiros anexos

Palavras-chave

  • traduction, croyance, altérité, malentendu, bruit, misunderstanding, otherness, translation, noise

Contactos

  • Anne Marie Desmarlieres
    courriel : civilisations [at] ulb [dot] ac [dot] be
  • Françoise Lauwaert
    courriel : francoise [dot] lauwaert [at] ulb [dot] ac [dot] be

Fonte da informação

  • Anne Marie Desmarlieres
    courriel : civilisations [at] ulb [dot] ac [dot] be

Para citar este anúncio

« Figures du malentendu », Chamada de trabalhos, Calenda, Publicado mercredi, 03 de décembre de 2014, https://calenda-formation.labocleo.org/308365

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