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Muslims in the Sahel: stories of jihad
Musulmans au Sahel : histoires de jihad
Published on lundi, mai 11, 2015
Summary
L’objectif de cette table ronde est de confronter les représentations contemporaines du « terrorisme » au Sahel avec les jihad d’autrefois pour mieux comprendre les transformations et les permanences du phénomène. Parmi les nombreuses formes de violence qui ont agité la région, il convient à cet égard de distinguer les insurrections qui ont été proclamées sous la bannière de l’Islam et qui ne relèvent pas simplement de la guerre en général. Seront ainsi analysés les cas du Mollah Fou au Somaliland, du Mahdi au Soudan, de Rabeh dans le Borno, d’El Hadj Omar au Sénégal et au Mali, du califat de Sokoto au Nigeria et de l’Empire du Macina au Mali.
This roundtable aims at confronting the current narratives of the war on terrorism with historical perspectives on past jihad in the Sahel. Case studies include the Mad Mullah in Somaliland, the Mahdi in the Sudan, Rabih in Borno, El Hadj Omar in Senegal and Mali, the Sokoto caliphate in Nigeria and the Macina Empire in Mali. The debate is restricted to uprisings under the banner of Islam and does not cover any war involving Muslims.
Announcement
Hestia Expertise, Fondation de la Maison des Sciences de l’Homme, Institut français de géopolitique (Université Paris 8)
La table ronde se tiendra de 9h – 17h à l'IMAF (Institut des mondes africains), salle Maurice et Denys Lombard (96, bd Raspail 75006 Paris)
Argumentaire
L’objectif de cette table ronde est de confronter les représentations contemporaines du « terrorisme » au Sahel avec les jihad d’autrefois pour mieux comprendre les transformations et les permanences du phénomène. Parmi les nombreuses formes de violence qui ont agité la région, il convient à cet égard de distinguer les insurrections qui ont été proclamées sous la bannière de l’Islam et qui ne relèvent pas simplement de la guerre en général. Seront ainsi analysés les cas du Mollah Fou au Somaliland, du Mahdi au Soudan, de Rabeh dans le Borno, d’El Hadj Omar au Sénégal et au Mali, du califat de Sokoto au Nigeria et de l’Empire du Macina au Mali.
Plutôt que de reprendre et réactualiser les biographies de combattants ou de théologiens musulmans déjà étudiés par les historiens, la discussion interrogera surtout le rapport des insurgés au territoire, à l’Etat, à la violence, à la mobilité, à l’Autre et à la mémoire. Une telle approche n'empêchera pas d’évoquer les portraits de rebelles alternativement considérés comme des « seigneurs de guerre », des « prédateurs », des « fanatiques » ou des « héros ». Mais le débat se focalisera davantage sur les trajectoires de contestations islamistes qui, aujourd’hui, sont trop souvent réduites à la question du « terrorisme » dans le cadre de figures rhétoriques importées au « Sahelistan » depuis les confins du monde arabe.
Plusieurs thèmes retiendront l’attention :
- les modalités de contrôle du territoire par les jihadistes ;
- la circulation des idées et des hommes ;
- les processus de destruction et de reconstruction de l’Autorité politique et de l’Etat ;
- les arguments religieux mobilisés pour justifier les massacres ou la réduction en esclavage de musulmans ;
- le rapport à l’Autre : colon, chrétien ou « païen » ;
- les célébrations posthumes et nationalistes de la figure ambivalente du bandit pour les uns, du héros pour les autres.
Partant, il s’agira aussi de déconstruire les représentations contemporaines des « nouvelles » insurrections qui déstabilisent le Sahel. On s’interrogera notamment sur la prolifération des termes « terroriste », « seigneur de guerre », « milice », « prédation », « criminalisation » et « arc de crise » relativement à la vision que le colonisateur entretenait de la menace « islamiste ».
Participants
- Roger Botte : Institut des mondes africains (CNRS-EHESS)
Titre : Jihad et réduction en esclavage : des jihads du XIXe siècle à Boko Haram et Daech
Muhammad Yusuf, le maître à penser de Boko Haram, s’appuie sur les traités rédigés par al-Maghili (m. 1504) et les écrits d’Uthman dan Fodio. Tous ces lettrés préconisent le jihad contre les polythéistes et contre ceux qui se disent musulmans tout en demeurant païens. Précisément, pour Muhammad Yusuf, l’école occidentale imposée par les missionnaires et les colonialistes a supplanté le système islamique d’éducation préexistant dans le Nord du Nigeria, ce qui a entraîné une partie des musulmans à devenir des mécréants. Contre ces imposteurs, il n’y a pas de jihad plus méritoire qu’un jihad de purification. Et la mise en esclavage des femmes et des enfants de ces impies est une œuvre salutaire légitime. Enfin, à l’exemple de Daech, les prescriptions de la loi islamique imposent l’instauration d’un État islamique.
- Alain Gascon : Professeur émérite, Institut français de géopolitique, Université Paris 8.
Titre : De seyyid Maxamed Cabdille Xasan — le « mollah fou » de Somalie — aux Shabaab : rupture ou continuité ?
Seul État-nation d’Afrique subsaharienne, la Somalie est pourtant, depuis près de 30 ans, à la recherche de son unité perdue. Depuis 1991, Le Somaliland a fait sécession et l’ex-possession italienne est déchirée par les affrontements en seigneurs de la guerre et les Shabaab. Ces derniers, qui ont proclamé leur allégeance à Al-Qaïda luttent avant tout pour l’Oumma. Ils ignorent seyyid Maxamed Cabdille Xasan (le mollah fou) qui mena, de 1899 à 1920, un jihad contre le Royaume-Uni, l’Éthiopie et l’Italie. Siyaad Barre l’avait élevé au rang de héros national mais, pourtant originaire du Somaliland, les indépendantistes de Hargeysa ne se réclament pas plus du seyyid que le gouvernement de Mogadiscio ! Les Shabaab n’ont-ils rien à voir avec les troupes du seyyid, les Darawiish ?
- Vincent Hiribarren : Kings College, London
Titre : Violence et fanatisme ? L’empire du Borno sous le règne de Rabah
Cette proposition revient sur l'invasion du Borno par Rabah (ou Rabih) dans la dernière décennie du XIXè siècle. Elle montre à la fois les modes opératoires de cet « état prédateur » mis en place dans le Borno mais aussi la dimension religieuse du règne de Rabeh qui se disait mahdiste. Rabeh a été tué par des troupes françaises en 1900 mais son image est toujours celle d'un fanatisme religieux et d'une certaine violence dans la région du lac Tchad. Cette contribution va donc revenir sur la construction de cette image.
- Murray Last : University College, London
Titre : Entre contestation et dissidence : la genèse et le développement des mouvements de réformes islamiques dans le Nord du Nigeria
- Marc-Antoine de Montclos : Institut français de géopolitique, Paris
Titre : Myopie historique et mise en récit du « terrorisme » au « Sahelistan »
La mise en récit globale du terrorisme au « Sahelistan » tend à occulter la profondeur historique de rébellions menées sous la bannière d’un Islam révolutionnaire. Les insurrections djihadistes d’aujourd’hui sont présentées comme « sans précédent » en termes de contrôle territorial, de base sociale et de connections transnationales. Un rapide retour sur le passé invite cependant à remettre en perspective la portée d’un Islam guerrier pour en apprécier les changements dans la durée.
- Gérard Prunier : CNRS
Titre : Le Mahdisme soudanais, du messianisme à l’institutionnalisation
Le Mahdisme soudanais remonte aux années 1880 et s’était posé à l’époque comme une force néo-prophétique et antioccidentale. Cent cinquante ans plus tard il est perçu comme un parti conservateur allié aux Américains. Seul trait d’union à travers le temps : son organisation interne de tariqa-anti-tariqa.
- Francis Simonis : MCF HDR Histoire de l'Afrique à Aix-Marseille-Université
Titre : De guerres saintes en guerres saintes : l'empire Peul du Macina
En 1818, Amadou Hammadi Boubou, un modeste marabout Peul guidé par sa foi, met en déroute à Nankouma une coalition de Bambara et d'Ardos, chefs traditionnels Peul du Macina. Il prend alors le nom de Cheikou Amadou et par une série de guerres saintes, soumet l'ensemble du Macina qu'il soustrait à l'influence du royaume de Ségou. Il en convertit la population et met en place un empire théocratique, la Diina, qui sera finalement détruit par le conquérant Toucouleur El Hadj Oumar Tall en 1862. Nous nous intéresserons particulièrement aux justifications religieuses des expéditions et des mesures prises par Cheikou Amadou.
- Jean-Louis Triaud : IMAF (Institut des mondes africains)
Titre : El Hadj Omar au Sénégal et au Mali, un « seigneur de guerre » ?
Al-Hajj ‘Umar Tal (v. 1794/1796-1864), originaire de la vallée du Moyen Sénégal, est une figure connue de l’histoire ouest-africaine. Formé aux études islamiques, il adhéra à une confrérie nouvelle, la Tijaniyya, effectua le pèlerinage à La Mecque, puis séjourna, à son retour, pendant huit ans dans le califat de Sokoto, un État islamique né d’un jihad au début du XIXe siècle, en pays hausa (Nigeria du Nord). De retour en Sénégambie, il lança, en 1854, son propre jihad, avec des troupes recrutées dans son pays natal : d’abord, vainement, contre les Français du Sénégal, puis contre les États bambara animistes, dans l’actuel Mali, pour finir par une lutte fratricide contre un concurrent musulman, la Dina du Macina, dans l’ouest de la boucle du Niger. L’historiographie des indépendances l’a célébré comme un héros anti-colonial. Cette image héroïque est restée vivace au Sénégal, où elle se combine avec celle d’un champion de la religion musulmane. Par contre, il a laissé, au Mali, le souvenir d’un grand massacreur, qui réduisait en esclavage les survivants. Savant, guerrier, chef d’un triple jihad contre les chrétiens, les païens et les « mauvais musulmans », conquérant d’un vaste territoire, combinant une expérience internationale et des stratégies régionales, théorisant ses actions dans ses écrits, al-Hajj ‘Umar offre un bon exemple de jihad ouest-africain à la veille de la conquête coloniale.
Hestia Expertise, Fondation de la Maison des Sciences de l’Homme, Institut français de géopolitique (Université Paris 8)
The round tablie will take place from 9h to 17h at IMAF (Institut des mondes africains), salle Maurice et Denys Lombard (96, bd Raspail 75006 Paris)
Argument
This roundtable aims at confronting the current narratives of the war on terrorism with historical perspectives on past jihad in the Sahel. Case studies include the Mad Mullah in Somaliland, the Mahdi in the Sudan, Rabih in Borno, El Hadj Omar in Senegal and Mali, the Sokoto caliphate in Nigeria and the Macina Empire in Mali. The debate is restricted to uprisings under the banner of Islam and does not cover any war involving Muslims. The analyses focuses on the following points:
- the modalities of territorial control by jihadists,
- state building;
- the circulation of ideas and men;
- the religious arguments to justify the killings or the slavery of Muslims;
- the relationship to Non-Muslims: European colonizers, Christians, Unbelievers;
- heroes or bandits? The memorializing process of the leading figures of past jihads.
Contributors
- Roger Botte: Institut des mondes africains (CNRS-EHESS)
Title : Jihad and enslavement: from nineteenth-century jihads to Boko Haram and Daech
Muhammad Yusuf, mentor of Boko Haram, refers to treaties written by al-Maghili (d. 1504) and Uthman dan Fodio’s writings. All these scholars advocate jihad against the polytheists and against those who call themselves Muslims while remaining pagans. Specifically, for Muhammad Yusuf, the Western school imposed by missionaries and colonialists supplanted the Islamic system of education pre-existent in Northern Nigeria, which has led some Muslims to be unbelievers. Against these ungodly people there is no more meritorious jihad than jihad of purification. And women’s enslavement and children of the disbelievers is a legitimate saving work. Finally, following the example of Daech, the prescriptions of Islamic law require the establishment of an Islamic state.
- Alain Gascon: Professeur émérite, Institut français de géopolitique, Université Paris 8.
Title: Continuity or Break between seyyid Maxamed Cabdille Xasan — the “Mad Mullah” of Somalia — and the Shabaab?
Somalia — the only nation-state in sub-Saharan Africa — has nevertheless been in search of its lost unity for almost 30 years. Since 1991 Somaliland has seceded and the former Italian possession has been torn a part by clashes with warlords and with the Shabaab. They have declared allegiance to Al Qaeda and are primarily fighting for Ummah. Thus they are unaware of seyyid Maxamed Cabdille Xasan (the Mad Mullah) who had led from 1899 to 1920 a jihad against the United-Kingdom, Ethiopia and Italy. He was hailed as the father of the country by Siyaad Barre. Although he was a native of Somaliland the separatists in Hargeysa have no more claimed to go back to the seyyid’s spirit than the Government in Mogadishu! Have the Shabaab nothing to do with the seyyid’s troops, the Darawiish?
- Vincent Hiribarren: Kings College, London
Title: Violence and Fanaticism? The Empire of Borno under the Reign of Rabih
This paper will analyse the invasion of Borno by Rabih in the last decade of the nineteenth century. I will examine how Rabah created a "predatory state" but will also focus on the religious dimension of his rule as he claimed to be Mahdist. Rabah was killed by French troops in 1900 but his reign is still remembered as a period of religious fanaticism and violence in the Lake Chad area. This paper will thus try to understand how this image was constructed.
- Murray Last: University College, London
Title: From dissent to dissidence: the genesis & development of reformist Islamic groups in northern Nigeria
- Marc-Antoine de Montclos: Institut français de géopolitique, Paris
Title: Against history : the narratives ot terrorism in ‘Sahelistan’
Current narratives of the war on terrorism in the Sahel tend to portray jihad of today as being unprecedented in terms of territorial control, social basis and transnational connections. However, insurgencies under the banner of a revolutionary Islam are not new. It is thus necessary to understand the past to analyse the changes in violent Islamic reform movements.
- Gérard Prunier: CNRS
Title: Sudanese Mahdism : from messianic Jihad to conservative institutionalization
Mahdism was in its time (late XIXth century) perceived by British imperialism as its main enemy . After a smooth transition between World War One and the 1950s , it became the epitome of “realistic Islamism” and the core embodiment of conservative (and pro-western) Islamic politics.
- Francis Simonis: MCF HDR Histoire de l'Afrique à Aix-Marseille-Université
Title: Holy Wars and the Macina Empire in Mali
- Jean-Louis Triaud: Institut des mondes africains
Title: El Hadj Omar in Senegal and Mali: a warlord ?
Al-Hajj 'Umar Tal (c. 1794 / 1796-1864), born in the Middle Senegal Valley, is a well-known figure in the West African history. Trained in Islamic studies, he joined a new brotherhood, the Tijaniyya, made the pilgrimage to Mecca, and then stayed on his return during eight years in the Sokoto Caliphate, an Islamic state derived from a early nineteenth century jihad, in Hausaland (North Nigeria). Back in Senegambia, in 1854, he launched his own jihad, with troops recruited in his native country: first, vainly against the French in Senegal, then against Bambara animists states in present Mali to end with a fratricidal struggle against a Muslim competitor, the Dina of Macina, in the western part of the Niger Bend. The historiography of independences has celebrated him as an anti-colonial hero. This heroic image has stayed alive in Senegal, where it is combined with that of a champion of Islam. On the contrary, he has left, in Mali, the memory of a mass-murderer and slave provider. He was a scholar, a warrior, the leader of a triple jihad against Christians, pagans and "bad Muslims". He has conquered a vast territory, combining international experience and regional strategies, and he has been theorizing his actions in his writings. As such, he is a good example of a West African jihad on the eve of colonial conquest.
Subjects
- Africa (Main subject)
- Mind and language > Religion > History of religions
- Mind and language > Religion > Sociology of religion
- Society > Ethnology, anthropology > Political anthropology
- Society > Ethnology, anthropology > Religious anthropology
- Society > Political studies > Wars, conflicts, violence
Places
- Salle Maurice et Denys Lombard, IMAF - 96, bd Raspail
Paris, France (75006)
Date(s)
- mercredi, juin 03, 2015
Keywords
- jihad, Mali, Nigeria, Soudan, Sénégal, madhisme, Daech, Shabaab, Boko Haram, Macina
Contact(s)
- Marc-Antoine Pérouse de Monclos
courriel : marc-antoine [dot] perouse-de-montclos [at] ird [dot] fr
Information source
- Francis Simonis
courriel : francis [dot] simonis [at] univ-amu [dot] fr
To cite this announcement
« Muslims in the Sahel: stories of jihad », Miscellaneous information, Calenda, Published on lundi, mai 11, 2015, https://calenda-formation.labocleo.org/327804

