AccueilQuels territoires et quelles régulations pour gouverner les solidarités ?

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Quels territoires et quelles régulations pour gouverner les solidarités ?

What territories and what regulations for governing solidarity?

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Publié le lundi 25 juin 2018

Résumé

Face à la question sociale et en matière de fabrique des solidarités, comment évoluent les idées, les lignes stratégiques et les instruments mobilisés ? Comment rendre compte et analyser les formes d’action collective, les modes de gouvernance et les mutations professionnelles ainsi engendrés ?

Annonce

Argumentaire

Sur le temps long, la prise en compte de la question sociale renvoie tantôt aux solidarités des proches (obligatoires ou électives), tantôt à une solidarité collective (corporative et/ou nationale) s’appuyant sur un substrat de philosophie politique et nécessitant plus ou moins la mobilisation de la puissance publique (Paugam, 2007). Ainsi, en la matière, en institutionnalisant des arbitrages dépendants de configurations spécifiques, les pays industriels ont-ils développé différents régimes d’Etat providence (Esping Andersen, 1999).

En France, durant les Trente Glorieuses, une organisation nationale « quasi-sectorielle » (protection et prévoyance sociale, domaine gouvernemental ad hoc, ou encore corps professionnels spécifiques) cohabite avec la persistance de médiations intermédiaires, qu’elles soient confessionnelles, mutualistes ou encore communales. A partir des années 1980, aux prises avec une transformation de la structure des risques sociaux, l’Etat central se fait plus modeste : la gestion locale est alors présentée comme plus efficace, efficiente et démocratique. Ces mutations légitiment trois vagues décentralisatrices (1982, 2004, 2015) qui instaurent, au moins en apparence, le Département comme chef de file de l’action sociale, du développement social et des solidarités territoriales.

Ces dernières années, sous l’effet de la circulation internationale des idées, la « perspective de l’investissement social » se conjugue avec la pénétration du « nouveau management public » (Nicole-Drancourt, 2015, Bellot et al., 2013). On assiste à la libéralisation d’une partie de la protection sociale, à la contractualisation de l’aide sociale et à l’activation des politiques sociales, à l’émergence de services sociaux collaboratifs et à l’expérimentation des contrats d’impact social :  s’appuyant sur des solidarités re-déclinées au pluriel (Jobert, 2003), sur une mise en œuvre localisée ainsi que sur un retour plus ou moins avéré des logiques de marchandisation, ces nouveaux modes d’action interrogent, en France et à l’étranger, le devenir de l’Etat social. 

A partir de travaux issus des sciences sociales (science politique, sociologie, géographie sociale ou sciences de l’éducation…), cette journée d’étude vise à faire le point sur la gouvernabilité des solidarités d’une part et sur la reconfiguration des formes de gouvernance de ces solidarités d’autre part. Les travaux présentés pourront porter sur des domaines spécifiques de l’action sociale ou sur des transformations plus générales. Complémentairement aux travaux menés à partir de situations locales ou du cas français, les recherches menées à l’étranger et les comparaisons internationales seront les bienvenues.

Entre régulation politique et régulations sociales, l’objectif sera de rendre compte des compromis qui se tissent, persistent ou se modifient en matière de gestion de la question sociale. Il pourra s’agir de revenir sur l’historicité de l’Etat social, sur l’effacement puis la résurgence des centres de commandements locaux, sur l’influence des dynamiques internationales ou encore sur la place du « tiers-secteur » et des organisations non gouvernementales. Pour cela, trois entrées principales pourront être envisagées.

  • Dimensions cognitives et stratégies d’intervention

Cette première entrée propose de questionner les idées mobilisées dans le traitement de la question sociale. En fonction des visions à l’œuvre concernant le lien social et ses défaillances - inégalités, inadaptation, assignation, discrimination sociale –, quels sont les registres d’intervention promus : assistance, protection, cohésion, inclusion, activation, économie sociale et solidaire? Comment décoder les nouvelles références que sont la performance sociale (Alcaras et al., 2011), l’investissement social (Jenson, 2011, Palier, 2014) mais aussi le care et l’accompagnement des transitions (Martin, 2017), le développement social (Avenel, Bourque, 2017) ou encore le développement du pouvoir d’agir (Le Bossé, 2012) ? Pour rendre compte de la manière dont les solidarités sont plus ou moins gouvernées, il convient aussi de porter attention au mouvement de reconnaissance des droits et des capacités des personnes accompagnées (Bec, 2007) et à la mise à l’agenda des questions de non recours (Warin, 2016).

Que ce soit sur le temps long ou à propos des mutations en cours, Il s’agirait d’analyser comment s’actualisent les processus de qualification des problèmes sociaux et les schémas explicatifs de la pauvreté (Paugam 2008, Duvoux 2017) ainsi que les opérations de légitimation des stratégies d’intervention (Barbier, 2008a, Lefevre S. et al., 2011). Plus généralement, pourrait être questionnée la manière dont perdure ou évolue la distinction entre les libéraux - prônant la responsabilisation des acteurs associée à la compassion envers les plus démunis- et les républicains insistant sur les déterminants sociétaux et le besoin d’un système général protecteur. En la matière, une troisième voie se dessine-t-elle et quelle place la philanthropie ou le tiers secteur y occupent-ils? 

  • Modes de gouvernement et/ou gouvernance

Cette seconde entrée s’intéresse aux manières dont les pouvoirs publics « aménagent et orientent les possibles » sur des objets mouvants et transectoriels (Aguilera, 2017), dans le but de gérer les désajustements qui, dans toute société, se constituent entre les idéaux proclamés et les effets concrets de la vie économique et sociale. Administration sectorielle et planification localisée des services, européanisation des politiques sociales dans le cadre des méthodes ouvertes de coordination (Barbier, 2008b, Ferrera, 2009), territorialisation et contractualisation des stratégies de développement : peut-on repérer les mobilisations des différentes échelles territoriales en matière d’activation des solidarités et d’animation des interventions sociales (Bresson et al., 2015) ? Pour cela, il conviendrait d’interroger les positionnements des agences récemment créées (Benamouzig et Besançon 2008), le caractère insubmersible des Départements (Estèbe, 2005, Gregory, 2017), l’essor des nouvelles Métropoles, les initiatives prudentes des EPCI et la place historique des communes soucieuses de proximité (Baron et Kada, 2016). On pense aussi aux organismes de protection sociale se recentrant sur leur mission première, aux initiatives portées par les Conseils régionaux en matière de soutien à l’économie solidaire, de formations sociales ou encore de lutte contre le décrochage (Rouzeau, 2018) et, bien évidemment, aux associations qui, en se rapprochant, ajustent et/ou transforment leur modèle économique et social (Laville et Salmon, 2015, Hély, 2017). Comment – entre coopération, instrumentalisation et résistances - évoluent les relations entre acteurs publics, associatifs et de marché ?

La notion de « gouvernement à distance » (Epstein, 2013) est-elle utile pour apprécier les mutations à l’œuvre et/ou, peut-on diagnostiquer la structuration de véritables « systèmes locaux d’intervention sociale » (Loncle 2011, Andreotti et Mingione, 2013) ? Le jeu est-il en train de s’ouvrir débouchant sur de multiples initiatives très faiblement coordonnées via des formes informelles de solidarités voire par des collectifs de citoyens proclamant leur autonomie vis-à-vis de l’action publique, ou, finalement, les pouvoirs centraux ont-ils repris la main à travers des stratégies de cadrage des conduites mixant persuasion et prescription ?

  • Professionnalités et instruments

Cette troisième entrée privilégie le rôle joué par les différents acteurs (élus, professionnels, bénévoles, usagers…) ainsi que les techniques, instruments et outils qu’ils mobilisent et qui organisent leurs interventions. Les régulations corporatistes - entre les pouvoirs publics et les grandes fédérations associatives - et la spécialisation professionnelle structurent historiquement le domaine social et médicosocial. Or, depuis une trentaine d’années, cette perspective se trouve questionnée par l’implication d’une nouvelle génération d’élus locaux et l’arrivée dans le domaine social de profils professionnels généralistes (chargés de mission, coordonnateurs, manageurs de proximité), par la diversification des fonctions à assumer (animation territoriale, ingénierie sociale, développement de l’offre d’insertion) ou encore du fait de l’irruption du « Social business » et aussi des perspectives d’e-éducation ou d’e-inclusion. Il s’agirait alors de questionner les marges de manœuvre associées aux différents métiers, que ce soit en matière de décision et de pilotage des politiques sociales ou de mise en œuvre des interventions sociales. Généralisation des appels à projet, encouragement des approches « intégrées », multiplication des schémas d’action, incitations à l’expérimentation sociale et à l’innovation solidaire, apparition des labellisations : ces changements instrumentaux restent-ils de l’ordre du cosmétique ou sont-ils en train d’affecter en profondeur le design des politiques sociales ? 

Solidarisation grandissante des politiques éducatives, culturelles, sportives (Ballain et al., 2005), nouvelles formes de management (Jetté et Goyette, 2010, Moachon et Bonvin, 2013), dissémination de l’ingénierie sociale (Penven, 2013), diversité des engagements (Gaspar, 2012), multiplication des épreuves de professionnalité (Ravon, 2015) sont-ils à l’origine d’un éclatement et d’une désinstitutionalisation de l’intervention sociale ou, au contraire, en se croisant, font-ils système au point de jeter les bases d’une nouvelle configuration couplant administration sociale, développement local et entreprenariat solidaire ?

Entre responsabilité de l’Etat central, mobilisation des territoires locaux et activation des univers privés, on cherchera à savoir dans quelle mesure les cartes sont en train d’être rebattues. En examinant les tensions qui traversent les différentes entrées de cet appel à contributions, l’ambition de cette journée d’étude et des prolongements auxquelles elle pourrait donner lieu (séminaires et publications) consiste à éclairer le devenir de la régulation politique dans le domaine des solidarités. Fragmentation des initiatives, simples ajustements des prises de rôle ou émergence de nouveaux régimes d’action sociale : les travaux de recherche actuellement menés sur ces sujets permettent-ils de statuer sur le devenir de l’Etat social ?

Modalités

Date limite d’envoi des propositions de communication (500 mots max) :

30 septembre 2018. 

Les propositions de communication doivent être envoyées à : chaire.tmap@sciencespo-rennes.fr

Sélection des propositions et programme définitif : Fin octobre 2018

Date limite d’envoi des textes : 15 décembre 2018

Date de la manifestation : Le 24 janvier 2019 à Rennes

Comité scientifique

  • Thomas Aguilera, Univ. Rennes - Sciences Po Rennes, ARENES
  • Caroline Arnal, Université Versailles Saint-Quentin, PRINTEMPS
  • Monica Battaglini, HETS Genève, CERES
  • Maryse Bresson, Université Versailles Saint-Quentin, PRINTEMPS
  • Lucie Dumais, Université du Québec à Montréal, Ecole de travail social
  • Annie Fontaine, Université Laval à Québec, JEFAR
  • Olivier Giraud, CNRS, LISE
  • Medjed Hamzaoui, Université Libre de Bruxelles, METICES
  • Patrick Hassenteufel, Université Versailles Saint-Quentin, PRINTEMPS
  • Matthieu Hély, Université Versailles Saint-Quentin, PRINTEMPS
  • Robert Lafore, Sciences Po Bordeaux, COMPTRASEC
  • Sylvain Lefevre, Université du Québec à Montréal, PHILAB
  • Patricia Loncle, Univ. Rennes, EHESP, ARENES
  • Claude Martin, Univ. Rennes - CNRS, EHESP, ARENES
  • Philip Milburn, Univ Rennes - Rennes 2, ESO
  • Chantal Nicole-Drancourt, CNRS, LISE
  • Marc Rouzeau, Univ. Rennes - Sciences Po Rennes et ASKORIA, ARENES
  • Marc Henri Soulet, Université de Fribourg, Chaire « Politiques sociales et travail social »
  • Philippe Warin, CNRS, PACTE, ODENORE

Keynote Speaker

  • Nicolas Duvoux, Université Paris 8, CRESPPA

Lieux

  • Institut d'Etudes Politiques - IEP de Rennes - 104 Boulevard de la Duchesse Anne
    Rennes, France (35700)

Dates

  • dimanche 30 septembre 2018

Mots-clés

  • territoire, régulation, solidarité

Contacts

  • Patrice Diatta
    courriel : patrice [dot] diatta [at] sciencespo-rennes [dot] fr
  • Marc Rouzeau
    courriel : marc [dot] rouzeau [at] sciencespo-rennes [dot] fr

URLS de référence

Source de l'information

  • Patrice Diatta
    courriel : patrice [dot] diatta [at] sciencespo-rennes [dot] fr

Licence

Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Quels territoires et quelles régulations pour gouverner les solidarités ? », Appel à contribution, Calenda, Publié le lundi 25 juin 2018, https://calenda-formation.labocleo.org/445853

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