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Théories et méthodes pour l’Histoire de la traduction

Theories and Methods for History of Translation

Teorie e metodi per la Storia della traduzione

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Publié le mercredi 28 novembre 2018

Résumé

Dans les premières lignes de son ouvrage, L’épreuve de l’étranger (1984), Antoine Berman affirmait que « la constitution d’une histoire de la traduction est la première tâche d’une théorie moderne de la traduction » (Berman 1984 : 12). Cette réflexion, à trente ans de distance, ne peut qu’apparaître prophétique : l’étude des traductions trace aujourd’hui des nouveaux chemins, en ce qu’elle se pense et se repense à la lumière des autres disciplines et plus particulièrement en ce qu’elle aspire à faire partie de l’histoire littéraire.

Annonce

Argument

Dans les premières lignes de son ouvrage, L’épreuve de l’étranger (1984), Antoine Berman affirmait que « la constitution d’une histoire de la traduction est la première tâche d’une théorie moderne de la traduction » (Berman 1984 : 12). Cette réflexion, à trente ans de distance, ne peut qu’apparaître prophétique : l’étude des traductions trace aujourd’hui des nouveaux chemins, en ce qu’elle se pense et se repense à la lumière des autres disciplines et plus particulièrement en ce qu’elle aspire à faire partie de l’histoire littéraire. En 1998, dans un ouvrage pionnier, Anthony Pym esquissait une série de paradigmes pour l’Histoire des traductions : non seulement il réfléchissait à cette discipline d’un point de vue épistémologique mais il offrait aux lecteurs une première véritable « méthodologie » (Pym 1998). L’urgence scientifique de ce nouveau champ de recherche a changé le point de vue de la communauté académique internationale et on peut désormais considérer l’ensemble des textes traduits non seulement comme de la « littérature » (à laquelle on limite trop souvent l’étude des traductions) mais aussi comme un « patrimoine intellectuel » qui joue son rôle dans l’histoire des savoirs (Ballard 2013).

Plusieurs recherches, thèses, articles et même des entreprises de longue haleine se sont multipliés pendant les dernières années. Il suffit d’évoquer deux grands projets fédérateurs à titre d’exemple : la collection The Oxford History of Literary Translation in English dirigées par Stuart Gillespie et David Hopkins (Oxford University Press, 2006-2010) et la collection Histoire des traductions en langue française dirigée par Yves Chevrel et Jean-Yves Masson (Lagrasse, Verdier, 2012-2016).

Toutefois, malgré la richesse de la production scientifique, les questions épistémologiques, théoriques et méthodologiques semblent trop souvent refoulées dans les travaux qui ont l’ambition de réaliser une histoire des traductions. Les enjeux de toute méthode traductologique influent nettement sur l’approche et le résultat des recherches : il nous semble que les commentateurs et chercheur-euse-s plus averti-e-s tireraient nettement profit d’une telle circonspection épistémologique.

Ce Congrès international souhaite donner au public universitaire une occasion inédite pour réfléchir à des aspects purement méthodologiques. Au-delà de l’étude de l’œuvre, du texte, du genre ou du corpus, il faudrait donc porter une attention toute particulière à une vision d’ensemble, se laisser entraîner par une inspiration cartographique.

Comme l’a avancé Astrid Guillaume (2014), il faudrait ainsi garder comme point de départ, certes, les textes-cibles et les textes-sources, mais ne plus travailler exclusivement sur des textes, des corpus et des genres : l’étude des traductions doit viser « des époques entières […] sur la durée et la contrastivité, l’histoire des mentalités en devenir et les temps qui formatent l’esprit ou marquent des générations entières » (Guillaume 2014 : 381-382). François Rastier mettait déjà l’accent en 2011 sur une vision interdisciplinaire de l’historiographie : « on a trop souvent réduit les langues à des dictionnaires et des grammaires, voire à des syntaxes. Il faut cependant tenir compte, outre du système, des corpus (corpus de travail et corpus de référence), de l’archive (de la langue historique), enfin des pratiques sociales où s’effectuent les activités linguistiques » (Rastier 2011 : 14).

Les futures histoires des traductions devraient alors se confronter à des dispositifs théoriques permettant de décrire des procès historiques complexes ainsi que de rendre compte de la dimension socio-culturelle. L’historiographe des traductions ne pourra donc retarder ultérieurement le dialogue, voire l’affrontement, avec des notions fondatrices dans les méthodes historiographiques et dans la critique littéraire. On évoquera par exemple la question de la constitution d’un canon traductionnel, l’identification et l’étude de différentes « traditions traductionnelles » (Venuti 2005) dans une perspective diachronique, mais aussi la possibilité de distinguer des « imaginaires de la traduction » (Raimondo 2016) qui nous permettent de modéliser, d’un côté, la subjectivité des traducteurs (imaginaires des traducteurs), de l’autre, les diverses conceptions et représentations de la traduction (imaginaires du traduire) impliquées dans la remédiation et dans la transmission des textes. L’histoire des traducteurs ne peut donc pas faire l’économie de l’histoire du traduire en tant que chronique de la « culture de la traduction » (Burke 2007). L’histoire de la traduction ouvre enfin de nouvelles perspectives vis-à-vis du statut de la traductologie qui s’est ouverte non seulement à un « nouveau historicisme comparé » (Coldiron 2001 : 98) mais aussi à une « traductologie comparée » (Tyulenev and Zheng 2017).

Par le dédoublement des sources et la difficulté à constituer des corpora, par la multiplication des références textuelles et des données paratextuelles, par les nombreuses questions linguistiques, interlinguistiques et translinguistiques qu’elle pose, la traductologie devient ainsi un champ privilégié pour repenser les fondements des approches littéraires et historiographiques. La tâche du critique des traductions est rendue plus difficile par le fait que l’histoire des traductions se confronte non seulement à l’altérité de l’auteur mais aussi avec celle du traducteur, à l’intérieur d’une dynamique de dédoublement des horizons. La conscience de tout historiographe oscille vertigineusement entre le besoin d’érudition et le risque nécessaire de la fiction narrative, écart qui appelle une prudence heuristique. Nous souhaitons donc non seulement tracer les contours d’une histoire savante, mais aussi envisager la possibilité de réécrire une nouvelle histoire, une autre histoire, voire une « histoire naturelle de la traduction » (Le Blanc, à paraître 2019).

Les chercheur-euse-s sont invité-e-s à élaborer des dispositifs théoriques et des solutions méthodologiques pour l’Histoire de la traduction. On propose quelques pistes de réflexion sans prétention à l’exhaustivité :

  • réflexions épistémologiques pour l’histoire des traductions ;
  • nouvelles théories pour l’histoire des traductions ;
  • méthodes historiographiques ;
  • constitution et évolution des corpus ;
  • solutions pour le découpage chronologique ;
  • la traductologie au prisme de l’histoire des savoirs et des idées ;
  • bases de données et « historiographies digitales » ;
  • lecture, représentations graphiques et interprétation des données historiographiques ;
  • histoires des traductions et de la transmédialité ;
  • histoires des traductions inter-sémiotiques (cinéma, télé, arts visuels, etc.) ;
  • traditions traductionnelles ;
  • canon de traductions ;
  • imaginaires des traducteurs et imaginaires du traduire.

Submission guidelines

Les propositions de communication sont à adresser en français, en italien ou en anglais aux adresses suivantes

avant le 1 février 2019.

Elles comporteront un résumé de 300 mots maximum, un titre, une notice biobibliographique et les coordonnées (e-mail, téléphone, etc.). Les candidat-e-s retenus seront informés pendant la première semaine de février. La Journée d’Études se tiendra le 15 et le 16 avril 2019 et se clôturera par une conférence de Charles Le Blanc (Full Professor, uOttawa) à l’occasion de la parution de son dernier livre Histoire naturelle de la traduction (Paris, Les Belles Lettres, à paraître 2019).

Les communications pourront faire l’objet d’une publication. Ces textes devront être inédits et devront passer par une sélection ultérieure. Ils seront envoyés dans les mois suivant la Journée d’Étude.

  • ths.vuong@gmail.com
  • riccardo.raimondo@uzh.ch

Coordonnateurs du projet

  • Tatiana Crivelli Speciale (Full Professor, Romanisches Seminar, UZH)
  • Riccardo Raimondo (Post-Doc, University of Zurich)
  • Thomas Vuong (Post-Doc, University Paris 13)

Partners:

  • Romanisches Seminar (UZH, Zurich), Doktoratsprogramms «Romanistik: Methoden und Perspektiven» (UZH, Zurich), Équipe de Recherche Pléiade (Université Paris13), University of Ottawa.

Bibliographie indicative

Anne E. B. COLDIRON, ‘Toward A Comparative New Historicism: Land Tenures and Some Fifteenth-Century Poems’, Comparative Literature, vol. 53.2 (2001), p. 97-116.

Michel BALLARD, Histoire de la traduction : repères historiques et culturels, Bruxelles, De Boeck, 2013.

Antoine BERMAN, L’Épreuve de l’étranger. Culture et traduction dans l’Allemagne romantique, Paris, Gallimard, 1984.

Peter BURKE, ‘Cultures of Translation in Early Modern Europe’, in Peter BURKE and R. Po-chia HSIA (ed.), Cultural Translation in Early Modern Europe, Cambridge, Cambridge University Press, 2007, p. 7-38.

Astrid GUILLAUME, ‘Vers une sémiotique diachronique et contrastive des cultures’, in Driss ABLALI, Sémir BADIR, Dominique DUCARD (ed.), Documents, textes, œuvres. Perspectives sémiotiques, Presses Universitaires de Rennes, 2014, p. 381-406.

The series ‘Histoire des traductions en langue française’, ed. by Yves Chevrel et Jean-Yves Masson (Lagrasse, Verdier, 2012-2016).

The series ‘The Oxford History of Literary Translation in English’, ed. by Stuart Gillespie, David Hopkins (Oxford University Press, 2006-2010)

Charles LE BLANC, Histoire naturelle de la traduction, Paris, Les Belles Lettres, forthcoming January 2019.

Anthony PYM, Method in Translation History, Manchester, St. Jerome Publishing, 1998.

Riccardo RAIMONDO, ‘Orphée contre Hermès: herméneutique, imaginaire et traduction (esquisses)’, Meta, vol. 61 (2016), p. 650-674.

François RASTIER, La mesure et le grain. Sémantique de corpus, Paris, Champion, 2011.

Sergey TYULENEV and Binghan ZHENG (ed.), Toward Comparative Translation and Interpreting Studies, Amsterdam, John Benjamins, p. 197-212.

Lawrence VENUTI, ‘Translation, History, Narrative’, Meta, vol. 50.3 (2005), p. 800-816.

Catégories

Lieux

  • Romanisches Seminar - Zürichbergstrasse 8
    Zurich, Confédération Suisse (8032)

Dates

  • vendredi 01 février 2019

Mots-clés

  • translation, traduttologia, traductologie

Contacts

  • Raimondo Riccardo
    courriel : raimondo [dot] riccardo [at] yahoo [dot] it
  • Vuong Thomas
    courriel : ths [dot] vuong [at] gmail [dot] com

URLS de référence

Source de l'information

  • Raimndo Riccardo
    courriel : riccardo [dot] raimondo [at] uzh [dot] ch

Licence

Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Théories et méthodes pour l’Histoire de la traduction », Appel à contribution, Calenda, Publié le mercredi 28 novembre 2018, https://calenda-formation.labocleo.org/510411

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