InicioHors les murs. Photographes et studios mobiles

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Hors les murs. Photographes et studios mobiles

Out of the studio. Photographers and mobile studios

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Publicado el jeudi 19 de décembre de 2019

Resumen

Le numéro 2 de la revue Photographica entend explorer une histoire matérielle et visuelle du studio photographique mobile entendu comme déplacement hors les murs d’une activité professionnelle spécialisée. Une attention spéciale sera accordée aux dispositifs et usages des studios hors les murs, en ne limitant pas la question à celle du portrait, et en envisageant ces mobilités photographiques du point de vue du travail, du matériel, des pratiques des photographes et de la diffusion de la photographie. L'un des enjeux de ce numéro thématique est d'avancer dans le travail d'historicisation et de géographisation de ce phénomène peu étudié.

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Argumentaire

« On a tiré la voiture de la remise quand la maison et les meubles étaient vendus. Nous avons fait faire un cadre dans lequel nous avons disposé un tas de photographies que maman avait faites […]. Puis nous sommes parties et depuis ce moment nous allons de foire en foire, et pendant que maman photographie, moi, je me mets devant la porte, j’appelle les passants… Oh ! C’est un dur métier, allez, et nous avons bien du mal à y gagner notre vie…» (Vitis, 1907)

Dans son livre Photography and the American Scene, Robert Taft évoque les studios photographiques présents sur les bateaux remontant les fleuves américains. Il raconte aussi l’anecdote (non datée) d’un face-à-face entre un daguerréotypiste ambulant et des villageois mécontents d’un portrait : la foule finit par envoyer le photographic van de ce dernier et tout son contenu dans le décor (Taft, 1938, p. 65-67). À quoi ressemblent précisément ces chariots photographiques du xixe siècle, qui donnent aux photographes ambulants des allures de colporteurs d’étain et les inscrivent du côté des batteurs de pavés et des coureurs de chemins ? En 1858, dans La Lumière, Ernest Lacan place le photographe ambulant en bas de l’échelle, critiquant ces « saltimbanques de la photographie » qui la dénaturent (Lacan, 1858, p. 77). L’enquête publiée en 1860 sur le commerce parisien fait état des ateliers photographiques, précisant que les plus importants sont dotés d’opérateurs pour se déplacer en extérieur ou en mission, mais ne donne pas de chiffres pour la photographie ambulante (Chambre de commerce, 1864). Dans les années 1980, le livre de Ann Parker et Avon Neal sur les photographes ambulants au Guatemala montre la vivacité de cette pratique encore à la fin du xxe siècle (Parker et Neal, 1984).

Qu’est-ce qu’un studio « mobile » ou hors les murs ? On entendra par-là l’idée que le studio mobile est un dispositif (réduit ou complexe) qui peut se déplacer et permettre une pratique « intégrée » de la photographie en extérieur, c’est-à-dire hors de l’atelier ou du laboratoire, alliant l’ensemble des étapes nécessaires à la production des photographies – de la préparation à la prise de vue et jusqu’au développement, voire à la diffusion et à la vente. C’est au prisme de ces aspects matériels de la photographie nomade que pourra être étudiée cette histoire quelque peu invisible des mobilités photographiques – et qui la distingue de celle des photographes de plein air comme les reporters.

Si l’atelier photographique a fait l’objet de recherches historiques et d’expositions, la mobilité des photographes professionnels hors du studio a été moins explorée, peut-être en raison de la plus grande difficulté à en cerner les mouvements (défaut de sources, de reconnaissance). Cette lacune a joué au profit de l’atelier lui-même, devenu une image de référence de notre culture visuelle, le lieu de la mise en scène du photographe (Cartier-Bresson, 2012, p. 8).

Pourtant, au même titre que l’histoire des ateliers, l’histoire des mobilités photographiques s’ouvre elle aussi avec la naissance de la photographie et se poursuit tout au long de son histoire, en parallèle de pratiques plus sédentaires. Dans les années 1970, Susan Sontag voyait dans l’expansion mondiale de la photographie le signe d’un médium à la fois démocratique et impérialiste – Sontag n’hésitait pas à lier clairement phénomène colonial et expansion tentaculaire de la photographie. Après les séries d’articles « Early Photography in… » publiées dès 1977 par la revue History of photography, après les constats dressés par les histoires « mondiales » de la photographie dans les années 1980 et 1990 (Rosenblum, 1996), les recherches se sont poursuivies sur la manière dont la photographie s’est répandue et enracinée dans certaines régions du monde comme le Japon (Bennett, 2006), la Chine (Bennett, 2009, 2010, 2013) ou l’Afrique (Nimis et Goni, 2013). Des programmes de recherche ou des publications récentes réfléchissent aux effets de l’exil ou des migrations sur les photographes et leur production photographique, définissant ceux-ci comme « zones de contact » (Hannoosh, 2016) et la photographie comme « médium diasporique par excellence » (Dogramaci et Roth, 2019), et soulignent la qualité nomade non seulement des images photographiques, mais aussi de leurs producteurs, essentiellement à partir des années 1920.

La question des mobilités et circulations photographiques, faisant appel à des logiques transnationales et à des études de flux (des hommes aux marchandises photographiques), invite également à un décentrement du regard. Au-delà de logiques internationales, elle permet d’envisager des mobilités intérieures et locales (de ville en ville, des villes aux campagnes), d’approfondir une histoire sociale des photographes et d’interroger les représentations et imaginaires que ces derniers suscitent, nourrissant un folklore toujours vivace. En effet, les « photographes ambulants » forment une catégorie souvent rattachée aux petits métiers, et à des pratiques dites « populaires », urbaines ou rurales, liées aux foires et aux marchés (exploitant des procédés comme les ferrotypes, tintypes, toiles peintes, développements instantanés, etc.). Dans la presse, la littérature et le cinéma, l’image du photographe ambulant est souvent celle d’un miséreux : « Il nous apparaît comme un pauvre être de souffrance, ce Korn, photographe ambulant, artiste forain qui allait de foire en foire » (Claretie, 1912, p. 5). Mais tout comme l’idée de photographie populaire, l’image et le statut du photographe ambulant méritent d’être nuancés et affinés. Ceci d’autant plus que les travaux récents des historiens et historiennes sur les mobilités des métiers et des savoir-faire à l’époque contemporaine nous invitent à penser ces pratiques photographiques à l’aune de celles d’autres professions ambulantes ou mobiles (ingénieur, négociant, colporteur, artisan qualifié, ouvrier, etc.) (Brice, Diaz, 2016).

Si le photographe ambulant se présente souvent comme la version plébéienne du photographe d’atelier, les images qu’il produit participent tout autant d’une autre « culture photographique », tout à la fois obscure et archaïque, modeste et authentique, réfractaire aux changements technologiques – que l’on songe à la figure d’Eugène Atget. Dans l’article éclairant qu’il publiait sur les photographes ambulants en 2015, Ilsen About soulignait l’importance de ces pratiques itinérantes « dans l’acculturation des sociétés contemporaines aux pratiques quotidiennes de l’image photographique » et la « diffusion lente et durable des objets visuels dans la culture matérielle » (About, 2015). Cette histoire de la culture matérielle (et donc des rapports des sociétés contemporaines aux images photographiques) doit aussi se retourner sur la photographie elle-même, en pensant les modalités et matérialités de ces pratiques photographiques « hors du studio ».

Une attention spéciale sera accordée aux dispositifs et usages des studios hors les murs, en ne limitant pas la question à celle du portrait, et en envisageant ces mobilités photographiques du point de vue du travail, du matériel, des pratiques des photographes et de la diffusion de la photographie.

D’autre part, on s’intéressera particulièrement aux conditions des photographes ambulants comme à l’historicisation (qui se déploie de l’invention de la photographie à aujourd’hui) et à la géographisation (dans de multiples aires et lieux) d’un phénomène soumis à de multiples variations et adaptations, depuis le photographe de métier jusqu’aux explorateurs, excursionnistes ou scientifiques, photographes plus occasionnels.

C’est donc une histoire matérielle et visuelle du studio photographique mobile entendu comme déplacement hors les murs d’une activité professionnelle spécialisée, tout autant qu’une ethnographie de ses opérateurs ambulants, que ce numéro de Photographica voudrait explorer.

Les propositions pourront porter sur l’un des thèmes suivants :

  • les sources et archives de l’histoire des pratiques du studio mobile ou du photographe ambulant ;
  • législation encadrant les pratiques mobiles de la photographie ;
  • matérialités du studio mobile : roulottes, chariots, tentes, sac à dos, baraques, cabanes, studios portatifs, design des « vans » photographiques, mobilier intérieur, décors, etc. ;
  • enjeux et usages du studio mobile : portraits, animaux, photographes de foire, de cabarets et de lieux touristiques, mais aussi photographie scientifique et expéditions (de l’ethnologie à la spéléologie) ;
  • sociologie et genre de la photographie ambulante : dichotomie photographe d’atelier et photographes ambulants, opérateurs, femmes photographes ambulantes ;
  • articulation des mobilités photographiques et des changements technologiques ; historicisation de la photographie ambulante liée aux procédés techniques ;
  • évolution du statut du photographe hors du studio à l’ère industrielle, hiérarchie entre photographes entrepreneurs et opérateurs.

Calendrier

Date limite envoi des articles : 15 février 2020

Date réponse du comité : première quinzaine de mars 2020

Parution dans la revue Photographica (no 2) : novembre 2020

Modalités de soumission

Les textes peuvent être envoyés en français ou en anglais sous la forme d’articles de 30 000 signes (espaces et notes compris).

Des propositions d’illustrations légendées pourront y être associées (10 à 15).

Les documents sont à envoyer à : redaction@photographica-revue.fr Pour toute question vous adresser à : contact@photographica-revue.fr

Textes

Remise d’un fichier comprenant le titre, le résumé de l'article (1000 caractères environ), des mots-clés (5 à 10) et le corps même de l'article.

Remise d’un fichier séparé ou figureront les mentions de noms, adresse électronique, qualité et rattachement institutionnel (université, laboratoire) des auteur·e·s, ainsi qu’une bio-bibliographie.

Les propositions d’articles seront évaluées en double aveugle.

Elles pourront être: acceptées, acceptées avec modifications ou refusées.

Illustrations

Des propositions d’illustrations légendées pourront y être associées, de 10 à 15. Chaque illustration devra comporter un titre, une légende et un crédit. Les illustrations seront insérées dans le fichier texte à l’endroit voulu.

Chaque illustration sera remise en couleur et haute définition (300 dpi au format). Pour les droits de reproductions iconographiques, prendre contact avec la rédaction de la revue : redaction@photographica-revue.fr

Coordinateurs du numéro

  • Eléonore Challine, Maître de conférence, Paris 1
  • Paul-Louis Roubert, Maître de conférence, Paris 8

Sélection des articles 

Une fois réceptionnés, les textes sont discutés par le comité de rédaction qui se réunit chaque trimestre. Selon leur adéquation avec les objectifs et exigences de la revue, ils sont soit : acceptés, acceptés avec modifications ou rejetés. Ceux acceptés sont relus en double aveugle et font l’objet de plusieurs expertises menées par le comité de rédaction ou par des experts externes.

Ethique 

L’article soumis par l’auteur·e doit être inédit. 

Il ne doit pas dupliquer un travail antérieur déjà publié en français ou en anglais, y compris le sien propre.

Il ne doit pas avoir été soumis simultanément à une autre revue ou à d’autres supports de publication. 

Il ne doit pas contenir d’éléments diffamatoires, illégaux, frauduleux. 

Son auteur·e s’engage à respecter les règles de déontologie scientifique.

(https://www.cnrs.fr/comets/IMG/pdf/charte_nationale__deontologie_signe_e_janvier2015.pdf)

En cas de non respect de ces principes éthiques, le rédacteur en chef se réserve le droit de refuser le texte et de les retirer du processus éditorial avant publication.  

Catalogues d’expositions et expositions

  • Cartier-Bresson, A. (2012). Dans l’atelier du photographe, Paris, France: Paris musées.

  • Desveaux, D., Cuesta, S. et Reynaud, F. (dir.). (2016). Dans l’atelier. L’artiste photographié, d’Ingres à Jeff Koons, Paris, France: Paris musées.

  • Eskildsen, U. (dir.). (2008) Street & Studio: an urban history of photography, Londres, Royaume-Uni: Tate publ..

  • A World of Its Own: Photographic Practices in the Studio, MoMA, 2014.

  • In and Out of the Studio: Photographic Portraits from West Africa, MET, NY, 2015-2016.

Indications bibliographiques

About, I. (2015). Les photographes ambulants. Techniques & Culture, 2 (64), 240-243.

Aprile, S. (2016). Déposer un brevet sans déposer les armes ? Exilés et inventeurs français durant le Second Empire. Revue d'histoire du XIXe siècle, 2 (53), 79-96.

Brice, C. et Diaz, D. (dir.). (2016). Mobilités, savoir-faire et innovations. Revue d’histoire du XIXe siècle, 53 (2), 228.

Bouillon, M.-E. (2018). Photographes et opérateurs. Le travail des Neurdein frères (1863-1918). Revue Mil Neuf Cent, 1 (36), 95-114.

Chambre du commerce (1864). Statistiques de l’industrie à Paris résultant de l’enquête faite par la Chambre de commerce pour l’année 1860. Paris, France: Chambre de commerce.

Claretie, G. (1912, 26 avril). Gazette des tribunaux. Cour d’assise de l’Eure : un drame au théâtre. Le Figaro, 5.

Dogramaci, B. et Roth, H. (dir.). (2019). Nomadic Camera. Fotografie, Exil, Migration. Fotogeschichte, 39 (151).

Hannoosh, M. (2016). Practices of Photography: circulation and mobility in the nineteenth-century mediterranean. History of Photography, 40 (1), 3-27.

Lacan, E. (1858, 15 mai). Les saltimbanques de la photographie. La Lumière, (20).

Miller, S. (1987). Itinerant Photographer: Corpus Christi 1934. Albuquerque, NM: University of New Mexico Press.

Parker, A. et Neal, A. (1984). Los Ambulantes, The itinerant photographers of Guatemala, Cambridge, MA: MIT Press.

Rosenblum, R. (1984). A world History of Photography. New York, NY: Abbeville Press.

Rosenblum, R. (1996). Une histoire mondiale de la photographie. Paris, France: Abbeville Press.

Sagne, J. (1984) L’atelier du photographe (1840-1940), Paris: Presses de la Renaissance.

Taft, R. (1938). Photography and the American Scene—A Social History 1839–1889, New York, N.Y.: Dover Publications.

Vitis, Ch. de. (1907, 4 avril). Cœur d’Enfant. 2e partie. Les miséreux. VI. Photographies ambulants. L’Ouest-Éclair, 2.

 


Fecha(s)

  • samedi 15 de février de 2020

Palabras claves

  • photographie, atelier, studio, mobilité, flux, international, ethologie, folklore

Contactos

  • Marie Auger
    courriel : redaction [at] photographica-revue [dot] fr

Fuente de la información

  • Marie Auger
    courriel : redaction [at] photographica-revue [dot] fr

Para citar este anuncio

« Hors les murs. Photographes et studios mobiles », Convocatoria de ponencias, Calenda, Publicado el jeudi 19 de décembre de 2019, https://calenda-formation.labocleo.org/720038

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