Colloque final du laboratoire junior Tantale de l'ENS de Lyon, (Transgression dans l’Antiquité : Approche des Limites et des Écarts) programme de recherche organisé intégralement par des jeunes chercheurs. Lyon, 27-28 novembre 2020 École Normale Supérieure de Lyon
Argumentaire
« Elle est loin d’être inutile la folie de qui, à ses propres dépens, sert non seulement ses intérêts mais aussi la cité (καὶ οὐκ ἄχρηστος ἥδ᾽ ἡ ἄνοια, ὃς ἂν τοῖς ἰδίοις τέλεσι μὴ ἑαυτὸν μόνον ἀλλὰ καὶ τὴν πόλιν ὠφελῇ). » Thucydide, VI, 16, 3.
Alcibiade, dans son discours à l’Assemblée avant le départ de l’expédition en Sicile, défend devant les citoyens réunis, en pleine lumière, son droit à commander, non pas en dépit de son hubris, dénoncée par Nicias, mais grâce à elle. Cette transgression des cadres définis par la cité justifie, paradoxalement, ses prétentions au pouvoir. Alors qu’elle est considérée, de prime abord, comme une attitude contestataire qui cherche à mettre à mal toute forme d’autorité, la transgression peut, à l’inverse, se penser dans l’optique de l’intérêt des puissants. Or Alcibiade n’est pas le seul à affirmer son pouvoir de la sorte : le tyran, aussi bien la figure historique, que le paradigme sur lequel ont réfléchi les penseurs du monde grec classique (Xénophon, Platon, Aristote), fait de la transgression des normes le moteur de sa vie, tant privée que publique, et ne cesse de s’appuyer sur elle pour fonder sa légitimité[1]. L’abus, la violence, sont dès lors ses manifestations attendues. Lors de la tyrannie des Trente, les « tyrans » maintiennent et alimentent leur pouvoir par la violence et par de multiples formes de transgression ; et, parmi eux, figure Critias, « le plus cupide, le plus violent et le plus meurtrier »[2]. Le tyran est une figure-type aussi bien dans la littérature grecque que romaine, dans les traditions rhétoriques et morales, dans l’historiographie ou au théâtre : il est doté de vices topiques dénotant le dérèglement, l’excès et l’abus[3]. L’homme de pouvoir transgressif peut ainsi s’opposer frontalement aux règles d’un système préexistant, bouleversant une organisation politique, ou alors en porter la logique à son point extrême. On peut dans ce contexte s’interroger sur la nature de la relation des imperatores,dotés de pouvoirs extraordinaires à la fin de la République, avec la norme politique de leur époque : conduisirent-ils à son paroxysme le fonctionnement de la culture aristocratique traditionnelle, fondée sur la compétition entre les membres des grandes familles[4] ? De ce point de vue, peut-on considérer que pousser à son extrémité les logiques d’un système, au point d’en transformer considérablement les normes, relève de la transgression ?
Nous souhaitons, dans le cadre du colloque, saisir la transgression dans son sens fort, suivant en cela les nouveaux questionnements des sciences sociales[5]. La forte connotation axiologique du terme permettrait alors de penser que transgresser, ce n’est pas seulement franchir les limites du permis, mais celles du tolérable. Par sa démesure, la transgression témoignerait alors du prix que la société attribue à ce que la limite protège, révèlerait ce qui atteint au plus profond le cœur moral de la société, ou au moins de ses groupes majoritaires, et viendrait rappeler les normes de l’abjection. Mais tout en construisant et révélant ces limites, la transgression peut aussi les déplacer. Ses effets vont bien au-delà de l’acte considéré comme transgressif, en ce qu’ils ouvrent sur des temporalités multiples et constituent de puissants révélateurs[6]. Quelle est alors la place de la transgression dans la construction du pouvoir politique, lorsqu’elle émane de ceux qui n’ont pas à contester l’ordre établi mais qui, pour le maintenir et pour préserver leur autorité, doivent paradoxalement, user de la transgression, parfois la mettre en scène ?
Cette puissance transgressive est identifiable à celle du surhomme de Nietzsche, au sens où elle est capable de fonder une auto-législation qui s’impose par la force même de celui qui refuse les normes dont il n’est pas l’origine[7] ; elle constitue une proclamation, par celui qui transgresse, de sa capacité à s’affirmer, à se présenter comme égal aux dieux et à faire montre de sa supériorité sur les hommes ; chez Lucain, l’institution de la déification impériale est ainsi assimilée à une impiété[8]. Le comportement des rois hellénistiques, entre amitié pour les cités et goût outrageux pour les plaisirs peut aussi être envisagé dans cette optiques. Loin des revendications de légitimité par la naissance ou la vertu telles qu’on les trouve dans les théories politiques antiques, celui qui aspire à gouverner peut faire montre de sa puissance de transgression pour impressionner ses concitoyens et se situer ainsi au point d’incandescence voire dans un au-delà du politique[9]. Derrière la sphère lumineuse des resgestaeet des exploits héroïques se cache donc, dans les sombres coulisses de la vie politique, la déviance propre à celle ou celui qui, pour gouverner, ne peut que transgresser et faire de ces comportements transgressifs la modalité même de son pouvoir. La vie politique grecque et romaine est donc affaire d’ombres et de lumières : à nous, désormais, de nous concentrer sur la part sombre du pouvoir ; nous étudierons la propension de ce dernier à condamner et à délégitimer le transgressif des autres au nom de l’autorité collective, tout en préservant son autorité propre par l’usage de cette même transgression. Autrement dit, que se passe-t-il quand, pour mieux régner, l’instance souveraine use sans hésiter, de la transgression et n’hésite pas à en faire le fondement du pouvoir et du prestige politiques, en la mettant en pleine lumière ?
Cette ambiguïté fondamentale de la transgression, à la fois comportement déviant condamné légalement et moralement mais aussi modalité de l’exercice de pouvoir, soulève de nombreux questionnements qui devront nous orienter dans le cadre du colloque : comment expliquer le lien entre transgression et légitimation du pouvoir ? Comment la transgression devient-elle un outil de domination dans l’espace public ? La transgression est donc à étudier dans le monde de ceux qui, bien que produisant la loi et veillant au règne de la norme, sont les premiers à ébranler ce cadre moral au sein même de leur pratique du pouvoir. Pour le dire autrement, la face cachée du politique donne à voir le rôle crucial de la transgression dans l’Antiquité grecque et romaine et c’est ce rôle que nous souhaiterions ici interroger.
Néanmoins, si l’on se place dans le contexte de réception de cette pratique transgressive, force est de constater que cette figure doit jouer d’une image persuasive auprès de la communauté à qui elle impose cette modalité du pouvoir. Le charisme devient alors un enjeu fondamental, une notion qui laisse découvrir les tensions constitutives d’une pratique transgressive du pouvoir qui doit s’appuyer, d’une manière ou d’une autre, sur le soutien des gouvernés[10]. L’acte transgressif, par la puissance émotionnelle qu’il implique, peut participer à renouveler l’autorité charismatique[11]. Et il sera d’autant plus fort qu’il s’en prend aux cadres de la société, en fragilisant constamment les normes sociales, morales ou religieuses. Le pouvoir peut aussi s’appuyer sur des figures transgressives autres pour s’affirmer : un dirigeant peut revendiquer les transgressions de son prédécesseur pour asseoir son propre pouvoir, ce que font par exemple les imperatoresde la fin de la République. La figure de Cléopâtre joue à cet égard un rôle paradigmatique dans les représentations que l’on fait d’elle à Rome : femme, orientale, épouse de son frère et amante des imperatores, défiant les normes sociales romaines, elle est présentée par ses adversaires comme l’inversion terrifiante de la virtusqu’Auguste souhaite incarner.
La transgression doit donc aussi être évaluée dans cette perspective : vient-elle de celui ou celle qui la commet, qui l’accomplit sciemment, ou de celui ou celle qui la commente, pour renforcer ou discréditer l’autorité transgressive ? Quels sont ses effets, et comment l’auteur de la transgression participe à la définition même de son acte ? C’est alors la question de la position socio-politique du transgresseur qui se pose : la valeur attribuée à l’acte transgressif dépend de celui qui le commet. Que se passe-t-il alors quand il est commis par un subaltern : la transgression lui donne-t-elle le même pouvoir que quand elle est commise par celui qui est dépositaire de l’autorité[12] ? Comment le statut influe-t-il alors sur la définition même de l’acte transgressif ?
Ce questionnement est visible dans les sources antiques qu’il s’agira d’analyser sous un nouveau jour : quand Thrasymaque affirme dans la Républiquede Platonque la justice consiste dans la domination du plus fort, il légitime le type d’autorité dont nous parlons[13]. Quand les tyrans, les rois hellénistiques, ou les imperatoressont fantasmés, enviés même, pour leur pouvoir qui leur permet de rassasier leurs passions, leurs transgressions participent à la construction de leur autorité, tout en risquant de la miner à chaque instant.
S’ouvrant à l’ensemble du monde méditerranéen antique, ce colloque se veut transdisciplinaire. Plusieurs approches peuvent être envisagées : il est attendu des communications qu’elles proposent une réflexion sur des formes de pouvoir ou d’actes transgressifs et en exposent les caractéristiques, ainsi que les liens qu’elles entretiennent avec la société dans laquelle ces pouvoirs et ces actes émergent. Tous les types de transgression peuvent être abordés : sociales, politiques, philosophiques, religieuses, littéraires, linguistiques, etc. Les sources documentaires peuvent être textuelles, épigraphiques, iconographiques ou historiques. On pourra choisir d’étudier la question suivant un des axes proposés :
Axe 1. Masquer ou afficher la transgression
- Le souverain ou le groupe souverain qui transgresse revendique-t-il une transgression pour asseoir publiquement son pouvoir ou s’agit-il d’une transgression cachée ?
- Quels choix sont faits par le transgresseur pour tirer le meilleur profit de ses actions ?
Axe 2. Dire la transgression pour affirmer ou nier un pouvoir, l’ethostransgressif
- Dans le discours, la transgression s’intègre-t-elle dans une stratégie de légitimation ou est-elle confinée aux arcanes du pouvoir ?
- Peut-on parler d’un ethos transgressif, hors norme ? Quelles sont alors les modalités du discours et le vocabulaire utilisé ? Le pouvoir se trouve-t-il redéfini par la transgression ?
- Peut-on penser une « rhétorique de la transgression » ?
- Quels sont les procédés littéraires, discursifs, artistiques utilisés pour représenter la transgression ?
- Comment la mémoire des figures de pouvoir transgressives est-elle construite ?
Axe 3. Le charisme de l’effroyable
- Quels effets l’acte transgressif produit-il, et selon quelles temporalités ? Comment le dirigeant parvient-il à renouveler son autorité par des actes transgressifs sans qu’une certaine routine ne s’installe ?
- La violence des actes transgressifs participe-t-elle à construire des figures d’autorité ?
- De ce point de vue, on s’interrogera également sur le sens donné à la transgression : est-elle une opposition frontale au système politique et social ou une conséquence ultime de celui-ci ?
Axe 4. Transgression d’en haut et d’en bas
- Quelles sont les conditions qui permettent de se saisir de la transgression pour affirmer son propre pouvoir ?
- « Ceux d’en bas » peuvent-ils malgré tout se réapproprier une forme de visibilité et se saisir du pouvoir en transgressant les normes ?
Modalités de soumission
Chaque exposé durera 30 minutes et sera suivi d’un temps de discussion. Les propositions de communication, sous forme d’un résumé de 300 mots (en français ou en anglais) accompagné d’une présentation des sources mobilisées et d’une bibliographie indicative, sont à adresser au laboratoire TAntALE :colloquetantale@gmail.com
le 13 mars 2020 au plus tard
L’annonce des propositions retenues aura lieu dans le courant du mois d’avril 2020.
Comité d'organisation
- Halima Benchikh-Lehocine, ENS de Lyon – HiSoMA, halima.benchikh-lehocine@ens-lyon.fr
- Marie Durnerin, ENS de Lyon – HiSoMA, EHESS – ANHIMA marie.durnerin@ens-lyon.fr
- Laboratoire Junior Tantale colloquetantale@gmail.com https://tantale.hypotheses.org/
Références
[1]Hérodote V, 92 fait dire à Soclès à propos des régimes tyranniques qu’ils sont « ce qu’il y a parmi les hommes de plus injuste et de plus sanguinaire ». Voir P. Payen, « Écriture, tyrannies et pouvoir tyrannique. Emprunts et polémiques chez Hérodote », Pallas. Revue d’études antiques, nᵒ 81, 2009, p. 101-118.
[2]Xénophon, Mémorables, I, 2, 12.
[3]Voir J. R. Dunkle, « The Rhetorical Tyrant in Roman Historiography : Sallust, Livy and Tacitus », The Classical World,vol. 65, nᵒ 1, 1971, p. 12-20.
[4]Sur le prestige et la compétition entre élites à Rome, voir R. Baudry et F. Hurlet (éd.), Le prestige à Rome à la fin de la République et au début du Principat,Paris, Éditions de Boccard, 2016. Voir la lecture que fait M. Jehne, Caesar, Munich, C.H. Beck, 1997, des actes de César qui a poussé à bout les logiques préexistantes, souvent en les respectant d’une autre manière.
[5]Ces aspects ont été travaillés dans notre première journée d’étude, en particulier dans la conférence inaugurale de C. Passard dont nous reprenons ici le raisonnement. Voir M. Hastings, L. Nicolas et C. Passard (éd.), Paradoxes de la transgression, Paris, CNRS Éditions, 2012.
[6] Sur la question de l’état d’exception, la suspension temporaire de la légalité, qui ne se réduit pas à un pur état d’anomie, mais qui est la toile de fond transgressive sur laquelle de nouvelles normes peuvent s’énoncer, voir G. Agamben, État d’exception, J. Gayraud (trad.), Paris, Éditions du Seuil, 2003.
[7]Nietzsche parle d’une « nouvelle aristocratie, inouïe, fondée sur une auto-législation des plus rigoureuses dans laquelle la volonté de philosophes despotiques et de tyrans-artistes s’imposera pour des millénaires », Nachgelassene Fragmente (Fragments posthumes), 1885-1887, 2 [57], KSA 12, 87/88, automne 1885-automne 1886). Voir G. Merlio, Lectures d’une œuvre. Also sprach Zarathustra. Paris, Éditions du temps, 2000 et M. Kauffmann et R. Wintermeyer (éd.), Figures de la singularité,Paris, Presses Sorbonne Nouvelle, 2018.
[8]Lucain,La Guerre Civile, VII, 455-459. Voir P. Chaudhuri, The war with God: theomachy in Roman imperial poetry, Oxford University Press, 2014, en particulier p. 156-194.
[9]Sur cette formule et sur la question de la souveraineté comme état d’exception, voir les définitions de C. Schmitt, Théologie Politique, J.-L. Schlegel (trad.), Paris, Gallimard, 1988, [1922]. Voir aussi G. Agamben, Homo sacer.1, Le pouvoir souverain et la vie nue,M. Raiola (trad.), Paris, Éditions du Seuil, 1997 [1995].
[10]La notion de charisme telle qu’elle a été définie par Weber et travaillée par les sciences sociales a été récemment utilisée pour éclairer des phénomènes antiques. Voir ainsi V. Azoulay, « Le charisme wébérien à l’épreuve du monde grec », dans V. Bernadou et al.(éd.), Que faire du charisme ? Retours sur une notion de Max Weber, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2014, p. 169-188 ; J.-P. Guilhembet, R. Laignoux et P. Montlahuc (éd.), Mises en pratiques du charisme politique dans l’Antiquité grecque et romaine, Rome, École française de Rome, à paraître (dont le chapitre « S’abaisser pour mieux s’élever : les pratiques charismatiques d’un empereur citoyen »).
[11]Au cœur du charisme webérien se trouve le changement, et la capacité du gouvernant à renouveler son autorité charismatique. La notion de charisme n’est donc utile qu’à la condition de la mobiliser à partir de son inscription dans les réalités quotidiennes, c’est-à-dire à partir de sa tendance au dépérissement, et du problème de sa conservation malgré l’usure du temps. Voir les analyses de P. Cournarie, La bonne mesure du charisme. Les rois antigonides et leurs sujets à l’époque hellénistique,Thèse de doctorat en histoire ancienne, Bordeaux et Paris, Université Bordeaux Montaigne, 2019, p. 9-29.
[12]Voir par exemple la manière dont C. Courrier, La plèbe de Rome et sa culture (fin du IIe siècle av. J.-C. - fin du Ier siècle ap. J.-C.), Rome, École française de Rome, 2014, analyse les actions de la plèbe.
[13]Platon, République, I, 338c.
Argument
“And that is no useless folly, when a man by his private expenditures benefits not himself only but also his state” (καὶοὐκἄχρηστοςἥδ᾽ἡἄνοια, ὃςἂντοῖςἰδίοιςτέλεσιμὴἑαυτὸνμόνονἀλλὰκαὶτὴνπόλινὠφελῇ). Thucydides, VI, 16, 3.
Alcibiades, in his speech to the Assembly before the departure of the Sicilian expedition, defended in front of the gathered citizens, in full light, his right to command, not despite his hubris, condemned by Nicias, but thanks to her. This transgression of the limits which define the city paradoxically justifies his claims to power. While it is considered, at first sight, as a dissenting behaviour that seeks to undermine any form of authority, transgression can also be studied as a tool used by the powerful for their own interests. And Alcibiades is not the only one to assert his power in this way: the tyrant, both the historical figure and the paradigm on which the political thinkers of the classical Greek world (Xenophon, Plato, Aristotle) have reflected, makes of the violation of norms the driving force which leads his life (both private and public) and constantly relies on it to legitimate his power[1]. Abuse and violence are its expected manifestations. During the tyranny of the Thirty, the "tyrants" maintain their power through violence and multiple forms of transgression: among them figures Critias, "the most greedy, violent and murderous"[2]. The tyrant is a stereotypical figure in Greek and Roman literature, in rhetorical and moral traditions, in historiography and in drama: he has topical vices that lean towards disorder, excess and abuse[3]. The transgressive man of power can thus head-on oppose the rules of a pre-existing system, disrupting a political organization, or bring its logic to its extreme point. In this context, we can wonder about the nature of the relationship of the imperatores, endowed with extraordinary powers at the end of the Republic, with the political norm of their time: do they bring the functioning of traditional aristocratic culture, based on competition among the members of the great families[4], to its paroxysm? From this point of view, can we consider that pushing the logic of a system to its extreme, to the point of considerably transforming its norms, is a transgression?
For the conference, we wish to address the transgression in its strongest sense, following thus the new interrogations of the social sciences[5]. The strong axiological connotation of the term would suggest that transgressing is not only crossing the limits of what is permissible, but also those of what is tolerable. By its excessiveness, the transgression would then stand as proof to the price that society attributes to what the limit protects, it would reveal what goes deep into the moral heart of society, or at least into the moral heart of its main groups, and it would serve as a reminder of the norms of abjectness. But while building and revealing these boundaries, transgression can also displace them. Its effects go far beyond the act considered as transgressive, in that they open to multiple temporalities and constitute powerful revealing factors[6]. What is the place of transgression in the construction of political power, when it comes from those who do not have to challenge the established order but who, in order to maintain it and preserve their authority, must paradoxically use transgression, sometimes stage it?
This transgressive power can be identified with that of Nietzsche's Übermensch, in the sense that it can found self-legislation which is imposed by the very strength of the one who refuses the norms he is not the origin of[7]. It constitutes a proclamation, by the one who transgresses, of his ability to affirm himself, to show his superiority over men or even gods[8]. Far from the claims of legitimacy by birth or virtue as we find them in ancient political theories, the one who aspires to govern can show his power of transgression to impress his fellow citizens and thus situate himself in a beyond-politics place[9]. Behind the luminous sphere of the res gestaeand heroic deeds, hidden in the dark backstage of political life, lies the deviant nature of the man or woman who, in order to govern, can only transgress to perpetuate his or her power. Greek and Roman political life is a matter of shadows and lights: it is thus up to us to focus on the dark side of power. We will study the latter's propensity to condemn and delegitimize the transgressive behaviour of others in the name of the collective authority, while preserving its own authority by using this same transgression. In other words, what happens when, in order to rule better, the ruling power uses transgression and does not hesitate to make it the basis of political power and prestige, by bringing it to light?
This fundamental ambiguity of the transgression, defined both as deviant behaviour condemned legally and morally but also modality of the exercise of power, raises many questions that should guide us for the conference. How can we explain the relationship between transgression and legitimation of power? How does transgression become a tool of domination in the public space? The transgression should be studied in the world of those who, although producing the law and ensuring the reign of norm, are the first to shake this moral framework through their practice of power. In other words, the hidden face of politics shows the crucial role of transgression in Greek and Roman antiquity and it is this role that we would like to question here.
Nevertheless, if we consider the context of the reception of this transgressive practice, we must recognize that the transgressor must be persuasive when in front of the community on which they impose this modality of power. The charismthen becomes a fundamental issue, a notion that reveals the inherent tensions of a transgressive practice of power that must rely, in one way or another, on the support of the governed[10]. The transgressive act, through its emotional power, can contribute to renewing charismatic authority[11]. And it will be all the stronger because it targets the leaders of society, constantly weakening social, moral or religious norms. Power can also rely on other transgressive figures to assert itself: a leader can claim the transgressions of his predecessor to establish his own power, as do, for example, the imperatoresat the end of the Republic. In this respect, the figure of Cleopatra is paradigmatic as shown in the representations made of her in Rome: woman, oriental, wife of her brother and lover of the imperatores, defying Roman social norms, she is presented by her opponents as the terrifying inversion of the virtusadvertised by Augustus.
The transgression must therefore also be assessed in this perspective: does it come from the person who commits it knowingly or from the person who comments on it to reinforce or discredit the transgressive authority? What effects does it have, and how does the perpetrator of the transgression participate in the very definition of his act? It is the question of the socio-political position of the transgressor that arises: the value attributed to the transgressive act depends on who commits it. What then happens when it is committed by a subaltern: does the transgression give him the same power as when it is committed by a depositary of authority[12]? How then does status influence the very definition of the transgressive act?
This questioning is visible in the ancient sources that will have to be analysed in a new light: when Thrasymachus affirms in Plato's Republic that justice consists in the domination of the strongest, he legitimizes the type of authority we are talking about[13]. When tyrants, Hellenistic kings, or imperialists are fantasized, even envied, for their power that allows them to satisfy their passions, their transgressions participate in the construction of their authority, while risking undermining it at every moment.
Open to the whole of the ancient Mediterranean world, this conference is intended to be transdisciplinary. Several approaches can be considered: communications are expected to propose a reflection on forms of power or transgressive acts and to set out their characteristics, as well as their links with the society in which these powers and acts emerge. All types of transgressions can be addressed: social, political, philosophical, religious, literary, linguistic, etc. Documentary sources may be textual, epigraphic, iconographic or historical. It may be decided to study the question along one of the proposed lines:
- To hide or to show the transgression.
- Does the transgressing sovereign or sovereign group use their transgression to publicly establish their power or is the transgression hidden?
- What choices are made by the transgressor to get the most out of his actions?
- To claim the transgression in order to affirm or deny a power: the transgressive ethos.
- In the discourse, is the transgression part of a strategy of legitimation or is it confined?
- Can we identify a transgressive, extraordinary ethos? How is the speech built? What vocabulary used? Is power redefined by transgression?
- Can we discern a "rhetoric of transgression"?
- What are the literary, discursive, artistic means used to represent the transgression?
- How is the memory of transgressive power figures constructed?
- The charisma of the appalling.
- What effects does the transgressive act produce, and within what timeframes? How does the leader manage to renew his authority through transgressive acts without a certain routine taking place?
- Does the violence of transgressive acts contribute to the construction of authority figures?
- From this point of view, we will also question the meaning given to transgression: is it a frontal opposition to the political and social system or an ultimate consequence of it?
- Transgression from above and below.
- What are the conditions that make it possible to seize the transgression to assert one's own power?
- Can "those of below" still reclaim a form of visibility and seize power by transgressing norms?
Submission Guidelines
We invite abstracts of contributions (either in English or French) of no more than 300 words for 30 minutes papers followed by a time of discussion
to be submitted by 13th March 2020
to the organizing committee (colloquetantale@gmail.com).
They must include a title, a brief presentation of the sources, the name of the author and their affiliation as well a short academic C.V. in a separate file.
Organizing Committee
- Halima Benchikh-Lehocine, ENS de Lyon – HiSoMA, halima.benchikh-lehocine@ens-lyon.fr
- Marie Durnerin, ENS de Lyon – HiSoMA, EHESS – ANHIMA marie.durnerin@ens-lyon.fr
- Laboratoire Junior Tantale colloquetantale@gmail.com https://tantale.hypotheses.org/
References
[1]Herodotus, 5.92: Socles about the tyranny : « it is the most unfair and bloddy thing among men ». See: P. Payen, « Écriture, tyrannies et pouvoir tyrannique. Emprunts et polémiques chez Hérodote », Pallas. Revue d’études antiques, nᵒ 81, 2009, p. 101-118.
[2]Xenophon, Mem., I, 2, 12.
[3]See: J. R. Dunkle, « The Rhetorical Tyrant in Roman Historiography : Sallust, Livy and Tacitus », The Classical World,vol. 65, nᵒ 1, 1971, p. 12-20.
[4]On prestige and competition between elites in Rome, see: R. Baudry et F. Hurlet (ed.),Le prestige à Rome à la fin de la République et au début du Principat,Paris, Éditions de Boccard, 2016.
[5]These aspects were the object of the inaugural speech of our first meeting presented by Cédric Passard. See also: M. Hastings, L. Nicolas et C. Passard (éd.), Paradoxes de la transgression, Paris, CNRS Éditions, 2012.
[6]On the state of exception, the temporary suspension of legality, which is not reduced to a state of pure anomy, but is the transgressive backdrop against which new standards can be set, see: G. Agamben, État d’exception, J. Gayraud (transl.), Paris, Éditions du Seuil, 2003.
[7]Nietzsche speaks of a "new aristocracy, unheard of, based on the most rigorous self-regulation in which the will of despotic philosophers and tyrant-artists will prevail for millennia".Nachgelassene Fragmente, 1885-1887, 2 [57], KSA 12, 87/88, autumn 1885-autumn 1886). See: G. Merlio, Lectures d’une œuvre. Also sprach Zarathustra. Paris, Éditions du temps, 2000 and M. Kauffmann et R. Wintermeyer (ed.), Figures de la singularité,Paris, Presses Sorbonne Nouvelle, 2018.
[8]One can think of the deification equated in Lucan with impiety: Civil War, VII, 455-459. See also P. Chaudhuri, The war with God: theomachy in Roman imperial poetry, Oxford University Press, 2014.
[9]See: C. Schmitt, Théologie Politique, J.-L. Schlegel (transl.), Paris, Gallimard, 1988,
[10]See: V. Azoulay, « Le charisme wébérien à l’épreuve du monde grec », dans V. Bernadou et al. (ed.), Que faire du charisme ? Retours sur une notion de Max Weber, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2014, p. 169-188.
[11]See: P. Cournarie, La bonne mesure du charisme. Les rois antigonides et leurs sujets à l’époque hellénistique, Thèse de doctorat en histoire ancienne, Bordeaux et Paris, Université Bordeaux Montaigne, 2019, p. 9-29.
[12]See how C. Courrier analyses the plebe’s actions in La plèbe de Rome et sa culture (fin du IIe siècle av. J.-C. - fin du Ier siècle ap. J.-C.), Rome, École française de Rome, 2014,
[13]Plato, Republic,I, 338c.