StartseiteQu'est-ce que punir ?
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Veröffentlicht am dimanche, 25. novembre 2001
Zusammenfassung
Ecole doctorale de Paris I
Samedi 8 décembre 2001, Amphithéâtre Lefebvre, Université Paris I Panthéon-Sorbonne
(9h30-12h30)
Coordination : Catherine Goblot-Cahen
Comme la vengeance, la peine est un “ contre mal ” (Jacques Vander
Inserat
Ecole doctorale de Paris I
Samedi 8 décembre 2001, Amphithéâtre Lefebvre, Université Paris I Panthéon-Sorbonne
(9h30-12h30)
Coordination : Catherine Goblot-Cahen
Comme la vengeance, la peine est un “ contre mal ” (Jacques Vanderlinden) : elle a donc un contenu de souffrance corporelle et psychique (Paul Ricoeur). Mais, tandis que la vengeance ne concerne que deux parties, la peine suppose l’implication de la société, de normes, d’une autorité.
Un acquis essentiel des études historiques sur la peine, stimulées par la réflexion de Michel Foucault dans Surveiller et punir, a été de montrer qu’on ne passe pas simplement d’une époque reculée et barbare à un XXe siècle à visage humain. Mais avec les droits de l’homme sont apparus des principes universels sur lesquels on peut désormais s’appuyer pour améliorer le droit pénal.
Qu’est-ce que punir peut se décliner en cinq questions plus précises :
- Qui punit ? Ce qui pose le problème de la légitimité du juge.
- Qui punit-on ? Ce qui pose le problème de la position du crime dans la société.
- Que punit-on ? L’acte ou le criminel ? Ce qui pose le problème de la responsabilité du criminel dans l’acte. L’acte est-il un tort commis ou une infraction à une règle ? Ce qui pose le problème de la connaissance ou de la reconnaissance des règles et de leur relativité.
- Comment punit-on ? Ce qui pose le problème des moyens de la peine qui influent souvent sur ses modalités.
- Pourquoi punit-on ? Ce qui pose le problème des intentions de celui qui punit. Si la punition excède la réparation, la peine a une valeur religieuse expiatoire ou une valeur démonstrative qui instrumentalise un cas personnel en cherchant à réaffirmer une norme de portée générale.
Élodie Richard | La déportation pénale comme alternative à la prison : un concours de l’Académie espagnole des sciences morales et politiques (1875)
“ Conviendrait-il d’établir dans les îles Mariannes ou de Fernando Poo des colonies pénales telles que les colonies anglaises de Botany Bay ? ”. Cette question est posée par l’Académie royale espagnole des sciences morales et politiques en 1875 dans le cadre de ses concours. Dans la période qui suit la révolution de 1868, les multiples changements de régimes s’accompagnent d’une intense réflexion sur le droit et la procédure pénale ainsi que sur la réforme pénitentiaire. C’est dans ce contexte que les Académiciens s’interrogent sur le bien-fondé de l’instauration d’une peine de déportation dans des colonies d’Outre-mer, peine à laquelle la Grande-Bretagne a renoncé mais que la France continue alors d’appliquer. Les mémoires primés sont l’ œuvre de juristes impliqués dans la réflexion réformatrice sur le système pénal et pénitentiaire : Concepcion Arenal, Pedro Armengol y Cornet, hostiles à la déportation et Francisco Lastres y Juiz qui y est favorable. Ce concours est l’occasion d’une rencontre entre une partie de la classe politique espagnole, présente à l’Académie, et des réformateurs sociaux en quête de tribune. Les travaux des candidats posent les termes d’ une controverse sur les fonctions de la peine où les tenants du “ correctionalisme ”, hérauts d’une science pénitentiaire en voie de constitution, dévoilent leur doctrine et leurs contradictions.
Laurent Drugeon | De la peine “ arbitrée ” à la peine codifiée : la pratique pénale des tribunaux de district de l’Oise
La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 pose en son article 8 que “ nul ne peut être puni qu’en vertu d’une loi établie et promulguée antérieurement au délit ”, ce que le criminaliste allemand de Feuerbach traduira au XIXe siècle par l’adage Nulla poena sine lege. Le principe de la légalité des peines, élément constitutif du diptyque popularisé au XVIIIe siècle par Beccaria, s’oppose à l’arbitraire de l’Ancien Régime. Dès lors, le rôle du juge comme intermédiaire entre la loi et le coupable est redéfini : d’“ arbitre ” des peines, il devient un médiateur nécessairement soumis. En France, le Code pénal de 1791, premier texte officiel du genre, présente une approche rigide du principe de légalité, le juge n’étant plus que l’instrument passif de la répression. On conçoit aisément l’antagonisme doctrinal entre l’ancienne appréhension du châtiment, les peines arbitraires, et les nouvelles dispositions, les peines fixes. On mesure moins les répercussions de cette transition sur les juridictions en exercice. L’étude des tribunaux de district est sur ce point particulièrement éclairante. Institutions issues de la nouvelle organisation judiciaire, ces juridictions ont une compétence pénale provisoire depuis leur installation à la fin de l’année 1790, jusqu’en 1792, voire parfois 1793. Leurs décisions illustrent alors le passage de la peine “ arbitrée ” à la peine codifiée.
Virginie Barlemont | Le procès des médecins de Nuremberg : qui punit, au nom de quoi ?
Le 8 mai 1945 s’achève en Europe le plus terrible conflit de l’histoire de l’humanité. Dès le début des hostilités, les Alliés se mettent d’accord pour châtier les dirigeants nazis coupables d’atrocités. Cependant, la conception de la justice diffère considérablement d’un allié à l’autre. Les Américains veulent un procès public, les Français un procès à huis clos, les Anglais et les Soviétiques l’exécution sommaire et sans procès de 50 000 criminels de guerre. Les procès de Nuremberg innovent en matière juridique : on parle de justice internationale. Mais le 9 décembre 1946, en contradiction avec ce principe, c’est un procès exclusivement américain qui s’ouvre pour juger vingt-trois inculpés allemands, dont vingt médecins, pour “ crimes de guerre ” et “ crimes contre l’humanité ”. Les autorités américaines sont les seules à assumer la conduite de ce procès unique en son genre par sa conception et sa tenue.
Sébastien Hamel | Bannis et bannissement à Saint-Quentin au Moyen Âge
Le bannissement est la peine la plus lourde que la charte de commune de la ville de Saint-Quentin permettait à ses magistrats d’imposer. Ceux-ci pouvaient bannir de la ville et de sa banlieue tout individu ayant commis un délit, spécifiquement les cas de vol avec flagrant délit et les cas d’homicide ainsi que la contumace de ces crimes. Selon les cas, cette peine était accompagnée de l’abattis de maison ou de la confiscation des biens au profit du roi. En vertu d’une coutume ancienne, tout banni trouvé en rupture de ban pouvait être condamné à la perte d’un membre. À partir de listes de bannis dressées par les autorités municipales et de plusieurs lettres de rappel de ban et de rémission, il est possible d’établir un profil de ceux qui ont été bannis de Saint-Quentin, et de mieux comprendre l’application, l’évolution et les effets à la fois dissuasifs et pervers de cette peine sur une longue période, du XIIe au XVe siècle.
Catherine Goblot-Cahen | Les hérauts, agents et victimes de châtiments en Grèce ancienne
La colère d’Achille, matière de l’Iliade et source de bien des maux pour les Achéens, est causée par ce qu’on peut hésiter à appeler une offense ou un châtiment ; hésitation qu’on prendra comme point de départ pour réfléchir sur la conception grecque de la peine. Dans cette conception, les hérauts, messagers inviolables doués d’une voix sonore et pleine d’autorité, trouvent naturellement leur place. Pour exécuter le châtiment qu’il médite — prendre à Achille sa “ part d’honneur ”, la captive Briséis — Agamemnon envoie d’ailleurs ses deux hérauts : c’est la première apparition de ces personnages dans la littérature grecque, rendue doublement fameuse par les peintures de vases qui l’ont illustrée. Les hérauts continuent à intervenir dans le châtiment à l’époque classique, mais le payent en devenant à leur tour, dans certaines circonstances, objets de vindicte ou de châtiments.
Conclusion | Jean-Claude Farcy (Centre d’histoire de la France contemporaine. Paris X Nanterre)
Samedi 8 décembre 2001, Amphithéâtre Lefebvre, Université Paris I Panthéon-Sorbonne
(9h30-12h30)
Coordination : Catherine Goblot-Cahen
Comme la vengeance, la peine est un “ contre mal ” (Jacques Vanderlinden) : elle a donc un contenu de souffrance corporelle et psychique (Paul Ricoeur). Mais, tandis que la vengeance ne concerne que deux parties, la peine suppose l’implication de la société, de normes, d’une autorité.
Un acquis essentiel des études historiques sur la peine, stimulées par la réflexion de Michel Foucault dans Surveiller et punir, a été de montrer qu’on ne passe pas simplement d’une époque reculée et barbare à un XXe siècle à visage humain. Mais avec les droits de l’homme sont apparus des principes universels sur lesquels on peut désormais s’appuyer pour améliorer le droit pénal.
Qu’est-ce que punir peut se décliner en cinq questions plus précises :
- Qui punit ? Ce qui pose le problème de la légitimité du juge.
- Qui punit-on ? Ce qui pose le problème de la position du crime dans la société.
- Que punit-on ? L’acte ou le criminel ? Ce qui pose le problème de la responsabilité du criminel dans l’acte. L’acte est-il un tort commis ou une infraction à une règle ? Ce qui pose le problème de la connaissance ou de la reconnaissance des règles et de leur relativité.
- Comment punit-on ? Ce qui pose le problème des moyens de la peine qui influent souvent sur ses modalités.
- Pourquoi punit-on ? Ce qui pose le problème des intentions de celui qui punit. Si la punition excède la réparation, la peine a une valeur religieuse expiatoire ou une valeur démonstrative qui instrumentalise un cas personnel en cherchant à réaffirmer une norme de portée générale.
Élodie Richard | La déportation pénale comme alternative à la prison : un concours de l’Académie espagnole des sciences morales et politiques (1875)
“ Conviendrait-il d’établir dans les îles Mariannes ou de Fernando Poo des colonies pénales telles que les colonies anglaises de Botany Bay ? ”. Cette question est posée par l’Académie royale espagnole des sciences morales et politiques en 1875 dans le cadre de ses concours. Dans la période qui suit la révolution de 1868, les multiples changements de régimes s’accompagnent d’une intense réflexion sur le droit et la procédure pénale ainsi que sur la réforme pénitentiaire. C’est dans ce contexte que les Académiciens s’interrogent sur le bien-fondé de l’instauration d’une peine de déportation dans des colonies d’Outre-mer, peine à laquelle la Grande-Bretagne a renoncé mais que la France continue alors d’appliquer. Les mémoires primés sont l’ œuvre de juristes impliqués dans la réflexion réformatrice sur le système pénal et pénitentiaire : Concepcion Arenal, Pedro Armengol y Cornet, hostiles à la déportation et Francisco Lastres y Juiz qui y est favorable. Ce concours est l’occasion d’une rencontre entre une partie de la classe politique espagnole, présente à l’Académie, et des réformateurs sociaux en quête de tribune. Les travaux des candidats posent les termes d’ une controverse sur les fonctions de la peine où les tenants du “ correctionalisme ”, hérauts d’une science pénitentiaire en voie de constitution, dévoilent leur doctrine et leurs contradictions.
Laurent Drugeon | De la peine “ arbitrée ” à la peine codifiée : la pratique pénale des tribunaux de district de l’Oise
La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 pose en son article 8 que “ nul ne peut être puni qu’en vertu d’une loi établie et promulguée antérieurement au délit ”, ce que le criminaliste allemand de Feuerbach traduira au XIXe siècle par l’adage Nulla poena sine lege. Le principe de la légalité des peines, élément constitutif du diptyque popularisé au XVIIIe siècle par Beccaria, s’oppose à l’arbitraire de l’Ancien Régime. Dès lors, le rôle du juge comme intermédiaire entre la loi et le coupable est redéfini : d’“ arbitre ” des peines, il devient un médiateur nécessairement soumis. En France, le Code pénal de 1791, premier texte officiel du genre, présente une approche rigide du principe de légalité, le juge n’étant plus que l’instrument passif de la répression. On conçoit aisément l’antagonisme doctrinal entre l’ancienne appréhension du châtiment, les peines arbitraires, et les nouvelles dispositions, les peines fixes. On mesure moins les répercussions de cette transition sur les juridictions en exercice. L’étude des tribunaux de district est sur ce point particulièrement éclairante. Institutions issues de la nouvelle organisation judiciaire, ces juridictions ont une compétence pénale provisoire depuis leur installation à la fin de l’année 1790, jusqu’en 1792, voire parfois 1793. Leurs décisions illustrent alors le passage de la peine “ arbitrée ” à la peine codifiée.
Virginie Barlemont | Le procès des médecins de Nuremberg : qui punit, au nom de quoi ?
Le 8 mai 1945 s’achève en Europe le plus terrible conflit de l’histoire de l’humanité. Dès le début des hostilités, les Alliés se mettent d’accord pour châtier les dirigeants nazis coupables d’atrocités. Cependant, la conception de la justice diffère considérablement d’un allié à l’autre. Les Américains veulent un procès public, les Français un procès à huis clos, les Anglais et les Soviétiques l’exécution sommaire et sans procès de 50 000 criminels de guerre. Les procès de Nuremberg innovent en matière juridique : on parle de justice internationale. Mais le 9 décembre 1946, en contradiction avec ce principe, c’est un procès exclusivement américain qui s’ouvre pour juger vingt-trois inculpés allemands, dont vingt médecins, pour “ crimes de guerre ” et “ crimes contre l’humanité ”. Les autorités américaines sont les seules à assumer la conduite de ce procès unique en son genre par sa conception et sa tenue.
Sébastien Hamel | Bannis et bannissement à Saint-Quentin au Moyen Âge
Le bannissement est la peine la plus lourde que la charte de commune de la ville de Saint-Quentin permettait à ses magistrats d’imposer. Ceux-ci pouvaient bannir de la ville et de sa banlieue tout individu ayant commis un délit, spécifiquement les cas de vol avec flagrant délit et les cas d’homicide ainsi que la contumace de ces crimes. Selon les cas, cette peine était accompagnée de l’abattis de maison ou de la confiscation des biens au profit du roi. En vertu d’une coutume ancienne, tout banni trouvé en rupture de ban pouvait être condamné à la perte d’un membre. À partir de listes de bannis dressées par les autorités municipales et de plusieurs lettres de rappel de ban et de rémission, il est possible d’établir un profil de ceux qui ont été bannis de Saint-Quentin, et de mieux comprendre l’application, l’évolution et les effets à la fois dissuasifs et pervers de cette peine sur une longue période, du XIIe au XVe siècle.
Catherine Goblot-Cahen | Les hérauts, agents et victimes de châtiments en Grèce ancienne
La colère d’Achille, matière de l’Iliade et source de bien des maux pour les Achéens, est causée par ce qu’on peut hésiter à appeler une offense ou un châtiment ; hésitation qu’on prendra comme point de départ pour réfléchir sur la conception grecque de la peine. Dans cette conception, les hérauts, messagers inviolables doués d’une voix sonore et pleine d’autorité, trouvent naturellement leur place. Pour exécuter le châtiment qu’il médite — prendre à Achille sa “ part d’honneur ”, la captive Briséis — Agamemnon envoie d’ailleurs ses deux hérauts : c’est la première apparition de ces personnages dans la littérature grecque, rendue doublement fameuse par les peintures de vases qui l’ont illustrée. Les hérauts continuent à intervenir dans le châtiment à l’époque classique, mais le payent en devenant à leur tour, dans certaines circonstances, objets de vindicte ou de châtiments.
Conclusion | Jean-Claude Farcy (Centre d’histoire de la France contemporaine. Paris X Nanterre)
Orte
- Paris, Frankreich
Daten
- samedi, 08. décembre 2001
Kontakt
- Christine Ducourtieux
courriel : Christine [dot] Ducourtieux [at] univ-paris1 [dot] fr
Zitierhinweise
« Qu'est-ce que punir ? », Seminar, Calenda, Veröffentlicht am dimanche, 25. novembre 2001, https://calenda-formation.labocleo.org/186717