AccueilL’argument de la filiation aux fondements des sociétés européennes et méditerranéennes anciennes et actuelles

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Publié le mardi 05 septembre 2006

Résumé

L’aire méditerranéenne constitue de longue date pour les historiens et les anthropologues un cadre privilégié pour le développement et la validation de nouvelles approches et théories, particulièrement dans le domaine de la parenté. Les différences relevées sur les rives sud et nord, ou encore entre les régions occidentales et orientales, n’empêchent pas que l’on puisse mettre en évidence des traits comparables, des permanences dans la très longue durée.

Annonce

L’aire méditerranéenne constitue de longue date pour les historiens et les anthropologues un cadre privilégié pour le développement et la validation de nouvelles approches et théories, particulièrement dans le domaine de la parenté. Les différences relevées sur les rives sud et nord, ou encore entre les régions occidentales et orientales, n’empêchent pas que l’on puisse mettre en évidence des traits comparables, des permanences dans la très longue durée. De fait, à côté d’une valorisation assez généralisée des mariages « dans un degré rapproché» qu’avait relevée Claude Lévi-Strauss et qui a fait l’objet d’une première recherche comparative , il est un autre trait fondamental qui rapproche entre elles les cultures de la parenté ancrées dans le pourtour méditerranéen : une certaine dimension cognatique de ces configurations parentales qui, néanmoins, se conjugue souvent avec la présence de systèmes de classification sociale de type « unilinéaire », le plus fréquemment agnatiques –avec quelques occurrences « matrilinéaires » historiques ou contemporaines (Touaregs, Béja), et même occasionnellement « bilinéaires » tel qu’il est décrit pour certaines îles grecques.

Ces systèmes de classification nous présentent des groupes discrets, apparemment définis par des règles de filiation – y compris cognatiques, comme dans le cas de l’Europe chrétienne – et soulignent souvent par exemple l’efficacité du puissant marqueur généalogique qu’est le sang : nobiliaire, racial … Pourtant les frontières de ces groupes s’avèrent mouvantes. Le caractère instable des groupes fixés en nature par le discours de la filiation soulève une série de problèmes sur lesquels porteront les contributions de ce colloque.


PROBLEMATIQUE


Se pose d’abord le problème de savoir jusqu’où le poids accordé par les analystes à la filiation en tant que « facteur opérant », ainsi que l’avance Lévi-Strauss (1983 : 135), correspond aux conceptions que s’en font des sociétés qui la placent au centre de leurs représentations de la totalité sociale. Se pose ensuite le problème du statut des représentations locales de la filiation, souvent en décalage avec les dynamiques sociales induites par la parenté même qui, dans une logique cognatique, vient souvent subvertir une vison du monde fantasmée dans des discours « filiationistes » qui contribuent à une vision essentialiste de l’ordre social en y projetant rigidité et permanence. Dans cette perspective une déconstruction du concept anthropologique de filiation nous semble s’imposer. Elle constituera l’arrière-plan de notre démarche.

Notons dès à présent que la notion de filiation s’inscrit doublement au cœur de la théorie anthropologique. En tant que « théorie de la filiation » – nous empruntons cette expression à L. Dumont qui désigne sous ce terme un courant théorique prioritairement britannique – elle se traduit par la conception de la filiation unilinéaire comme un principe « élémentaire » au sens durkheimien de définition de la structure sociale seul susceptible de constituer des groupes discrets. Mais elle contribue aussi, depuis L. H. Morgan, à la traduction épistémologique du projet anthropologique de comparaison des sociétés et des cultures qui inclut – et parfois projette – nos propres représentations de la filiation dans nos identités « modernes » (D. Schneider ). Nous aurons à réexaminer à l’occasion de ce colloque ces questions qui restent en suspens dans la théorie anthropologique contemporaine.


Revenant plus précisément à l’aire méditerranéenne où nous inscrivons nos recherches, nous aurons aussi à nous interroger sur le statut et l’efficacité d’une idéologie de la parenté plus ou moins officielle qui nous parle, en s’inscrivant dans des représentations locales soulignant le poids déterminant de certains apports des générations précédentes dans la constitution d’un individu, d’identités transmises par des vecteurs rigides, généralement masculins. L’interprétation de cette situation dans le cadre de la théorie lévistraussienne des « sociétés à maison » au sein desquelles la parenté a le statut, stratégiquement ou tactiquement, d’un instrument de légitimation d’unités sociales constituées préalablement, est une avancée mais elle nous semble rester insuffisante.

Si, en effet, ces unités parentales en question ne sont pas fixes, on ne résout pas le problème en les érigeant en sujet de l’action sociale ; il faut d’abord expliquer les conditions de leur constitution. Bien qu’elles s’inscrivent sous le régime de la filiation – et s’accompagnent souvent de formulations, voire d’injonctions, à organiser les unions en prenant en compte l’identité et la proximité généalogiques des conjoints – ces entités nommées semblent pourtant définies de facto par l’alliance et soumises aux corrections permanentes amenées par les pratiques matrimoniales. Le statut et les fonctions de la filiation nécessitent alors une définition plus rigoureuse du statut et des fonctions de l’alliance.


À cet égard ces statuts et fonctions ne se réduisent pas, dernier problème qui borne le champ de notre problématique, à l’organisation formelle des relations interpersonnelles que promeut la « méthode généalogique » ou à la stricte distinction de la consanguinité et de l’affinité. Ce problème ne peut être traité que dans des contextes précis que nous aborderons à l’occasion du colloque, mais dont nous pouvons poser quelques jalons. Ainsi s’il est indispensable de prendre en compte l’insistance locale sur le rôle essentialiste de la « filiation », il est tout aussi indispensable de mettre en évidence les logiques cognatiques en œuvre dans ces contextes. La parenté arabe par exemple n’opère pas une distinction stricte entre consanguinité et affinité (désignées par des termes construits sur une même racine NSB) et introduit une autre catégorie, celle de la transmission (« filiation » ?) par le lait. Dans le même ordre d’idée les formes de parenté élective (dont l’étude a déjà abordée dans Bonte, 1994), par le lait et le sang, ou encore de parenté spirituelle, d’adoption, etc., doivent être prises en considération dans l’analyse de la filiation. Plus généralement, les configurations qui sont fondées sur ce que l’on pourrait appeler la tension entre filiation et alliance n’obéissent pas à un schéma unique et s’organisent différemment selon les contextes, d’où l’intérêt d’explorer des concepts tels que celui de nasab arabe, d’anchisteia ou de phratrie grecques ou encore de parentèle chrétienne.

Dès lors les discontinuités entre le langage social de la parenté et la dynamique des groupes peuvent être plus ou moins marquées, plus ou moins déniées. Ce langage ne peut être réduit à des formules simples et exclusives telle que celle de l’expression du « droit », définissant les relations interpersonnelles, la transmission des biens, des statuts et des titres, ainsi que l’avance Lévi-Strauss (1983). Le point est certes d’importance et contribue en retour à une certaine formalisation du champ de la parenté, mais il n’en épuise pas tous les effets de sens qui s’organisent en référence aux valeurs qui fondent les origines, à celles de la distinction des genres et à d’autres valeurs définissant l’ordre social, à la gestion du sacré, etc. On pourrait parler de « fétichisme de la parenté » (reprenant ainsi une expression employée par Lévi-Strauss lui-même) pour désigner ces processus de réattribution de sens qui fournissent leur cohérence ultime à l’ordre de la parenté et souvent à l’ordre social.

PROGRAMME

Mercredi 4 octobre

8.30-9. : accueil des participants et ouverture du colloque
9. -13 heure : première séance : Les récits de fondation.


Scheid John. et Svenbro, Götternamen revisited. La génération des dieux selon Hermann Usener


Conte Édouard, De l’androgynie à la filiation : récits adamiques et la genèse de l’humain dans les traditions musulmanes


Bonte Pierre, Les figures d’Abraham et la question du fils aîné dans les religions monothéistes


Glassner Jean-Jacques, Les régimes de succession dans les monarchies mésopotamiennes


13-14.30. Repas au Ministère de la Recherche


14.30-18.30 seconde séance : La référence au sacré et les lectures théologiques de la filiation


Brulé Pierre, Être-fils dans l’Iliade


Vartejanu-Joubert Madalina, La viabilité du fœtus et son rôle dans l’établissement de la filiation dans la tradition rabbinique


Benkheira Hocine, Filiation, inceste et relations extra-matrimoniales en islam.


Porqueres i Gené Enric, Les constructions de la parentèle dans le christianisme.


Jeudi 5 octobre

9.-13 : troisième séance : Langages de la parenté et dynamique des groupes


Wilgaux Jérôme, Le groupes de filiation en Grèce ancienne : l'exemple athénien.

Moreau Philippe., Alliance, filiation, et adoption dans les deux mythes de fondation de Rome


Walentowitz Saskia, Engendrement, filiation, germanité : figures touarègues d'alliance dans la création des êtres humains et de leur apparentement


Pedro de Montaner, Les marraneries européennes pendant les XVIe et XVIIe siècles: manipulation d’un concept d’origine hispanique.


13-14.30. Repas au Ministère de la Recherche


14.30-18.30 quatrième séance : Le fétichisme de la parenté


Laurand Valery, Devenir fils : aperçu d'une histoire stoïcienne de l'engendrement.


Van der Lugt M.., Parenté et filiation dans la théologie médiévale.


Roberto Bizzochi. Culture généalogique et légitimité de la filiation dans l’Italie moderne.


Abélés Marc. Filiation et politique dans les démocraties contemporaines


18.30. : buffet


Vendredi 6 octobre

9.-13 : cinquième séance : Evolutions contemporaines


Fortier C. Tension et confusion entre social et biologique : pratiques contemporaines de la filiation en islam sunnite


Bestard J., L’engineering biologique : la généalogie et la filiation


Melhuus M., What happened to the illegitimate child? Reflections on issues of filiation in Norway as articulated through law and practice.


Brunet L., Chassé-croisé des modèles du droit de la filiation.


13-14.30. Repas au Ministère de la Recherche


14.30- 17. : discussion générale et clôture du colloque.

Catégories

Lieux

  • Paris, France

Dates

  • mercredi 04 octobre 2006

Contacts

  • Pierre Bonte
    courriel : bonte [at] ehess [dot] fr
  • Enric Porqueres i Géné
    courriel : enric [dot] porqueres [at] ehess [dot] fr
  • Jérôme Wilgaux
    courriel : j [dot] wilgaux [at] wanadoo [dot] fr

Source de l'information

  • Wilgaux Jérôme
    courriel : j [dot] wilgaux [at] wanadoo [dot] fr

Licence

Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« L’argument de la filiation aux fondements des sociétés européennes et méditerranéennes anciennes et actuelles », Colloque, Calenda, Publié le mardi 05 septembre 2006, https://calenda-formation.labocleo.org/191844

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