Argumentaire :

L’écriture du « je » permet-elle d’affirmer l’autonomie croissante d’un jugement légitime sur le monde où s’ébaucheraient tout autant les fondements d’une « sociologie spontanée » (Poliak, 2002) que les contours d’une opinion publique ? Comment la configuration singulière de l’expérience intime peut-elle s’articuler à la compréhension générale d’une société ? Comment le récit de soi peut-il fonder une réflexivité critique impliquant le passage du « je » empirique au « on » d’un individu en société, participant de la construction d’un sens commun ? En négatif, de telles interrogations interrogent aussi l’autonomie réelle de ces jugements, le poids des normes et les « injonctions d’écriture » émanant des institutions – preuve de l’enjeu que peut représenter, par exemple dans un contexte totalitaire, l’espace libre et privé du récit de soi.

Nous nous demanderons également si ces modalités du rapport à soi et aux autres fondent non seulement un sujet réflexif et critique mais aussi un sujet d’action et quelles formes d'action, plus particulièrement, se construisent et se révèlent dans l'écriture, comme lieu d’engagements civiques, politiques, religieux… Il faudra mesurer, ici, le poids de la circulation et de la réception des textes : des affirmations singulières peuvent-elles participer d’une société civile ? Peuvent-elles créer du sens commun ?

En considérant ainsi le récit de soi comme une action située dans un contexte, l’historien peut ouvrir une collaboration et un débat avec les sciences humaines et sociales. La question posée est notamment celle du degré d’autonomie morale et de liberté de l’acteur par rapport à son expérience sociale, à la fois en termes d’engagement et de compréhension.

Programme :

9h30/12h30 –  « Je » face à l’événement

Sous la présidence de Sylvie Mouysset (Université de Toulouse Le Mirail, Framespa)

• Catherine Atlan, Isabelle Luciani – Présentation de la journée
• Michel Cassan (Université de Poitiers) – « Écriture de l'événement, récit de soi ? (France, XVI-XVIIIe siècles) »
• Sabine Juratic (IHMC, Paris) – « Les incursions de l'écriture de soi dans un journal d'événements :  "Mes Loisirs" (1753-1789) de Siméon Prosper Hardy »
• Haim Burstin (Université de Milan) – « Raconter et se raconter, dans le cadre insurrectionnel du Paris révolutionnaire »

14h/17h30 – Appartenances : soi-même et les autres

Sous la présidence de Valérie Piétri, CMMC (Nice)

• Clarisse Coulomb (Université Pierre Mendès France, Grenoble 2, larhra)  – « Histoires de vie, histoires de  villes (France, XVIIIe siècle »
• Kamel Chachoua (IDEMEC, MMSH) –  « L'héritier et le boursier: Esquisse pour une socio-analyse de deux romans autobiographiques kabyles, La colline oubliée de Mouloud Mammeri (1917-1989) et Le fils du pauvre de  Mouloud Féraoun (1912-1962) »
• Sarah Andrieu (CEMAF-Aix, MMSH) – « Quand danser, c’est parler de soi pour évoquer toutes les autres. Autour de l’engagement d'une jeune danseuse burkinabé »