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Passé, présent, avenir de l'Islam en Russie : entre la recherche et le discours public
Прошлое, настоящее, будущее ислама в России: Между наукой и общественными дискурсами
Published on lundi, avril 08, 2013
Summary
La situation politique, économique et sociale de la Russie a été marquée depuis le milieu des années 2000 par une remontée de la xénophobie, dans son expression islamophobe en particulier, dont maints observateurs donnent pour raison l’intensification récente des migrations de travail en provenance du Caucase (Nord et Sud) et de l’Asie Centrale anciennement soviétiques. Ces trois dernières années, en outre, les lendemains de “printemps arabes” créaient dans l’opinion russe l’impression, entretenue par le pouvoir politique et les média, d’une coalition d’intérêts antirusses au Proche-Orient alliant puissances occidentales et pays de la péninsule Arabique soutenant l’aile la plus religieuse des mouvements révolutionnaires sunnites actuels.
С середины 2000-х годов для политической, экономической и социальной ситуации в России характерен рост ксенофобии, в частности страхов перед исламом и мусульманами, что, по мнению некоторых наблюдателей, является следствием увеличения объемов трудовых миграций из бывших советских регионов Северного Кавказа, Закавказья и Средней Азии. Кроме того, за последние три года после волнений «арабской весны» в российском общественном сознании укоренилось подпитываемое властями и СМИ представление об угрозе со стороны возникшей на Ближнем Востоке антироссийской коалиции западных держав и стран Аравийского полуострова, поддерживающих наиболее религиозное крыло современных суннитских революционных течений.
Announcement
Présentation
La situation politique, économique et sociale de la Russie a été marquée depuis le milieu des années 2000 par une remontée de la xénophobie, dans son expression islamophobe en particulier, dont maints observateurs donnent pour raison l’intensification récente des migrations de travail en provenance du Caucase (Nord et Sud) et de l’Asie Centrale anciennement soviétiques. Ces trois dernières années, en outre, les lendemains de “printemps arabes” créaient dans l’opinion russe l’impression, entretenue par le pouvoir politique et les média, d’une coalition d’intérêts antirusses au Proche-Orient alliant puissances occidentales et pays de la péninsule Arabique soutenant l’aile la plus religieuse des mouvements révolutionnaires sunnites actuels.
Ces évolutions récentes sont venues se greffer sur un substrat particulièrement délétère créé par les deux guerres de Tchétchénie dans les années 1990 et le renforcement de la « lutte contre l’extrémisme » islamique dans les années qui ont suivi le 11 septembre. En 2012, l’extension de la violence publique à des régions de Russie épargnées jusqu’alors par le terrorisme — vers la Moyenne-Volga spécialement, avec les attentats simultanés contre le mufti et le vice-mufti du Tatarstan en juillet de l’année dernière — n’a pas contribué à apaiser les esprits. Le climat particulier créé par cet ensemble d’évolutions n’a pas permis l’apparition d’un discours public dépassionné sur l’islam et sur les musulmans de Russie. Et ce ne sont pas les innombrables rivalités de personnes et de tendances dont le champ religieux multiconfessionnel de la Russie est le théâtre depuis la fin de la période soviétique qui paraissent susceptibles d’améliorer les choses.
Dans ce contexte, la recherche en histoire et en sciences sociales sur l’islam en Russie, ouverte depuis un quart de siècle aux chercheurs internationaux, s’est distinguée à la fois par une extrême diversification d’approches et de méthodes (si on la compare, en particulier, aux pratiques orientées de l’époque soviétique) et par l’émergence de nouveaux obstacles, parmi lesquels les chercheurs eux-mêmes mentionnent souvent :
- les lignes politiques imposées par le Kremlin et les pouvoirs régionaux et locaux (construction d’une “nation russe” une et indivisible ; promotion de la “tolérance” interconfessionnelle, stigmatisant en fait les mouvements hostiles à l’establishment religieux hérité de l’URSS ; extrême méfiance à l’encontre des pratiques souvent traditionnelles portées par les populations migrantes d’arrivée très récente en provenance du Caucase et de l’Asie Centrale ; nombreux amalgames entre des formes de pratique et de pensée religieuse islamique en fait extrêmement diverses voire mutuellement incompatibles ; etc.) ;
- les remises en cause ouverte des principes de laïcité proclamés par l’administration Eltsine en 1990 mais piétinés par la même administration dès 1997, au lendemain de la défaite russe contre la Tchétchénie ;
- les exigences croissantes du pouvoir judiciaire civil russe sur la définition d’un “bon” et d’un “mauvais” islam, avec une large participation des experts du fait religieux (et d’une partie de la recherche publique) dans des débats de plus en plus ouvertement théologiques ;
- les interventions croissantes des establishments religieux orthodoxe et musulman dans le champ politique, notamment contre leurs rivaux des réseaux missionnaires transnationaux chrétiens et musulmans ;
- les rivalités entre groupes de fidèles intensifiées par la privatisation et la “restitution” depuis 1993 des “biens de l’Eglise” ainsi que la collecte de la dîme musulmane (zakat) — dans les régions pétrolifères en particulier, comme le Tatarstan gagné par la violence publique ; etc.
- le rejet par une parte de la jeunesse musulmane pratiquante de ces establishments (qu’il s’agisse des muftiyyat omniprésentes dans le débat public comme des voies soufies traditionnelles qui leur sont souvent, en fait, étroitement alliées).
Toutes raisons pour lesquelles il nous a semblé opportun de réunir un groupe de chercheurs de disciplines et d’intérêts variés pour nous interroger ensemble sur les acquis, les enjeux et les problèmes de la recherche actuelle sur l’islam en Russie. Ce que nous nous proposons de faire à la fois d’un point de vue épistémologique, mais aussi en tenant le plus large compte des impacts du cadre institutionnel changeant de la recherche sur les contenus de cette dernière. En tenant compte aussi de la position du chercheur comme citoyen et de la très large participation des experts académique à la réélaboration constante du discours public sur l’islam et les musulmans en Russie aujourd’hui.
Chaque participant à la table ronde sera donc invité à proposer une réflexion à la fois : sur l’évolution de sa discipline et de ses thèmes de recherche propres au cours de la décennie écoulée, en tenant compte du changement politique global de la Russie pendant cette période ; sur les résultats et perspectives offerts par cette évolution, mais aussi sur les obstacles constatés et lacunes récurrentes ; sur sa position voire son expérience personnelle comme expert du fait religieux sollicité, ou non, par les pouvoirs publics, d’une part, par le monde associatif de l’autre.
Non destinée à une publication à court terme, la table ronde et ses débats doivent servir de substrat à l’élaboration d’un projet de recherche collectif sur l’expertise du fait religieux dans l’ancien monde soviétique à l’horizon 2014-17. Ils seront suivis en 2014 de plusieurs invitations de chercheurs de Russie et d’ailleurs pouvant être regroupées à nouveau sous forme d’atelier collectif. Les résultats de ces deux rencontres pourraient faire l’objet d’une publication en volume à l’horizon 2015, en prélude au projet de recherche en gestation.
Programme
09h30 : Michel Wieviorka (EHESS/FMSH) : Ouverture
- 09h45 : Stéphane A. Dudoignon (CNRS/CETOBAC) : Dialectique du "bon" et du "mauvais" islam : quelques contributions russes aux débats actuels
- 10h00 : Vladimir Bobrovnikov (Institut des études orientales, Moscou & FMSH) : Textes, gens et choses dans le discours public sur l'islam de Russie
10h45 : pause café
- 11h00 : Rafik Mukhametshin (Université islamique de Russie, Kazan & IISMM) : Les universités islamiques, la recherche et le discours public sur l'islam en Russie
- 11h45 : Ilnur Minnullin (Institut d'histoire, Kazan & FMSH) : Chercher trace du soufisme en Russie soviétique : ressources et méthodes
12h30 : pause déjeuner
- 14h00 : Shamil Shikhaliev (Université de la Ruhr, Bochum & FMSH) : Modernisation soviétique et diffusion du soufisme : de quelques paradoxes de l'histoire contemporaine
- 14h45 : Güzel Sabirova (Centre d'étude sur la jeunesse, Haute école des études économiques de Saint-Pétersbourg) : Faire la sociologie de l'islam en Russie : quelques problèmes et perspectives
15h30 : Pause café
- 15h45 : Sophie Roche (ZMO, Berlin) : Comment faire l'anthropologie d'un islam non observé ? La Russie, "son" islam, ses migrants
- 16h30 : Aude Merlin (Université libre de Bruxelles) : L'islam comme enjeu de mobilisation politique : le cas tchétchène (à travers quelques observations récentes)
17h15 : Discusion générale
С середины 2000-х годов для политической, экономической и социальной ситуации в России характерен рост ксенофобии, в частности страхов перед исламом и мусульманами, что, по мнению некоторых наблюдателей, является следствием увеличения объемов трудовых миграций из бывших советских регионов Северного Кавказа, Закавказья и Средней Азии. Кроме того, за последние три года после волнений «арабской весны» в российском общественном сознании укоренилось подпитываемое властями и СМИ представление об угрозе со стороны возникшей на Ближнем Востоке антироссийской коалиции западных держав и стран Аравийского полуострова, поддерживающих наиболее религиозное крыло современных суннитских революционных течений.
Эти недавние и опасные тенденции развились на тлетворной почве общественных настроений, созданных двумя чеченскими войнами 1990-х годов и политикой «борьбы с религиозным (прежде всего исламским. – С.А.Д.) экстремизмом» после 11 сентября 2001 г. Обострению ситуации способствовала волна насилия, достигшая прежде относительно стабильных регионов Среднего Поволжья, где в июле 2012 г. произошли покушения на муфтия Татарстана и его заместителя. В таких условиях не приходится надеяться на возникновение более терпимого к исламу и мусульманам в России общественного дискурса. К тому же, обстановку накаляют обострившиеся с последних лет существования СССР многочисленные конфликты и споры внутри и между разными конфессиями.
Изучение ислама в России в истории и общественных науках, уже более четверти столетия доступное для международного научного сообщества, имеет в этих условиях две особенности. С одной стороны для него характерно крайнее многообразие подходов и методов (особенно, если сравнить современные исследования с тем, что делалось в этой области в советскую эпоху). С другой стороны, для изучения (и управления мусульманами) возникли новые препятствия, среди которых сами исследователи отмечают следующие факторы:
- · политический курс федеральных, региональных и местных властей (декларирование единой и неделимой «русской нации» и обещание межконфессиональной «терпимости», под которыми на деле скрывается ущемление движений, враждебных муфтиятам и другим официальным религиозным учреждениям, унаследованным от советской эпохи; полное пренебрежение к религиозным практикам и традициям, привнесенным мигрантами с Кавказа и из Средней Азии; попытки соединения крайне многообразных и взаимно противоречивых религиозных практик и течений мысли и т.д.);
- · явное нарушение принципов светскости государства и общества, провозглашенных при Горбачеве и Ельцине в 1990-1991 гг. и пересмотренных в конце правления Ельцина с принятием нового религиозного законодательства в 1997 г.;
- · требования властей при поддержке ученых-экспертов дать юридические определения «хорошему» и «плохому» исламу, вмешательство светских властей и ученых в современные богословские споры;
- · вмешательство в политику православных церковных и официальных мусульманских организаций, борющихся со своими конкурентами из числа международных миссионерских движений и организаций;
- · конфликты и расколы в общинах верующих, усиленные приватизацией восстановленных с начала 1990-х годов «церковных имуществ» и сборов, включая уплату очистительной милостыни-закята мусульманами, особенно в нефтедобывающих регионах, которые, как Поволжье, захватила волна насилия и терроризма;
- · отрицание частью верующей молодежи официальных религиозных институтов (как вездесущих муфтиятов, так и традиционных для мусульман России суфийских братств, нередко тесно связанных с первыми);
Ввиду всех этих обстоятельств мы решили собрать группу исследователей, представляющих разные научные дисциплины и подходы, с тем, чтобы совместно попытаться обсудить достижения, задачи и проблемы, возникающие при изучении ислама в России. Мы предлагаем коснуться как эпистемологии вопроса, так и влияний меняющихся научных институциональных сетей на содержание исследований, учитывая гражданскую позицию и вклад ученых в разработку экспертных оценок и общественного дискурса об исламе и мусульманах в современной России.
Каждого участника круглого стола мы просим представить свои соображения о том, как в контексте глобальных политических перемен в России в последнее десятилетие шло развитие его научной дисциплины, как эволюционировали тематика и методология его собственных исследований; каковы итоги и перспективы, появившиеся вследствие этого развития, а также имеющиеся пробелы и сложности в исследованиях; что он может сказать о своей собственной позиции в смысле личного опыта участия (или неучастия) в экспертизах о религиозной обстановке на заказ властей и научного сообщества.
Не предназначенные к публикации в ближайшее время дискуссии круглого стола должны помочь разработке к 2014-2017 гг. коллективного исследовательского проекта по изучению роли экспертов и экспертизы современной религиозной ситуации на бывшем советском пространстве. В 2014 г. будет проведен еще один семинар с участием приглашенных из России и других стран исследователей. Материалы обоих круглых столов должны составить том, который может быть издан к 2015 г. в качестве публикации, предваряющей осуществление намеченного проекта.
Subjects
- Europe (Main subject)
- Zones and regions > Europe > Central and Eastern Europe > Russian and former Soviet worlds
- Mind and language > Representation > Cultural history
- Mind and language > Epistemology and methodology > Research and researchers
- Mind and language > Religion > History of religions
- Mind and language > Religion > Sociology of religion
- Periods > Modern > Twentieth century
- Periods > Modern > Prospective
Places
- EHESS, salle 640 - 190-8 avenue de France
Paris, France (75013)
Date(s)
- lundi, avril 22, 2013
Keywords
- Russie, URSS, Caucase, Volga, islam, soufisme, expertise, discours public, jeunesse, violence
Contact(s)
- Stéphane A. Dudoignon
courriel : dudoignon [at] aol [dot] com
Information source
- Stéphane A. Dudoignon
courriel : dudoignon [at] aol [dot] com
To cite this announcement
« Passé, présent, avenir de l'Islam en Russie : entre la recherche et le discours public », Study days, Calenda, Published on lundi, avril 08, 2013, https://calenda-formation.labocleo.org/243691