AccueilLe gestionnaire public en question. La difficile conciliation des logiques bureaucratiques et managériales
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Le gestionnaire public en question. La difficile conciliation des logiques bureaucratiques et managériales
Public management in question. The difficult conciliation of bureaucratic and managerial logic
Symposium international : « Regards croisés sur les transformations de la gestion et des organisations publiques »
International symposium: "Comparative perspectives on the transformations of management and public organisations"
Publié le mardi 25 mars 2014
Résumé
L’édition 2014 du symposium international « Regards croisés sur les transformations de la gestion et des organisations publiques » aura lieu les 27 et 28 novembre 2014 à HEC Montréal (Canada). Le symposium sera consacré à la difficile conciliation des logiques bureaucratiques et managériales par les gestionnaires publics. En parallèle du symposium se tiendra l’atelier doctoral international de recherche en management et stratégie des organisations publiques (ADIMAP-2014).
Annonce
Argumentaire
Dès ses origines, le Nouveau management public (NMP) a mis au cœur de sa doctrine l'importance de faire émerger un gestionnaire public doté d'un pouvoir de décision et redevable de ses actions par l'intermédiaire d'indicateurs de performance (Hood, 1991). Les réformes administratives engagées dans de nombreux pays autour de démarches de modernisation de la gestion publique institutionnalisent la notion de résultats (Pettigrew, 1997). Après trois décennies d’expérimentation, la gestion par les résultats constitue notamment le cadre officiel de gestion pour plusieurs pays comme les États-Unis avec le Government Performance and Results Act en vigueur depuis 1993, le Québec avec la Loi sur l’administration publique entrée en application en mai 2000 et la France avec la Loi organique relative aux lois de finances votée en 2001 (Mazouz, 2012). Ce dispositif, inscrit dans la transposition de la direction par objectifs telle qu'elle a été développée dans les grandes entreprises américaines au début du 20ème siècle (Drucker, 1954), a pour objectif de rendre la gestion publique plus efficace, en favorisant la responsabilisation, la motivation et l'autonomie des managers, ainsi que la valorisation des prestations fournies aux citoyens. Il doit permettre d'articuler trois dimensions de la performance publique : la qualité des services aux citoyens, l’optimisation des ressources et des moyens disponibles et la transparence à travers l’imputabilité des gestionnaires publics envers les citoyens et leurs représentants (Mazouz et Leclerc, 2008).
De nombreuses recherches universitaires, menées selon des perspectives critiques de la gestion du bien commun, de l’intérêt général et du service public, ont montré les difficultés de la mise en œuvre de ces réformes.
D’abord, ces réformes impliquent de passer d'une "administration publique" classique basée sur la légitimité légale, des contrôles formels a priori, l'autorité hiérarchique et la stabilité des structures à un "management public" dont la légitimité repose sur une recherche de rationalité, mettant l'accent sur les contrôles a posteriori, la décentralisation de l'autorité et l'adaptation au changement (Laufer et Burlaud, 1980). L’institutionnalisation d’un cadre de gestion axé sur les résultats questionne ainsi l’essence du service public.
Ensuite, la formulation des objectifs et le choix des indicateurs dans les organisations publiques s'avèrent souvent problématiques (Pollitt, 2013). La place qui doit être accordée aux indicateurs est ainsi devenue une préoccupation centrale à la fois pour les praticiens et les chercheurs en management public, notamment parce ces indicateurs de performance impliquent des parties prenantes plus diverses que dans les autres organisations, parce que les objectifs des gestionnaires publics sont parfois difficiles à définir et parce que leurs effets pervers potentiels sont nombreux (Bevan et Hood, 2006; Chatelain et Sponem, 2008 ; Laurin et Wagner, 2011; Gibert et Benzerafa, 2012).
Enfin, ces évolutions mettent le gestionnaire public dans une situation ambigüe. Ses actions doivent à la fois relever de la logique administrative (il est gardien des processus et doit agir dans l'intérêt général) et de la logique gestionnaire (il est responsable des résultats). Le pilotage de l’action publique par les résultats ne remet pas nécessairement en cause les valeurs du service public mais suscite des interrogations sur ses impacts, notamment en termes d'éthique, d’identité et de valeur des gestionnaires publics (Bartoli et al., 2011; Meyer et Hammerschmid, 2006). Cela implique aussi de repenser la place du gestionnaire public face aux élus (Mazouz, 2008; Facal et Mazouz, 2014), face aux groupes professionnels appartenant au secteur public, notamment dans le secteur de la santé, de l'enseignement, de la recherche ou de la justice (Bezes et al., 2011; Crémieux et al., 2012) et face aux multiples acteurs publics et privés impliqués dans la mise en œuvre des politiques publiques (Marty, 2011).
Cette nouvelles édition du Symposium est consacrée à des cas, des problématiques, des grilles d’analyses, des approches conceptuelles renouvelées, des méthodologies innovantes, ou des résultats de recherches récentes permettant de revisiter les valeurs, les rôles, les fonctions, la place, le contrôle des gestionnaires publics à l’aune des transformations en cours des cadres de gestion, des structures organisationnelles et de l’action publique.
Sans vouloir être exhaustifs ou limitatifs des thèmes touchant à la problématique de la difficile conciliation entre les logiques bureaucratiques et managériales par les gestionnaires publics, les axes de réflexion suivants sont retenus.
Axe 1 : Les valeurs des gestionnaires publics face aux impératifs de gestion par les résultats
De nombreuses recherches ont mis en évidence la spécificité des valeurs dominantes chez les gestionnaires publics (Bozeman, 2007 ; Emery & Martin, 2010 ; Fortier, 2010, Hondeghem & Vandenabeele, 2005 ; Moore, 1995; Rondeaux, 2006 ; Rouban, 2001 ; Perry et al., 2010). Elles montrent notamment l’importance de l’éthos public dans les motivations des fonctionnaires et dans la construction de la légitimité publique.
La référence aux valeurs devient d’autant plus prégnante qu’apparaissent plus évidents les limites et les effets pervers du Nouveau management public (NMP). Elle permet notamment de comprendre le déficit de légitimité qui handicape de nombreuses réformes d’orientation ou d’inspiration managériale. On note d’ailleurs que les dirigeants des administrations publiques adoptent des chartes de valeurs et mobilisent ces valeurs dans leurs discours pour légitimer les réformes. Dans ce cadre, les questions suivantes semblent d’une grande actualité : Quel est le rôle des valeurs, et en particulier des valeurs de service public, dans la construction de l'identité du gestionnaire public ? Par qui et comment sont-elles clarifiées, diffusées, partagées ? Et sous quelles formes ? Dans quelle mesure le développement d'indicateurs de performance va-t-il à l'encontre de ces valeurs ou au contraire permet-il de structurer les valeurs et identités des gestionnaires publics ?
Axe 2 : Le rôle et les fonctions des gestionnaires publics dans une gouvernance publique renouvelée
La remise en question du modèle bureaucratique et la diffusion d’un modèle de gestion par les résultats modifient les relations entre les acteurs de la gestion publique et notamment entre les élus, les hauts fonctionnaires et les gestionnaires publics qui doivent assurer la transformation des ressources en services offerts à la population.
Dans ce cadre de réflexion, la place des gestionnaires de premier niveau est particulièrement délicate (Pichault et Schoenaers, 2012 ; Baujard, 2013). Ces gestionnaires doivent concilier les pressions venant de leur hiérarchie (Bourgault et Savoie, 2009), pressions de plus en plus fortes avec des objectifs de résultats, avec les exigences particulières du terrain, souvent mal connues par ceux qui établissent les cibles de résultats. Comme les moyens ne sont pas toujours à la hauteur des ambitions et des choix politiques (Giauque et al., 2009), il leur incombe d’amorcer les actions de mobilisation et de faire les arbitrages nécessaires permettant l’atteinte des objectifs. Ceci amène les questions suivantes : Par quelles stratégies les gestionnaires de proximité réussissent-ils à concilier les contradictions entre contraintes bureaucratiques et exigences de résultats? L’entrée en scène des gestionnaires de proximité n’incite-t-elle pas à développer une certaine conception de la performance ? Comment évoluent les relations entre les hauts fonctionnaires et les gestionnaires de premier niveau, notamment en termes de jeux de pouvoir?
Par ailleurs, la dernière décennie est marquée par le recours croissant des gouvernements et des organisations publiques à des modes d’action collaboratifs et participatifs, organisés autour de réseaux d’acteurs multiples, qu’ils soient publics ou privés (Bryson et al., 2010), notamment dans le cas des partenariats public-privé (RFAP, 2009; Marty, 2011). Ces évolutions questionnent le rôle et la place des gestionnaires publics au sein de ces réseaux. Quelles sont pour les gestionnaires publics les compétences et les fonctions à assumer dans l’organisation et la gestion des interactions organisationnelles ? Comment doivent-ils gérer la diversité des intérêts et des visions dans la coproduction de politiques publiques ? Comment doivent-il faire face aux risques de conflits et de comportements opportunistes ?
Axe 3 : La professionnalisation, l’innovation et les nouvelles compétences du gestionnaire public
Les compétences des managers publics ont dû évoluer au-delà de leur périmètre classique (Payettes, 1992; Bourgault et al., 2004; Maltais et Mazouz, 2004) en tenant compte des objectifs de performance mis en œuvre dans l’ensemble de la sphère publique.
Par exemple, la recherche d’attractivité et de développement des territoires a conduit à développer, au sein des organisations publiques, de nouvelles compétences incarnées par de nouvelles démarches telles que l’intelligence économique ou le marketing territorial, parmi d’autres. Il semble utile de s’interroger sur les nouvelles compétences que mobilisent ces nouveaux métiers émergents - qu’incarnent certains managers publics – liés à l’attractivité et au développement des territoires : quelles sont les spécificités des compétences portées par ces nouveaux managers publics ? Quels sont les facteurs à l’origine de l’émergence de ces nouvelles compétences ?
Autre exemple, l’innovation (Djellal et Gallouj, 2012) semble devenue pour les organisations publiques un nouvel impératif : il faut changer, s’adapter à un environnement toujours plus contraignant, tant en termes règlementaires que de moyens mis à disposition de l’action publique. Il faut aussi se rapprocher des administrés et répondre à des besoins qui évoluent tout en allouant au mieux les ressources disponibles. Pourtant, les organisations publiques, aux structures fortement spécialisées et cloisonnées, mettent en œuvre une mission d’intérêt général et incarnent certains principes (légalité, égalité, cohésion) qui ont tendance à favoriser l’inertie et n’encouragent pas la prise de risques inhérente aux processus d’innovation. Dans ce cadre, le gestionnaire public a potentiellement un double rôle à jouer : un rôle d’accompagnement du changement interne, en faisant des processus d’innovation un levier de transformation organisationnelle et de mobilisation des équipes (innovation participative); et un rôle d’accompagnement du changement social, en contribuant à la production des services renouvelés au bénéfice de la société (innovation sociale). Comment remplit-il ces rôles ? Quels sont les outils dont il dispose pour l’accompagner dans cette tâche de design? L’exemple danois du Mindlab (http://www.mind-lab.dk), espace de rencontres et de participation de représentants ministériels ainsi que de la société civile, interpelle pour son appui à une meilleure efficience des services publics. Quelles expériences y a-t-il à capitaliser de ces laboratoires de l’innovation publique ?
Enfin, la gestion même des gestionnaires publics mérite d’être discutée. Comment évoluent leurs carrières et leurs conditions de travail ? Quels sont les processus de sélection et de promotion les mieux adaptés ? Comment s’alignent les objectifs organisationnels et les systèmes d’incitation et de promotion des gestionnaires publics ? Quelles sont les conséquences des évolutions des modalités de gestion des ressources humaines du secteur public sur leur santé et leur efficacité ?
Axe 4 : Une nouvelle manière de travailler pour les gestionnaires publics, entre le technologique et l’humain
Que ce soit pour faciliter la prise de décision ou la diffusion d’informations au public pour favoriser la transparence et donc l’imputabilité, le partage des connaissances fait partie intégrante de la gestion publique moderne (Rodriguez & al., 2010). Le secteur public doit cependant se préserver du risque d’une image «déshumanisée» (Andersen & al., 2010) et des risques liés à la protection des données (Glassey, 2012). L’apport des technologies de l’information facilite l’autonomie et la responsabilisation. Il permet également de favoriser la dimension collective et participative par des échanges en équipes et entre celles-ci, plutôt que bilatéraux et hiérarchiques.
Dès lors la dynamique d’apprentissage collectif et la gestion des données et des connaissances dans les organisations publiques sont aussi une question d’action et de gouvernance publiques qui nécessite de nouvelles compétences de la part des gestionnaires publics. Les organisations publiques peuvent-elles développer de telles stratégies? A quelles conditions ? Moyennant quels risques ? Dans quelle mesure les gestionnaires publics doivent-ils être impliqués dans la conception de ces outils ?
Axe 5 : Le contrôle et l'imputabilité des gestionnaires publics à l’épreuve de la quête de la performance publique
La quête de la performance publique passe par l'introduction de divers dispositifs de contrôle de la performance (plans stratégiques, lettres de mission, rapports d'activités, tableaux de bord, contrats de performance, entente de gestion, évaluation d’impacts, etc.). Pour mieux comprendre l’importance de ces dispositifs, il convient d'en approfondir le caractère plus ou moins structurant (Lascoumes & Simard, 2011), la marge d’interprétation qu'ils laissent aux acteurs (Pichault & Schoenaers, 2012), ainsi que les stratégies d'appropriation, de résistance ou de micro-émancipation développées par les gestionnaires publics face à ces dispositifs (Alvesson & Willmott, 2012). Il faut aussi comprendre leur impact sur la capacité des gestionnaires publics à créer du sens (Weick, 1995; Fabbri, 2011) ainsi que la capacité de ces dispositifs à proposer des représentations appropriées de l'activité, à informer l'action des décideurs publics et à améliorer la coordination et l'apprentissage (Moisdon, 2012). Quel sens les acteurs publics donnent-ils au terme de « performance publique » ? Dans quelle mesure les dispositifs de contrôle de la performance facilitent-ils ou inhibent-ils cette création de sens ? De quelles marges de manœuvre le gestionnaire dispose-t-il face à ces dispositifs de performance?
Par exemple, depuis plus de trois décennies, au Canada et dans la plupart des pays où le Nouveau management public semble avoir réalisé une percée significative, les Administrations publiques font l’objet d’audits de performance par des auditeurs dont les rapports sont destinés aux Parlementaires (Morin, 2008; 2011; Télescope, 2012). Autre exemple, les décisions publiques sont de plus en plus alimentées par des études d’impact, (Gertler et al., 2010). Les gestionnaires publics doivent ainsi rendre des comptes sur l’efficacité et l’efficience de leur gestion des affaires publiques au travers de multiples dispositifs. Quel est l’impact de ces audits de performance et de ces évaluations d’impact sur les organisations publiques ? Quel est l’impact de ces dispositifs sur l’activité des gestionnaires publics ? Quels sont les enjeux démocratiques liés à ces nouveaux types de contrôles de l’activité des gestionnaires publics ?
Modalités de soumission
- Langue officielle du Symposium : français
- Projet de communication : Décrire de manière précise la problématique, le cadre théorique, les résultats de recherche ou l’étude de cas à étayer ultérieurement et les références sélectives en appui à votre projet de communication (maximum : 1 500 mots).
- Date limite de réception des projets de communication : lundi 30 juin 2014
- Réponse du Comité d’organisation aux auteurs : lundi 28 juillet 2014
- Confirmation de la part des auteurs (envoi du résumé final et engagement de participation) : lundi 8 septembre 2014
- Remise des présentations en format PowerPoint : lundi 10 novembre 2014
Projets doctoraux destinés à l’ADIMAP-2014
- Date de l'ADIMAP-2014 : 28 novembre 2014
- Date limite de réception des projets de communication : 11 août 2014
- Réponse du Comité d’organisation aux auteurs : 8 septembre 2014
- Confirmation des doctorants et remise des présentations en format PowerPoint : 11 novembre 2014
Comité scientifique restreint du Symposium et de l’ADIMAP-2014
- Véronique Chanut, Université Paris 2, France
- Yves Emery, Professeur, IDEHAP, Université de Lausanne, Suisse
- Taïeb Hafsi, Professeur titulaire, HEC Montréal, Canada
- Renaud Lachance, Professeur agrégé HEC Montréal
- Claude Laurin, Professeur titulaire, HEC Montréal, Canada
- Bachir Mazouz, Professeur titulaire, Président-Fondateur du Symposium et de l’ADIMAP, ENAP-Réseau de l’Université du Québec, Canada
- Danielle Morin, Professeure titulaire, HEC Montréal, Canada
- Anne Rousseau, Professeure, Centre de Recherche Public Henri Tudor, Luxembourg
- Samuel Sponem, Professeur agrégé, HEC Montréal, Canada
- Philippe Zarlowski, Professeur, ESCP-Europe, Paris
Catégories
- Économie (Catégorie principale)
- Espaces > Amériques > Canada
- Sociétés > Économie > Gestion
- Sociétés > Études du politique > Politiques et actions publiques
Lieux
- 3000 Chemin de la Côte-Sainte-Catherine
Montréal, Canada (H3T 2A7)
Dates
- lundi 30 juin 2014
- lundi 11 août 2014
Fichiers attachés
Mots-clés
- gestion publique, logiques bureaucratiques, managériales
Contacts
- Samuel Sponem
courriel : samuel [dot] sponem [at] hec [dot] ca
URLS de référence
Source de l'information
- Samuel Sponem
courriel : samuel [dot] sponem [at] hec [dot] ca
Licence
Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la CC0 1.0 Universel.
Pour citer cette annonce
« Le gestionnaire public en question. La difficile conciliation des logiques bureaucratiques et managériales », Appel à contribution, Calenda, Publié le mardi 25 mars 2014, https://calenda-formation.labocleo.org/280700