AccueilUtopiser le monde

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Publié le mardi 03 juin 2014

Résumé

Ces journées interrogeront l'ambivalence qui semble accompagner aujourd'hui la notion d'utopie et son renouveau. Il s'agira d'analyser quelques parcours biographiques qui, de manière différente, ont connu le désir d'utopie ainsi que la déception utopique (Furet, Castoriadis, Calvino). On s'intéressera ensuite aux rapports entre réalisme et utopie. L'utopie est-elle un simple acte d'imagination ou bien exerce-t-elle une forme de pression sur la réalité ? Enfin, nous interrogerons l'état actuel des propositions et des pratiques utopiques, les lieux et les thèmes privilégiés. Avons-nous affaire à une nostalgie de l'utopie (pour un passé capable de produire des projets alternatifs au réel) ou bien à des imaginaires tournés vers le futur ? Les nouvelles expériences utopiques ont-elles une visée universaliste ou, au contraire, privilégient-elles une dimension micro, « communautaire » ?

Annonce

Argumentaire

L’utopie est un des lieux privilégiés où s’exerce l’imagination sociale. Après avoir raconté les rêves politiques, tout au long du XXe siècle, elle a souvent été rangée du côté des cauchemars réalisés. En 1932, Aldous Huxley choisit comme épigraphe pour le Meilleur des Mondes une phrase écrite par Nicolas Berdiaeff quelques années auparavant : « Les utopies apparaissent comme bien plus réalisables qu’on ne le croyait autrefois. Et nous nous trouvons actuellement devant une question bien autrement angoissante : comment éviter leur réalisation définitive ? ... Les utopies sont réalisables. La vie marche vers les utopies. Et peut-être un siècle nouveau commence-t-il, un siècle où les intellectuels et la classe cultivée rêveront aux moyens d’éviter les utopies et de retourner à une société non utopique moins ‘parfaite’ et plus libre ». Dans les décennies suivantes, les illusions de « nouvelles terres » ont pris de plus en plus l’allure d’un « nouvel enfer ».

Soixante ans plus tard, lorsque l’idée communiste semble se décliner désormais au passé, François Furet aborde la question de la perte des illusions. Après s’être interrogé sur les raisons pour lesquelles un grand nombre de personnes ont été séduites par « le charme universel d’octobre », il note : ainsi « le communisme se termine-t-il dans une sorte de néant ». Ce qui est mort, avec l’Union soviétique, ne serait pas un régime, mais l’imagination moderne en matière de bonheur social. L’idée même d’une autre société lui semble désormais épuisée : « Nous voici condamnés à vivre dans le monde où nous vivons », écrit-il dans l’épilogue. Et pourtant, quelques lignes plus tard, il remarque l’impossibilité de vivre sans utopie : « C’est une condition trop austère et trop contraire à l’esprit des sociétés modernes pour qu’elle puisse durer ». Aujourd’hui, l’ambivalence profonde qui imprègne ces pages demeure intacte. On aimerait l’interroger de trois manières.

Tout d’abord, à travers l’analyse de quelque parcours biographiques, qui, de manière différente, ont connu le désir d’utopie ainsi que la déception utopique : outre celui de Furet lui-même, ceux de Cornelius Castoriadis et d’Italo Calvino.

Il s’agira, ensuite, de revenir sur le degré de réalisme de l’utopie. Celle-ci est-elle un simple acte d’imagination, un « pas de côté », ou bien une forme de pression sur la réalité ? Peut-on détacher l’impulsion utopique des « réalisations » historiques ? Bien évidemment, ces questions renvoient à celle qui a traversé tout le XXe siècle, dans son va et vient entre utopie et dystopie : n’y a-t-il pas un point à partir duquel l’identification de l’utopie au totalitarisme devient abusive ? Jusqu’où, à l’inverse, peut-on valoriser le potentiel critique et exploratoire de l’utopie comme fiction du possible ?

Enfin, nous aimerions nous interroger sur l’état actuel des propositions et des pratiques utopistes. Plusieurs années après la chute du mur de Berlin, y-a-t-il une reviviscence de la pensée utopique ? Le cas échéant, quels sont les lieux de l’utopie, dans le sens d’endroits et de thèmes privilégiés ? Et quels rapports les nouvelles utopies entretiennent-t-elles avec les vieilles utopies ? D’autres questions importantes concernent la nature de la pensée utopique actuelle. Avons nous affaire à une nostalgie de l’utopie (pour un passé capable de produire des projets alternatifs au réel) ou bien à des imaginaires tournés vers le futur ? Les nouvelles expériences utopiques ont-elles une visée universaliste ou, au contraire, privilégient-elles une dimension micro, « communautaire » ?

Programme

6 juin 2014

10h. Sabina Loriga (Ehess, Paris), « En quête d’utopie »

10h30-13h. « Réalisme » et « utopisme ». Modératrice : Isabelle Ullern

  • Arno Munster (Université de Picardie Jules Verne, Amiens), « Quelle est la signification du concept d’utopie concrète dans la pensée d’Ernst Bloch ? »
  • Olivier Abel (Fonds Ricoeur, Paris), « L’écart utopique et la génération — sur Mannheim et Ricœur »

15h-18h. Communautés utopiques et expérimentation. Modératrice : Silvia Sebastiani

  • Girolamo Imbruglia (Université de Naples L’Orientale), « Une histoire culturelle de l’utopie durant les Lumières : les missions jésuites en Paraguay »
  • Marc-Olivier Baruch (Ehess, Paris), « Terreur blanche, marché noir, bibliothèque rose » : Vichy peut-il être lu comme "communauté utopique" ? »
  • Jacques Poloni-Simard (Ehess, Paris), « L’art constructif universel de Joaquín Torres García (Montevideo 1874-1949) : une utopie primitiviste, américaine, spiritualiste »

7 juin 2014

9h30-12h30. Revenir de l’utopie. Modérateur : Olivier Abel

  • Christophe Prochasson (Ehess, Paris), « Passé et avenir de l’utopie chez François Furet »
  • François Dosse (Université Paris-Est-Créteil), « L’utopie démocratique ou le futur du passé chez Cornelius Castoriadis »
  • Marie Fabre (Ens, Lyon), « Italo Calvino, le Modèle et la brèche »

14-17h. Percées utopiques. Modérateur : David Schreiber

  • Michel Porret (Université de Genève), « La législation pénale est une branche trop considérable de la politique pour que les rêveurs l’aient oubliée »
  • Marc Breviglieri (Haute Ecole Spécialisée de Genève) et Luca Pattaroni (Ecole polytechnique fédérale de Lausanne), « Percer la garantie, ouvrir des brèches critiques »
  • Gaetano Ciarcia (Université Paul-Valéry-Montpellier 3), « Utopies ethnologiques et millénarisme patrimonial. L’ethnographie comme prophétie culturelle »

17h30-18h30 : Table ronde : Bronislaw Baczko (Université de Genève) et François Hartog (Ehess, Paris - à confirmer)

Coordination pour l’Atelier

  • Olivier Abel,
  • Sabina Loriga,
  • David Schreiber,
  • Silvia Sebastiani,
  • Isabelle Ullern

Organisation

  • Lorenzo De Sabbata et
  • Maxence Klein

Contact : usagesdupasse@gmail.com

Site : http://ehess.dynamiques.fr/usagesdupasse/ (ISSN 2115-9408)

Lieux

  • Amphithéâtre de la Faculté Libre de Théologie Protestante - 83, boulevard Arago
    Paris, France (75014)

Dates

  • vendredi 06 juin 2014
  • samedi 07 juin 2014

Fichiers attachés

Mots-clés

  • utopie, réalisme, histoire

Contacts

  • David Schreiber
    courriel : david [dot] schreiber [at] ens [dot] fr
  • Sabina Loriga
    courriel : usagesdupasse [at] gmail [dot] com

Source de l'information

  • David Schreiber
    courriel : david [dot] schreiber [at] ens [dot] fr

Licence

Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Utopiser le monde », Journée d'étude, Calenda, Publié le mardi 03 juin 2014, https://calenda-formation.labocleo.org/288545

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