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Calenda - Le calendrier des lettres et sciences humaines et sociales

Gouverner par l’expulsion

Governing through deportation

Perspectives historiques et anthropologiques sur les politiques de renvoi des étrangers

Historical and anthropological perspectives on expulsion and migration policies

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Publicado el jeudi 24 de mars de 2016

Resumen

Ces journées d’études portent sur l’importance systémique de la question du retour des étrangers en situation irrégulière dans la construction des politiques publiques, à l’échelle nationale, européenne et internationale. Les usages contemporains de l’expulsion – typiquement, des étrangers renvoyés par un Etat dans leur pays d’origine ou dans un pays tiers, certains frappés par une interdiction, provisoire ou définitive, de retourner dans le pays qui les a expulsés – seront envisagés à l’aune d’un large champ de politiques et de pratiques de renvoi et/ou de déplacement forcé, qui ont contribué à la définition de la citoyenneté et à la délimitation des prérogatives associées à l’exercice de la souveraineté.

This workshop will concentrate on the role of return policies for undocumented foreigners in the development of migration policies at the national, European and international levels. The contemporary uses of expulsion should be apprehended as part of a wide spectrum of policies and practices of return and/or forced displacement of individuals or groups. These policies have contributed to the definition of citizenship and the demarcation of prerogatives associated with the exercise of political sovereignty.

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Argumentaire

Ces journées d’études portent sur l’importance systémique de la question du retour des étrangers en situation irrégulière dans la construction des politiques publiques, à l’échelle nationale, européenne et internationale. Les annonces récentes sur l’intention de la Suède, de la Finlande, des Pays-Bas et d’autres Etats européens de mettre en œuvre des expulsions de grande ampleur de réfugiés déboutés du droit d’asile traduisent un mouvement profond qui a fait du renvoi des étrangers en situation irrégulière un motif central dans l’élaboration d’une politique migratoire européenne. Ce mouvement, qu’il convient de situer historiquement, s’inscrit dans un régime global des étrangers essentiellement tourné vers la question de la régularité du séjour et vers la promotion du retour (Koch, 2014). Les usages contemporains de l’expulsion – typiquement, des étrangers renvoyés par un Etat dans leur pays d’origine ou dans un pays tiers, certains frappés par une interdiction, provisoire ou définitive, de retourner dans le pays qui les a expulsés – seront envisagés à l’aune d’un large champ de politiques et de pratiques de renvoi et/ou de déplacement forcé (Keddar, 1996), qui ont contribué à la définition de la citoyenneté et à la délimitation des prérogatives associées à l’exercice de la souveraineté (Kanstroom, 2007). L’objectif de ces journées vise ainsi à donner à la question des expulsions d’étrangers une profondeur historique et à analyser les normes, les discours, les pratiques actuelles qui participent de leur mise en œuvre.

Axes thématiques

Les travaux attendus s’inscrivent dans un de ces trois axes :

1.      Expulsions, asile et politiques migratoires : perspectives historiques 

Comment appréhender la progressive articulation entre expulsions, asile et politiques migratoires ? Les expulsions s’inscrivent dans un processus de gestion des populations étrangères lié à la nationalisation des frontières et à la création d’une police des étrangers au 19ème siècle (Noiriel, 1991). La Convention sur le statut des réfugiés en 1951, dans la suite de la réprobation suscitée par les vagues d’expulsion de l’entre-deux-guerres, des crimes de la 2nde guerre mondiale (Davies, McCauley, Martin, 2001) et de la question des déplacés en Europe après 1945, n'a pas empêché l'émergence ultérieure de politiques visant à expulser toute personne considérée comme illégitime dans sa demande d'asile. L’internationalisation des expulsions d’étrangers (Walters, 2002) et le "Deportation turn" (Gibney, 2008) sont concomitants du déclin de l’admission des étrangers au titre de l’asile et de l’importance prise par la distinction entre réfugiés et migrants économiques à partir des années 1970.  Les renvois concernent alors soit de potentiels demandeurs d'asile, directement à la frontière, soit des déboutés de l'asile, soit des migrants en situation irrégulière, toutes catégories d’individus directement produites par les nomenclatures de l’asile et/ou du droit au séjour. Il convient d’examiner ainsi comment les expulsions des étrangers déboutés et/ou en situation irrégulière sont à partir des années 1980 l’objet d’un processus de judiciarisation et de normalisation croissantes.

2.      Les régimes contemporains de l’expulsion 

Le « retour » des étrangers en situation irrégulière a pris en 2008 une place centrale dans la définition d’une politique migratoire européenne, fondée sur un contrôle renforcé des frontières extérieures, sur la mise en rétention des étrangers en situation irrégulière et/ou leur expulsion. On pourra ainsi analyser les ressorts matériels de leur mise en œuvre : aspects financiers, usage de techniques coercitives,  déroulement des expulsions individuelles et organisation de vols communs. On s’intéressera également aux enjeux interétatiques de ces expulsions : comment par exemple la conditionnalité de mesures d’aide au développement à des accords bilatéraux et communautaires avec les pays tiers en matière de réadmission (Mezzadra, Neilson, 2003), ou la coopération des polices,  favorisent-elles de nouvelles formes d’hégémonie politique ? L’expulsion peut ainsi apparaître comme une technique de gouvernement des étrangers, au niveau européen et international. Le « Deportation regime » (De Genova, Peutz, 2010) inclut une pluralité de techniques visant à contrôler mais aussi à disperser les populations réfugiées et migrantes :  on pourra ainsi réfléchir à l’articulation entre les expulsions du sol européen, les transferts des demandeurs d’asile dans le cadre du règlement Dublin, la relocation des réfugiés en fonction des possibilités d’accueil des pays européens et les mesures d’expulsion et de déguerpissement dont les campements de migrants sont l’objet à Calais, Vintimille, Idomeni et ailleurs. Expulser, déplacer, faire fuir semblent ensemble participer d’une vaste campagne non seulement de renvoi, mais aussi de désorganisation et de dissuasion des arrivants. La création de hotspots en Italie et Grèce pour sélectionner les réfugiés éligibles à l’asile dès leur entrée en Europe et l’anticipation de campagnes d’expulsion de grande ampleur par le Conseil de l’Union européenne illustrent cette priorité donnée aux processus de tri et d’expulsion.

3.      L’après-expulsion

On s’intéressera enfin à la gestion des expulsions dans les pays de retour dans le cadre de l’ « approche globale des migrations et de la mobilité » promue par l’UE et l’Organisation Internationale des Migrations (OIM), et à l’effort de légitimation dont elles sont ainsi l’objet. Seront analysés les positionnements des acteurs intergouvernementaux, étatiques, humanitaires, associatifs, impliqués dans d’éventuelles mesures d’assistance aux expulsés, à travers les « Maisons de migrants », les « Maisons de retour », les projets générateurs de revenu, les centres de transit gérés par l’OIM.  On analysera les enjeux politiques de ces mesures post-expulsion comme le fait de fixer les populations dans leur pays d’origine et de les dissuader à émigrer. Des travaux sur l’agency et les stratégies développées par les expulsés dans un contexte souvent dramatique de destitution civique et sociale (Fekete, 2006) seront également les bienvenus. Les nouveaux enjeux soulevés par la question des expulsions, comme la revendication de droits pour les expulsés (Kanstroom, 2012), le renforcement des stratégies de réémigration et l’émergence d’un mouvement critique et de mobilisations contre les expulsions à la fois dans les pays de séjour et d’origine des migrants, seront au cœur de la réflexion.

Modalités pratiques d'envoi des propositions

Les propositions de communication, d’une page maximum, sont attendues pour le 25 avril 2016 et doivent être envoyées en copie à conference.expulsions.2016@gmail.com et  clara.lecadet@wanadoo.fr

Les réponses seront données aux intervenants le 2 mai 2016.

Les communications définitives sont attendues le 15 juin 2016.

Nous ne pourrons malheureusement pas contribuer au financement du séjour des chercheurs résidant à l’étranger et en dehors de Paris.

Les journées d’études auront lieu les 27 et 28 juin 2016 à l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, Paris

Coordination administrative et scientifique

  • Karen Akoka (Université Paris-Ouest Nanterre, ISP),
  • Jill Alpes (VU Amsterdam),
  • Nora El Qadim (Paris 8),
  • Clara Lecadet (LAUM-IIAC, EHESS),
  • Giulia Scalettaris (Université de Lille 2-CERAPS),
  • Louise Tassin (URMIS),
  • Hélène Thiollet (CNRS, CERI) 

Bibliographie indicative

  • DAVIES, N., McCAULEY, M., MARTIN, M. (2001) “Deportations”, In I. Dear & M. R. D. Foot (eds.), The Oxford Companion to World War II. Oxford: Oxford University Press.
  • DE GENOVA, N. and PEUTZ, N. (eds) (2010), The deportation regime. Sovereignty, space, and the freedom of movement, Durham & London, Duke University Press.
  • FEKETE, L. (2006), The deportation machine: Europe, asylum and human rights, European Race Bulletin, n°51.
  • GIBNEY, M. J. (2008) Asylum and the expansion of deportation in the United Kingdom. Government and Opposition 43(2), 146–167
  • KANSTROOM, D. (2012), Aftermath: Deportation Law and the New American Diaspora, New York, Oxford University Press
  • KANSTROOM, D. (2007), Deportation Nation, Outsiders in American History. Cambridge, MA:Harvard University Press
  • KEDAR, M. (1996), “Expulsion as an issue of world history”, Journal of World History 7(2), 165–180
  • KOCH, A. (2014). “The Politics and Discourse of Return. The Role of UNHCR and IOM in the International Governance of Return”, Journal of Ethnic and Migration Studies, Vol. 40 (6), 905-923.
  • MEZZADRA, S., NEILSON, B (2003), ‘Né qui, né altrove: migration, detention, desertion. A dialogue’, Borderlands e-journal, 2 (1)
  • NOIRIEL, G. (1991), Réfugiés et sans-papiers. La République face au droit d’asile XIXe-XXe, Paris, Calmann-Lévy
  • WALTERS W. (2002), “Deportation, expulsion, and the international police of aliens”, Citizenship Studies, 6(3), 256–292.

Argument

This workshop will concentrate on the role of return policies for undocumented foreigners in the development of migration policies at the national, European and international levels. Sweden, Finland, Netherlands and other European countries have recently announced the organization of mass deportation campaigns of failed asylum seekers, thus illustrating the central role of returning irregular migrants in the process of building a European migration policy. In this workshop, we will discuss the historical construction of these policies within a global framework focused on the regularity of stay and on the promotion of return for undocumented foreigners (Koch, 2014). The contemporary uses of expulsion should be apprehended as part of a wide spectrum of policies and practices of return and/or forced displacement of individuals or groups (Keddar, 1996). These policies have contributed to the definition of citizenship and the demarcation of prerogatives associated with the exercise of political sovereignty (Kanstroom, 2007). A historical perspective on the issue of expulsion will be useful to shed light on the current norms, discourses and practices of deportation that are contributing to make it one of the most critical political issue today.

Main themes

We welcome proposals within one the three following themes:

1.      Deportation, asylum and migration policy : historical perspectives

How can we analyze the emergence of a progressive connection between expulsion, asylum and migration policies? Expulsion was in fact part of the process of managing foreign populations, in relation to the nationalization of borders and the policing of foreigners that began in the 19th century (Noiriel, 1991). The progressive institutionalization of an asylum regime after the Geneva Convention (1951) following the waves of expulsion in the interwar period, the crimes of the 2nd World War and the moral outcry they provoked (Davies, McCauley, Martin, 2001), the issue of displaced people in Europe after 1945 and the beginning of the Cold War did not prevent the subsequent emergence of policies aimed at expelling any person considered to have no right to asylum. Thus the "international police of aliens" (Walters, 2002) and the "deportation turn" (Gibney, 2008) appear to go hand in hand with the decline in the admission of foreigners under asylum law and the growing importance of a distinction between refugees and so-called ‘economic migrants’, from the 1970s onwards. Return policies indiscriminately target potential asylum seekers directly at the border, rejected asylum seekers, or undocumented migrants, which are all categories of people emanating from asylum and migration laws. We will examine how the expulsion of those with no right to asylum and/or without papers has been the object of a process of increasing legislation and normalization.  

2.      Contemporary expulsion regimes

The ‘Directive on common standards and procedures in Member States for returning illegally staying third country nationals’, adopted in 2008 by the European Parliament, gave a central place to ‘return’. In this context, ‘return’ has to be understood as a category produced by public policies, in the definition of a European migration policy based on reinforced controls of external borders and on the detention of ‘illegal’ aliens and/or their expulsion. Practices of expulsion need to be examined in more detail: funding, the use of coercion, the organization of individual and collective expulsions. Relatively new international issues are also at stake. ‘Third countries’ have been enrolled in the policing of migration through the conditionality of development aid on bilateral and community agreements for the readmission of undocumented foreigners and on police cooperation (Mezzadra, Neilson, 2003): how is this creating new forms of political hegemony? The constitution of a "deportation regime" (De Genova, Peutz, 2010) means that expulsion may appear as a technique of government, at the European and international level, and as such has to be studied in its plurality. The connection between the transfer of asylum seekers within the framework of the Dublin regulation, the relocation of refugees according to the possibility of their reception in European countries and frequent eviction of migrants’ camps such as the Calais ‘Jungle’, Vintimille, Idomeni, should be reflected upon. The purpose of expulsion and dispersion of migrants is not necessarily their direct return to their countries of origin, but to disorganize them and prevent their arrival. The creation of hotspots in Italy and Greece for the screening of asylum seekers directly upon their arrival in Europe, coupled with the Council of the European Union’s announcement of wider expulsion campaigns for sending back rejected asylum seekers, illustrate the priority given to these selection and expulsion processes. 

3.      Looking at post-expulsion

We welcome proposals on the management of expulsion in the countries of origin of migrants, or those through which they ‘transit’. With the implementation of the ‘Global approach to migration and mobility’ promoted by the EU and the International Organisation for Migration (IOM), these countries have an increased importance in policies of migration control. Proposals might cover the positions taken by the various agencies (intergovernmental, European, national, NGOs, migrants' associations) involved in aid measures for migrants: ‘migrant housing’, ‘homes for returning migrants’, the financing of projects to generate funds, transit centers run by the IOM. They might also examine other policies resulting from this: attempts to settle migrants through ‘reinsertion programmes’, awareness-raising programmes to discourage people from setting out etc. Finally, we will also look at more recent issues related to deportation policies, such as claims for the rights of expelled migrants (Kanstroom, 2012), strategies for re-emigration and the emergence of post-expulsion mobilization. We particularly welcome proposals on the different forms of agency and of resistance developed by self-organized expelled migrants in an often-dramatic context of civic and social destitution (Fekete, 2006).

Scientific coordination

  • Karen Akoka (Université Paris-Ouest Nanterre, ISP),
  • Nora El Qadim (Paris 8),
  • Clara Lecadet (IIAC-LAUM, CNRS-EHESS),
  • Giulia Scaletarris (University of Lille II-CERAPS), Louise Tassin (URMIS, Paris 7), Jill Alpes (VU Amsterdam), Hélène Thiollet (CNRS, CERI)

Submission guidelines

Send proposals to: conference.expulsions.2016@gmail.com and clara.lecadet@wanadoo.fr

Calendar

  • Deadline for proposals (one page maximum): April 25th, 2016
  • Response: May 2nd, 2016
  • Final papers: June 15th, 2016
  • The Workshop will take place on the 27-28 June 2016 at the Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, Paris

Unfortunately, we will not be able to fund travel costs for participants. 

References

  • DAVIES N., McCAULEY M., MARTIN M. (2001) Deportations. In I. Dear & M. R. D. Foot (eds.), The Oxford Companion to World War II. Oxford: Oxford University Press.
  • DE GENOVA, N. and PEUTZ, N. (eds) (2010), The deportation regime. Sovereignty, space, and the freedom of movement, Durham & London, Duke University Press.
  • FEKETE L. (2006), The deportation machine: Europe, asylum and human rights, European Race Bulletin, n°51.
  • GIBNEY, M. J. (2008) Asylum and the expansion of deportation in the United Kingdom. Government and Opposition 43(2), 146–167
  • KANSTROOM D. (2007), Deportation Nation, Outsiders in American History. Cambridge, MA:Harvard University Press
  • KEDAR M. (1996), “Expulsion as an issue of world history”, Journal of World History 7(2), 165–180
  • MEZZADRA, S., NEILSON, B (2003), ‘Né qui, né altrove: migration, detention, desertion. A dialogue’, Borderlands e-journal, 2 (1)
  • NOIRIEL, G. (1991), Réfugiés et sans-papiers. La République face au droit d’asile XIXe-XXe, Paris, Calmann-Lévy
  • WALTERS W. (2002), “Deportation, expulsion, and the international police of aliens”, Citizenship Studies, 6(3), 256–292.

Lugares

  • Amphithéâtre F. Furet - 105 boulevard Raspail
    París, Francia (75006)

Fecha(s)

  • lundi 25 de avril de 2016

Palabras claves

  • migration, expulsion, retour, asile, migrants, réfugié, sans-papier

Contactos

  • Clara Lecadet
    courriel : clara [dot] lecadet [at] wanadoo [dot] fr

Fuente de la información

  • Clara Lecadet
    courriel : clara [dot] lecadet [at] wanadoo [dot] fr

Para citar este anuncio

« Gouverner par l’expulsion », Convocatoria de ponencias, Calenda, Publicado el jeudi 24 de mars de 2016, https://calenda-formation.labocleo.org/360163

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