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Obsolescence programmée : textes, théorie, technologie
Planned Obsolescence: Texts, Theory, Technology
Veröffentlicht am mardi, 17. mai 2016
Zusammenfassung
Ce colloque se propose d'étudier ce concept sous l’angle encore peu exploré de ses implications dans les domaines artistique, littéraire et théorique. Notre objectif est d’explorer les possibilités de ce nouvel outil analytique dans l’étude d’œuvres littéraires et artistiques, les genres auxquels elles appartiennent et les discours théoriques dont elles dérivent ou ceux qu’elles ont engendrés. Nous souhaitons aborder les nombreuses facettes (représentationnelle, formelle, théorique, médiatico-technologique, etc.) de la problématique.
Inserat
Argumentaire
Des puces obligeant les imprimantes à défaillir au bout d’un nombre donné de copies, des smartphones étonnamment toujours plus fragiles, des batteries électriques dont l’autonomie passe subitement à zéro minute, des aliments fournis avec une date de péremption arbitraire : les médias regorgent d’affaires ayant trait à la réduction artificielle de la durée de vie des biens de consommation. Ce mécanisme est appelé “obsolescence programmée” depuis le texte de Bernard London de 1932 : “Ending the Depression Through Planned Obsolescence”. À ses débuts, le concept est considéré comme potentiellement bénéfique pour la société : forcer les consommateurs à remplacer leurs biens plus rapidement augmenterait les ventes et stimulerait donc l’économie. Au cours du vingtième et surtout du début du vingt-et-unième siècle, l’obsolescence programmée comme stratégie commerciale a progressivement acquis une connotation négative en devenant le symbole de la surconsommation (Latouche 2012).
Le colloque “Planned Obsolescence” ne se propose pas d’évoquer directement les aspects économiques, sociaux et environnementaux de l’obsolescence programmée. Ceux-ci se trouvent assez largement débattus dans la recherche de ces domaines, qui est déjà riche et dont l’ampleur grandit continuellement. Il souhaite plutôt étudier ce concept sous l’angle encore peu exploré de ses implications dans les domaines artistique, littéraire et théorique, dans le sillage de Kathleen Fitzpatrick, qui utilise l’obsolescence programmée comme outil analytique pour l’épistémologie de la recherche. Notre objectif est d’explorer les possibilités de ce nouvel outil analytique dans l’étude d’œuvres littéraires et artistiques, les genres auxquelles elles appartiennent et les discours théoriques desquels elles dérivent ou ceux qu’elles ont engendrés. Nous souhaitons aborder les nombreuses facettes (représentationnelle, formelle, théorique, médiatico-technologique, etc.) de la problématique.
Une première approche est bien sûr l’étude de l’obsolescence programmée en tant que thématique d’œuvres littéraires et artistiques. La science-fiction regorge de cas qui mettent en question, réaffirment, modifient ou suppriment la “date d’expiration” de l’humanité (voir Time Out d’Andrew Niccol, 2011) ou de ses systèmes politiques et sociaux (voir “Solar Lottery” de Philip K. Dick, 1955). La science-fiction en tant que genre, et plus généralement le récit d’anticipation, sont d’ailleurs intrinsèquement menacés l'obsolescence programmée. Produire une œuvre qui représente un futur possible, c’est prendre le risque de se tromper; c’est condamner son œuvre à une caducité presque certaine, dès lors que ce futur ne se sera pas réalisé. Les œuvres et théories qui envisagent la destruction de notre planète (l’écocritique) et de ses habitants (le post- et transhumanisme) - qu’elles soient anticipatives ou non - sont également dignes d’intérêt. En allant plus loin, on peut oser l’anachronisme : le phénomène dépasserait son époque pour expliquer des œuvres et des mécanismes plus anciens. En tant que moyen d’analyse, il pourrait élargir la compréhension et l’interprétation de textes écrits pourtant avant l’apparition de l’obsolescence programmée en tant que fait ou comme discours. Le sentiment de belatedness, par exemple, exprimé dans la littérature de voyage de la fin du dix-neuvième siècle (Ali Behdad 1994) pourrait être considéré comme une instance d’obsolescence programmée. Ce concept se réfère à l’envie quelque peu paradoxale des voyageurs tels que Flaubert et Kipling de décrire l’Orient avant qu’il ne soit trop altéré, tout en ayant l’impression d’y arriver trop tard, à un moment où son exotisme et son authenticité ont été ruinés par l’arrivée du tourisme et du colonialisme, celui-là même qui les a amenés en Orient.
Certaines œuvres produisent également un discours sur l’obsolescence programmée au travers de leur forme. C’est le cas de la littérature numérique animée, où le texte se transforme en temps réel à l’écran, offrant donc au lecteur un texte polymorphe et éphémère (voir Kill the Poem de Johannes Auer, 1993). La littérature numérique de manière générale, de par sa dépendance au support informatique, est potentiellement concernée par l'obsolescence programmée puisque ces mêmes supports sont sans cesse remplacés par des modèles plus récents et – parfois volontairement – incompatibles (Hayles 2007). Un exemple parlant de ce problème est l’hypertexte “Afternoon, a story” (1997) de Michael Joyce, dont les liens finissent inévitablement par ne plus fonctionner. Les problématiques liées à la pérennisation du jeu vidéo illustrent aussi cette problématique: du fait des évolutions technologiques des supports, nombre de titres historiques ne sont plus accessibles que par le truchement d’émulateurs qui dénaturent l’expérience vidéoludique.
En plus d’étudier la représentation d’obsolescences programmées dans l’écriture artistique, il s’agira d'interroger la viabilité du concept comme outil d’analyse structurelle : pourrait-il se révéler fructueux comme concept théorique permettant d’appréhender des œuvres, que celles-ci soient classiques ou expérimentales ? Certaines contiennent-elles en elles l’inscription de leur péremption, voire de leur destruction en tant qu’objet ? L’obsolescence programmée pourrait-elle être une clé d’analyse des obsessions, transitions et successions théoriques qui caractérisent les Lettres actuelles? En effet, à peine un modèle est-il disponible que son successeur s’affiche déjà, souvent affligé du préfixe “post-” (post-structuralisme, post-modernisme, voire post-postmodernisme).
Enfin, jusqu’il y a peu, l’histoire des médias a été envisagée selon une perspective de progrès technique. Celle-ci implique une évolution linéaire où les médias se suivent et se succèdent à ceux devenus obsolètes, les nouveaux médias offrant une expérience de la réalité plus directe, “remédiant” ainsi aux lacunes des médias précédents (Bolter & Grusin). De nouveaux courants tels que l’archéologie des médias s’opposent à cette vision téléologique (Zielinkski 2006, Parikka 2012). Henry Jenkins (2008) propose de son côté une vision où seuls les delivery technologies s’obsolétisent alors que les médias ne meurent jamais ; les nouveaux médias coexistent avec les anciens. Comment ces nouvelles façons de penser les médias nous invitent-ils à revoir la notion d'obsolescence programmée, pourtant clé dans l’industrie de la technologie, car moteur essentiel à l’innovation technologique (Fishman et al. 1993) ? En outre, si la littérature n’est pas devenue obsolète sous l’influence de l’émergence des technologies digitales (Fitzpatrick 2006, Collins 2010) comme on l’a longtemps annoncé, quels sont ses fonctions et ses statuts dans ce nouvel environnement médiatique?
L’extension du concept d’obsolescence programmée au domaine des arts et de la littérature reste hardie, et sont bienvenues les contributions qui la remettent en question, et même la contredisent : le champ de l’obsolescence programmée comme notion d’histoire culturelle reste à défricher et les arguments positifs comme négatifs doivent être pris en compte. De la même façon, les sujets de communication présentés ci-dessous le sont à titre d’inspiration et ne sont nullement exhaustifs.
Modalités pratiques d'envoi des propositions
Les propositions de communication (250-300 mots, en français ou en anglais) accompagnées d’une brève note biographique, sont à envoyer pour
le 15 juin 2016
à l’adresse : planned.obsolescence.conf@gmail.com.
Comité organisateur
- Michel Delville (Université de Liège)
- Véronique Bragard (Université Catholique de Louvain)
- Carole Guesse (Université de Liège)
- Bruno Dupont (Univeristé de Liège)
- Ella Mingazova (chercheuse indépendante)
Comité scientifique
- Jean-Michel Rabaté (Professeur ordinaire, University of Pennsylvania)
- Michel Delville (Professeur ordinaire, Université de Liège)
- Björn-Olav Dozo (Premier logisticien de recherche, Université de Liège)
- Véronique Bragard (Chargé de cours, Université Catholique de Louvain)
- Jan Baetens (Professeur ordinaire, Katholieke Universiteit Leuven)
- Pieter Vermeulen (Chargé de cours, Katholieke Universiteit Leuven)
References / Bibliographie
- Anders, Gunther. L’obsolescence de l’homme. Paris: Ivrea, 2002 [1956].
- Behdad, Ali. Belated Travelers: Orientalism in the Age of Colonial Dissolution. Durham: Duke University Press, 1994.
- Benjamin, Walter, “Das Kunstwerk im Zeitalter seiner technischen Reproduzierbarkeit”, Web. <http://www.arteclab.uni-bremen.de/~robben/KunstwerkBenjamin.pdf>
- Bootz, Philippe. « Les Basiques : La littérature numérique. » Leonardo/Olats, Dec. 2006. Web. http://www.olats.org/livresetudes/basiques/litteraturenumerique/basiquesLN.php.
- Bolter, J. David, and Richard A. Grusin. Remediation: Understanding New Media. Cambridge : MIT Press, 1999.
- Collins, Jim. Bring on the Books for Everybody: How Literary Culture Became Popular Culture. Durham : Duke University Press, 2010.
- Compagnon, Antoine. Le démon de la théorie. Paris: Seuil, 1998.
- Fishman, Arthur et al. “Planned Obsolescence as an Engine of Technological Progress”. The Journal of Industrial Economics 41. 4 (Dec., 1993): pp. 361-370.
- Fitzpatrick, Kathleen. The Anxiety of Obsolescence : The American Novel in the Age of Television. Nashville : Vanderbilt University Press, 2006.
- Fitzpatrick, Kathleen. Planned Obsolescence : Publishing, Technology, and the Future of the Academy. New York : NYU Press, 2011.
- Hayles, N. Katherine. Electronic literature: new horizons for the literary. University of Notre Dame Press, 2008.
- Hayles, N. Katherine. “Electronic Literature: What is it?” The Electronic Literature Organization, v.1.0, 2007 (Jan), Web. <https://eliterature.org/pad/elp.html#sec4>
- Jenkins, Henry. Convergence Culture: Where Old and New Media Collide. New York : NYU Press, 2008.
- Latouche, Serge. Bon pour la casse: Les déraisons de l’obsolescence programmée. Paris : Les liens qui libèrent, 2012.
- London, Bernard. “Ending the Depression through Planned Obsolescence.” 1932. Web. <https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/2/27/London_%281932%29_Ending_the_depression_through_planned_obsolescence.pdf> .
- Parikka, Jussi : What is Media Archaeology? Cambridge / Malden : Polity Press, 2012.
- Zielinkski, Siegfried: Deep Time of the Media : Toward an Archaeology of Hearing and Seeing by Technical Means, Cambridge / London : MIT Press, 2006.
- Rabaté, Jean-Michel. The Future of Theory. John Wiley & Sons, 2008.
- Rabaté, Jean-Michel. Crimes of the Future: Theory and Its Global Reproduction. Bloomsbury Publishing USA, 2014.
- Viart, Dominique and Laurent Demanze (dir.) Fins de la littérature: Esthétiques et discours de la fin. Paris: Armand Colin, 2012.
- Viart, Dominique and Laurent Demanze (dir.) Fins de la littérature: Historicité de la littérature contemporaine. Paris: Armand Colin, 2012.
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Orte
- Université de Liège - Place du 20-Août, 7
Lüttich, Belgien (4000)
Daten
- mercredi, 15. juin 2016
Schlüsselwörter
- obsolescence, obsolescence programmée, théorie littéraire, littérature, science-fiction, théorie culturelle, cinema, mort, déchet, fin
Kontakt
- Carole Guesse
courriel : planned [dot] obsolescence [dot] conf [at] gmail [dot] com
Informationsquelle
- Carole Guesse
courriel : planned [dot] obsolescence [dot] conf [at] gmail [dot] com
Zitierhinweise
« Obsolescence programmée : textes, théorie, technologie », Beitragsaufruf, Calenda, Veröffentlicht am mardi, 17. mai 2016, https://calenda-formation.labocleo.org/366591