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Mariage et famille dans le Golfe aujourd’hui
Marriage and Family in the Gulf today
Revue « Arabian Humanities » n° 10, printemps 2018
“Arabian Humanities” Journal No. 10, Spring 2018
Publié le mercredi 30 novembre 2016
Résumé
Cette livraison d’Arabian Humanities privilégiera des contributions novatrices, critiques et analytiques touchant aux comportements familiaux dans les pays du Conseil de coopération du Golfe (CCG), à leur diversité et paradoxes, et aux représentations des enjeux socio-politiques de la famille dans les politiques publiques et les diverses mesures s’y rapportant. Les approches pourront être quantitatives et/ou qualitatives. Une attention spéciale devra si possible être accordée à la période post-2011 et au(x) contexte(s) particulier(s) de la crise actuelle de l’après-pétrole.
Annonce
Argumentaire
Les familles dans la région arabe du Golfe ont subi de profonds changements structurels au cours des dernières décennies. En particulier, le mariage et la fécondité, deux événements-clés de la formation de la famille et de la reproduction de l’ordre social, se sont profondément transformés. Les taux de fécondité ont chuté dans l’ensemble de la région, conduisant à une réduction de la taille des ménages. De plus, les modalités du mariage ont considérablement changé et s’écartent de plus en plus du modèle de nuptialité précoce et universelle. Les femmes se marient aujourd’hui au-delà de 24 ans en moyenne, diminuant ainsi les écarts d’âges entre époux. Depuis les années 2000, l’émergence du célibat féminin, de même que la fréquence des divorces et leur effet sur la baisse des niveaux de fécondité provoquent en outre de houleux débats au sein des sociétés. Le marché matrimonial s’est également mondialisé : l’émergence de nouveaux espaces publics et les nouvelles technologies de l’information ont entrainé une hausse des unions avec des ressortissants étrangers. Cependant, dans le même temps, d’autres dynamiques peuvent être remarquées, paradoxalement plus en accord avec l’archétype de la famille arabe « traditionnelle », « étendue, patrilinéaire, patrilocale, patriarcale, endogame, et occasionnellement polygame ». Par exemple, l’endogamie persiste dans la région (30 à 50% des unions au début des années 2000). En dépit d’un forte baisse ces dernières années, les niveaux de fécondité restent également élevés (supérieurs à 3 enfants par femme dans chaque pays en moyenne), si on les compare avec ceux observés dans des pays aux niveaux d’éducation et de revenu similaires.
Le rôle de la rente pétrolière et de sa redistribution aux nationaux sous forme de subventions par les Etats (prestations sociales, allocations familiales, gratuité du logement, de la santé et de l’éducation) dans l’allègement des « coûts de la procréation » jusqu’aux années 1990 sont maintenant connus. Ces subventions ont contribué à déconnecter l’éducation de la femme de son activité économique, rendue financièrement inutile. En outre, la présence massive des expatriés sur le marché du travail (dans le secteur privé) limitait les opportunités d’emploi socialement gratifiant au secteur gouvernemental. L’éducation de la femme n’a donc pas entraîné un retard du mariage et une réduction de la fécondité, comme on a pu l’observer ailleurs. Ces incitations des gouvernements au mariage universel et à une fécondité élevée répondaient initialement à plusieurs préoccupations : contrer le « déséquilibre démographique » entre nationaux et expatriés, rivaliser démographiquement avec d’autres puissances régionales (particulièrement l’Iran, dans le cas de l’Arabie saoudite), mais aussi assurer la reproduction des institutions. La reproduction des structures sociales sous-tendant celles des structures du politique, le renforcement de la domination patriarcale à l’échelle de la famille (les « hiérarchies de genre et de générations ») devait renforcer l’autorité des régimes de type « néopatriarcal » dans la région.
Pourtant, depuis les années 1990, un ensemble complexe d’enjeux domestiques, de tensions régionales et de pressions internationales se fait jour dans la région. Plusieurs facteurs, au nombre desquels la pression démographique sur les marchés du travail, résultat des forts taux d’accroissement naturel des décennies précédentes, les fluctuations des prix des hydrocarbures, l’émergence du chômage des nationaux et même de poches de pauvreté, la globalisation des économies du Golfe et la diversification de l’opposition politique aux régimes actuels, ont contraint les Etats de la région à entreprendre des réformes drastiques de leurs contextes socio-économiques. Parmi ces réformes, la nationalisation des emplois, la régulation de l’immigration de travail et la limitation des aides et subventions octroyées aux nationaux (à l’exception, dans une certaine mesure, des EAU et du Qatar) menacent les contrats sociaux et politiques auparavant fondés sur la redistribution « rentière » des ressources, et donc la cohésion sociale dans les pays de la région. Les appels des élites urbaines mondialisées et des classes moyennes à une revalorisation du statut de la femme, à des réformes sociales et politiques, se heurtent à ceux de citoyens plus pauvres contre « le clientélisme discriminatoire » prévalant dans la redistribution des ressources, et à l’opposition aux réformes d’acteurs religieux et conservateurs en compétition pour le pouvoir.
Dans ce contexte délicat, la famille est plus que jamais la cible de débats populaires mais aussi de diverses mesures émanant d’organisations publiques et privées : ONG locales ou transnationales, acteurs gouvernementaux et institutions régionales et internationales. Les discours sur la famille dans la région s’accordent sur le rôle crucial de la famille, conçue et réaffirmée comme « l’unité de base de la société », en respect des valeurs islamiques. La Stratégie Nationale pour le Développement 2011-2016 au Qatar par exemple, ou le texte de la Vision 2030 en Arabie saoudite (le schéma directeur des réformes économiques et sociales en cours) appellent tous deux au renforcement de la cohésion des liens familiaux, de même qu’à l’émancipation des femmes. Pour le gouvernement du Qatar, « assurer la perpétuation de familles soudées et nombreuses est un élément essentiel de l’avenir de notre Nation » (notre traduction) ; le gouvernement projette donc de développer des actions visant à « renforcer le rôle du mariage et des liens familiaux » et à diminuer la fréquence des divorces, par exemple. En Arabie saoudite, le projet de réformes Vision 2030 réaffirme de même le rôle central de la famille et des valeurs islamiques, les femmes restant « l’un de nos atouts majeurs, car 50% de nos diplômés d’université sont des femmes », à qui le pays doit garantir une égalité d’accès aux opportunités et une participation accrue à l’emploi. Des droits sociaux et, dans certains cas, l’accès à la citoyenneté ont aussi été ouverts aux enfants de mères citoyennes des pays du CCG, ainsi qu’à certaines catégories de ressortissants étrangers. Ces mesures rompent avec les politiques appliquées jusqu’alors, qui restreignaient la transmission de la citoyenneté aux membres de la parentèle en ligne paternelle.
Cette livraison d’Arabian Humanities privilégiera des contributions novatrices, critiques et analytiques touchant aux comportements familiaux dans les pays du CCG, à leur diversité et paradoxes, et aux représentations des enjeux socio-politiques de la famille dans les politiques publiques et les diverses mesures s’y rapportant. Les approches pourront être quantitatives et/ou qualitatives. Une attention spéciale devra si possible être accordée à la période post-2011 et au(x) contexte(s) particulier(s) de la crise actuelle de l’après-pétrole.
Axes thématiques
Trois échelles d’observation pourraient être envisagées, dont découleraient plusieurs thématiques (présentées ici à titre d’exemple) :
- Les structures familiales et leurs déterminants dans le Golfe. Les modalités et caractéristiques des mariages dans la région (retard du mariage et développement du célibat, divorces, remariages, polygamie, etc.), la fécondité, la formation des ménages et le cycle familial, les relations entre sexes et générations, les modalités de la transmission des ressources, la structure des ménages et les ménages multiples, par exemple. Les déterminants proches et lointains des structures familiales pourront aussi être envisagés, par exemple l’intensité et les caractéristiques de la participation économique des femmes (et des hommes), les niveaux d’éducation, les caractéristiques socio-économiques, l’accès au logement, l’effet de l’immigration de travail (par exemple le rôle des domestiques étrangères au sein du ménage, leur possible influence sur les comportements de fécondité, sur l’activité économique des femmes), les transferts de technologies de contrôle de la fécondité (contraception, traitement contre l’infertilité, procréation médicalement assistée), etc. Les approches plus qualitatives (par exemple, les représentations de la famille, les modalités de sa construction par les interactions/ négociations quotidiennes entre ses membres, avec la parentèle élargie, d’autres acteurs) peuvent également s’insérer à cette échelle d’observation des dynamiques familiales.
- Individu, ménage, famille, parenté, société et au-delà. On s’intéressera ici à l’intersection entre la famille (ou ses représentations) et les dynamiques socio-politiques ou socio-économiques globales. Par exemple, comment la question de la parenté (l’appartenance à la lignée agnatique) s’articule-t-elle de nos jours à celle de l’identité nationale ? Comment interpréter la résistance de l’endogamie, son glissement vers la parenté matrilinéaire, ou l’émergence de mariages avec des étrangers (non-ressortissants du CCG) ? Ces évolutions traduisent-elles un affaissement de la norme de domination patriarcale au sein de la famille ? Quels rôles jouent les nouveaux espaces publics, les nouvelles technologies de l’information et de la communication, l’accroissement des niveaux d’éducation, l’instabilité socio-économique touchant certains pays de la région dans les nouvelles modalités du choix du conjoint, de la décohabitation avec les parents, du cycle familial ? Quels sont leurs effets sur la stabilité de l’institution ? Comment les développements actuels de l’économie, du contexte politique affectent-ils les perceptions du rôle reproductif des femmes ? Qu’en disent les femmes elles-mêmes, leurs conjoints, leurs parents, etc. ? Par exemple, comment les tensions entre les rôles reproductifs/ familiaux et l’activité économique sont-ils négociés ? Plus généralement, comment le contexte socio-économique actuel affecte-t-il les « hiérarchies de genre et de générations », ou système patriarcal ? Au vu de l’accroissement de l’espérance de vie, comment les familles défavorisées et les enfants adultes célibataires organisent-ils la prise en charge des membres âgés de la famille ? La prise en charge des enfants est-elle devenue une question de société dans le Golfe comme ailleurs ? Plus généralement, assiste-t-on à l’émergence d’institutions ou de réseaux extra-familiaux de protection sociale et de solidarité, et si oui de quels types (organisations à référent religieux, solidarités de voisinage, services proposés par l’employeur, par le gouvernement, etc.) ? Quelles inégalités peuvent être repérées dans la provision de services par les gouvernements (inégalités spatiales, politiques, socio-économiques, …) et quelles conséquences ont-elles sur les structures familiales ?
- Politiques familiales, constructions normatives et processus de réforme socio-économique. Dans le contexte post-rentier de l’après-pétrole, marqué par d’importantes évolutions démographiques, par des tensions politiques et par une transformation des systèmes économiques, quel rôle est dévolu à la famille, pourquoi et comment est-elle mobilisée dans le processus de réforme ? Quelles questions touchant à la famille sont particulièrement ciblées, par quels acteurs, dans quels buts, déclarés ou non ? Quelles représentations de la famille idéale peuvent être déduites de ces discours normatifs ? Les discours normatifs et les mesures effectivement appliquées ont-ils des effets concrets sur les structures et dynamiques familiales, dans quels secteurs de populations des pays du Golfe ?
Modalités pratiques d'envoi des propositions
Les propositions de titres et résumés sont à envoyer
avant le 3 janvier 2017
à : Françoise De Bel-Air (f_dba@hotmail.com), Jihan Safar (gsafar@hotmail.com) et Sylvaine Giraud (edition@cefas.com.ye).
Les résumés (300-500 mots) devront préciser la problématique principale, la méthodologie prévue et les sources utilisées. Les propositions devront en outre inclure une courte biographie de l’auteur (Nom et prénom, affiliation institutionnelle et fonction, adresse, n° de téléphone et adresse e-mail) et les principales références bibliographiques.
Calendrier
- 3 janvier 2017 : réception des propositions.
- Mi-janvier 2017 au plus tard : réponses aux propositions.
- Fin mai 2017 : réception des articles. Les auteurs sont invités à suivre les normes éditoriales d’Arabian Humanities, accessibles ici ou auprès de la secrétaire d’édition, Sylvaine Giraud (edition@cefas.com.ye).
La composition du comité de rédaction est disponible sur le site de la revue.
Coordination
- Françoise De Bel Air,
- Blandine Destremau
- Jihan Safar
Catégories
- Sociologie (Catégorie principale)
- Espaces > Asie > Proche-Orient
- Sociétés > Sociologie > Étude des genres
- Périodes > Époque contemporaine > XXIe siècle
Dates
- mardi 03 janvier 2017
Mots-clés
- marriage, fertility, labour, globalization, post-oil crisis period, civil society, state policy, Arab Gulf States
Contacts
- Juliette Honvault
courriel : jhonvault [at] yahoo [dot] fr
URLS de référence
Source de l'information
- Sylvaine Giraud
courriel : edition [at] cefas [dot] com [dot] ye
Licence
Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la CC0 1.0 Universel.
Pour citer cette annonce
« Mariage et famille dans le Golfe aujourd’hui », Appel à contribution, Calenda, Publié le mercredi 30 novembre 2016, https://calenda-formation.labocleo.org/386151