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Diplomaties
Diplomacies - call for papers for the Terrain journal
Appel à contribution de la revue « Terrain »
Publicado el lundi 04 de février de 2019
Resumen
À l'heure où la diplomatie traditionnelle héritée du congrès de Vienne connaît des bouleversements profonds, ce numéro de Terrain entend approfondir sa compréhension par le comparatisme. Invitant à une plongée dans d’autres diplomaties, il accordera la primauté, selon la ligne éditoriale de la revue, aux études de cas et à l’ethnographie. Les doctrines diplomatiques y seront interrogées à la lumière des pratiques concrètes des acteurs, en partant du principe que la diplomatie est d’abord un art de la communication. Qui assure la fonction de diplomate dans les sociétés qui n’en disposent pas traditionnellement ? Quel rapport (délégation, incarnation, etc.) le lie au collectif au nom duquel il parle ? Quelles procédures de traduction met-il en œuvre entre mondes langagiers, conceptuels et politiques hétérogènes ? Qu’implique la multiplication des échelles désormais concernées par le jeu diplomatique ? À quoi enfin la diplomatie s’oppose-t-elle ?
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Numéro coordonné par Emmanuel de Vienne et Chloé Nahum-Claudel
Argumentaire
Donald Trump, Vladimir Poutine et Xi Jinping reflètent dans leurs différences mêmes certaines mutations importantes de la diplomatie mondiale. Le premier a recours plus que quiconque auparavant aux nouveaux médias pour s’adresser directement aux autres chefs d’État (en même temps qu’à son électorat), court-circuitant ainsi le travail traditionnellement occulte des chancelleries. Le deuxième, semblant se passer de diplomatie, pratique une ironie brutale doublée du recours accru à la force brute. Le troisième enfin propose une doctrine articulée (Eckman 2018 ; Zhao 2018) consistant à contourner le modèle westphalien du jeu d’alliances, multiplier les partenariats bilatéraux au service d’une politique étrangère et économique ambitieuse, les « nouvelles routes de la soie ». En même temps qu’elle a recours ausoft power de manière intensive (instituts Confucius diffusant la langue et la « culture chinoise », conquête d’une respectabilité internationale, etc.), la Chine se présente comme la tête de pont d’un autre modèle diplomatique que celui des puissances occidentales. Et de fait, les pratiques et les principes diplomatiques hérités du congrès de Vienne ont perdu leur universalité à l’heure de la recomposition géopolitique mondiale (Badie 2018) et alors que se multiplient les échelles et les types d’acteurs concernés par les relations diplomatiques (villes, régions, opinions publiques, ONG ou entreprises transnationales, groupes autochtones, etc.).
Parallèlement à ces transformations de la diplomatie internationale classique, la figure du diplomate a investi les sciences sociales à mesure que celles-ci ont accueilli en leur sein un nombre croissant d’entités non humaines. Depuis les années 2000 ont surgi de nouvelles propositions cosmopolitiques (Stengers 2007 ; Latour 2007 ; Descola 2005). Renouvelant la vision kantienne d’un simple élargissement de la citoyenneté à l’échelle de l’humanité, elles ont proposé, par application du principe de symétrie, une égale dignité d’existence à des mondes et des êtres composés selon des prémisses radicalement différentes du dualisme nature/culture occidental. Mais comment faire parler, comment représenter ces êtres dans l’arène politique ? Bruno Latour a thématisé cette nouvelle diplomatie et même réuni des étudiants au théâtre des Amandiers de Nanterre pour simuler une COP où étaient représentés des acteurs actuellement exclus, comme les montagnes, l’air, l’océan ou les animaux. Néanmoins l’inspiration ethnographique s’arrêtait au recrutement des parties. La forme de la négociation restait quant à elle fidèle à une tradition occidentale : des représentants, des médiateurs, réunis autour de « tables de négociation » lors de réunions plénières inaccessibles au commun.
Or la diversité entre les sociétés va au-delà de la composition du monde, c’est-à-dire du choix que celles-ci opèrent lorsqu'elles recrutent les êtres – humains ou non – qui les constitueront. La variation concerne aussi, et peut-être en amont, des manières différentes de penser la relation aux autres. Les rapports entre guerre et paix, inimitié et solidarité, rivalité ou coopération, ne sont ainsi pas partout d’opposition mutuelle, mais peuvent se combiner. De même, les normes de communication jugées pertinentes et légitimes pour négocier, convaincre ou influencer l’autre varient et peuvent donner lieu à des malentendus ou des frictions, parfois productifs (Sahlins 1979), qui ont attiré de longue date l’attention des ethnologues. L’idée même de diplomatie au sens strict, comme délégation d’un pouvoir de négociation à un représentant patenté auprès d’un groupe étranger, est loin d’être universelle. Ancrée dans l’histoire de la construction des États-nations, elle gagnera à être confrontée à des modèles différents, à la manière dont Claude Lévi-Strauss (1949) parlait de la « politique étrangère » des Nambikwara afin de mieux révéler les apories de la nôtre.
Ce numéro de Terrain entend donc proposer une plongée dans d’autres diplomaties, en accordant la primauté, selon la ligne éditoriale de la revue, aux études de cas et à l’ethnographie. Les doctrines diplomatiques y seront interrogées à la lumière des pratiques concrètes des acteurs, en partant du principe que la diplomatie est d’abord un art de la communication. Qui assure la fonction de diplomate dans les sociétés qui n’en disposent pas traditionnellement ? Quel rapport (délégation, incarnation, etc.) le lie au collectif au nom duquel il parle ? Quelles procédures de traduction met-il en œuvre entre mondes langagiers, conceptuels et politiques hétérogènes ? Qu’implique la multiplication des échelles désormais concernées par le jeu diplomatique ? À quoi enfin la diplomatie s’oppose-t-elle ?
Dans l’optique de décoloniser cet art, une attention particulière sera portée à la diplomatie des vaincus. Ce sont en effet typiquement eux qui ont été contraints à la créativité au cours de l’histoire. La fonction de diplomate en Europe – non plus émissaire ou négociateur ponctuel mais délégué permanent dans une cour étrangère – a émergé dans une Italie de la Renaissance fractionnée et affaiblie face aux grands empires français et des Habsbourg. Castiglione, auteur du Livre du courtisan, propose une doctrine qui part de ce constat de faiblesse (Ruggiero 2018). Talleyrand sauve la France comme partenaire de poids dans l’équilibre des pouvoirs européens au congrès de Vienne alors que Napoléon s’apprête à connaître sa deuxième défaite. Plus récemment les Enawenë Nawe se sont imposés face à l’État brésilien comme partenaires diplomatiques à part entière, en dépit d’un poids démographique dérisoire dans un contexte de construction de barrages hydroélectriques (Nahum-Claudel 2017). Enfin, dans les années 1980, la doctrine diplomatique de la Chine en train de se relever avec l’arrivée au pouvoir de Deng Xiaoping – « cacher ses talents, attendre son heure » – consistait précisément à se faire passer pour plus faible qu’elle n’était. Elle a continué d’être appliquée jusqu’aux années 2000, bien après que la Chine fut sortie de sa période de fragilité objective.
Les spécialistes de la médiation avec les non-humains (chamans, prêtres, médiums, etc.), traditionnellement étudiés par les ethnologues, pourront naturellement faire l’objet de propositions, à condition néanmoins que leur action vise aussi à influencer un autre collectif d’humains. Cette clause restrictive s’appuie sur un constat : les hommes sont plus difficiles à convaincre que les divinités.
Modalités de soumission
Outre des articles académiques (8 000 mots), le numéro comptera des « portfolios », conçus comme de courts essais construits sur un corpus d’images. Des récits courts (4 000 mots) enfin, prenant la forme de vignettes descriptives, rendront compte d’événements de rencontre documentés dans des archives ou directement observés dans le cadre d’un terrain ethnographique.
Les propositions de contributions devront être envoyées sous forme d’un résumé (300 mots environ)
avant le 15 mars 2019
à la rédaction de la revue Terrain : terrain.redaction@cnrs.fr
Les articles complets sont à remettre pour le 15 avril 2019.
Lectures
- BADIE BERTRAND, 2018. Quand le Sud réinvente le monde, essai sur la puissance de la faiblesse, Paris, La Découverte.
- DESCOLA PHILIPPE, 2005. Par-delà nature et culture, Paris, Gallimard.
- ECKMAN ALICE (dir.), 2018. La Chine dans le monde, Paris, CNRS Éditions.
- LATOUR BRUNO, 2007.« Quel cosmos ? Quelles cosmopolitiques ? », in Jacques Lolive & Olivier Soubeyran (dir.), L’émergence des cosmopolitiques, Paris, La Découverte, p. 69-84.
- LÉVI-STRAUSS CLAUDE, 1949.« La politique étrangère d’une société primitive », Politique étrangère no 2, p. 139-152.
- NAHUM-CLAUDEL CHLOÉ, 2017.Vital Diplomacy. The Ritual Everyday on a Dammed River in Amazonia, New York & Oxford, Bergahn.
- RUGGIERO RAFFAELE, 2018.« Castiglione à la cour de Charles Quint. La langue et les pratiques de la diplomatie italienne à la Renaissance »,Cahiers d’études italiennes no 27 [En ligne http://journals.openedition.org/cei/5239 ; DOI : 10.4000/cei.5239].
- SAHLINS MARSHALL, 1979.« L’apothéose du capitaine Cook », in Michel Izard & Pierre Smith (dir.), La fonction symbolique. Essais d’anthropologie, Paris, Gallimard, p. 307-343.
- STENGERS ISABELLE, 2007.« La proposition cosmopolitique », in Jacques Lolive & Olivier Soubeyran (dir.), L’émergence des cosmopolitiques, Paris, La Découverte, p. 45-68.
- ZHAO YONGCHEN, 2018.« Dialectical Unity of Xi Jinping’s Thought on Diplomacy », China International Studies no 70, p. 15-36.
Issue coordinated by Emmanuel de Vienne and Chloé Nahum-Claudel
Argument
Donald Trump, Vladimir Putin and Xi Jinping exemplify through their very differences some far-reaching transformations of global diplomacy. The first makes an unprecedented use of new mediato communicate directly with other heads of state (and with his own voters), in the process short-circuiting embassies and their traditional 'dark arts'. The second seems to bypass diplomacyaltogether, relying instead on a mix of brutal irony and, increasingly, brute force. Finally, the thirdpursues an explicit doctrine, a 'new silk road' (Eckman 2018, Zhao 2018) which, circumventing theWestphalian model of alliances, relies on bilateral partnerships in support of an ambitious economicand foreign policy. China relies extensively on soft power (Confucius institutes diffusing "Chineseculture" and teaching Chinese abroad, quest for international respectability...), while also castingitself as a bridgehead to a new, non-Western diplomatic model. The practices and principlesinherited from the Vienna Congress have indeed lost their universality in the face of globalgeopolitical reconfigurations (Badie 2018), and of the multiplication of type and scale of actorsinvolved in diplomatic relations (towns, regions, publics, NGOs, multinational companies,indigenous groups...).
Alongside these transformations in conventional international diplomacy, the figure of the'diplomat' has also been evoked in the social sciences in connection with increasing efforts toaddress and include non-human entities. Indeed, the turn of the century saw a set of newcosmopolitical proposals (Stengers 2007, Latour 2007, Descola 2005): where Kant had sought toextend citizenship to the whole of humanity, these new proposals drew on a principle of symmetryto reach further still. They sought to provide equal recognition to worlds and beings whosecomposition eschewed the Western distinction between nature and culture. But how can such beingsbe represented, how can their voice be heard in the political arena? This new diplomacy has been akey theme for Bruno Latour, who for instance gathered together students in the Theatre desAmandiers to act out a 'Conference of Parties' which included currently unrepresented actors, suchas mountains, the air, the ocean or animals. Yet while this enlarged cast of characters was clearlyinspired by comparative ethnographic examples, the form of the negotiation remained within aclassically Western tradition: a select group of representatives and mediators assembled aroundnegotiating tables in exclusive meeting rooms away from the general public.
For indeed societies do not simply differ in terms of the composition of the world, that is to say, inwhether or not they include non-humans in the social. They differ also, and perhaps morefundamentally, in the ways in which they conceive self-other relations. Peace and war, enmity andsolidarity, rivalry and cooperation, are not everywhere in mutual opposition – they can becombined. The norms of legitimate communication and appropriate negotiation also vary, andanthropologists have long been interested in the –occasionally productive – misunderstandings andfrictions such different assumptions can cause (Sahlins 1979). The very idea of diplomacy in thestrict sense – the delegation to an official representative of a power of negotiation with a foreign group – is far from universal. This vision is rooted in the historical emergence of a system of nation-states, and can be usefully contrasted with alternative models – rather as Claude Levi-Strauss spokeof the "foreign policy" of the Nambikwara in order to highlight the aporias of our own.
This issue of Terrain therefore seeks to explore other diplomacies, foregrounding with an emphasison ethnography and case studies, in line with the journal's editorial policy. Considering diplomacyto be first and foremost an art of communication, we shall examine diplomatic doctrines in light ofactors' concrete practices. Who takes on the functions of the diplomat in societies which do nottraditionally have such a role? What type of relationship (delegation, incarnation...) ties this personto the group in whose name they speak? What procedures of translation do they bring to bear onlinguistic, conceptual and political worlds? What are the implications of the increasingly multi-scalar nature of the diplomatic game? And what, finally, is the opposite of diplomacy?
With an eye to decolonising this art, we shall pay special attention to the diplomacy of the defeated.For it is typically the vanquished who, historically, have been obliged to be creative. In Europe, therole of diplomat as a permanent delegate to a foreign court (rather than as a mere temporary envoyor negotiator) emerged in Renaissance Italy, at a time of political fragmentation and weakness in theface of French and Habsburg Empires. At the congress of Vienna, Talleyrand saved France'sposition as a key player in the balance of European powers, while Napoleon was heading for hissecond defeat. More recently, the Enawenë Nawe managed, despite their vanishingly smallnumbers, to become a full-fledged diplomatic interlocutor of the Brasilian state in relation to theconstruction of hydroelectric dams (Nahum-Claudel 2017). Finally, in the 1980s, as China began torise again under Deng Xiaoping, the country's diplomatic doctrine – "hiding one's talents, bidingone's time" – turned precisely on seeming weaker than it actually was. This doctrine persisted intothe 2000s, well after China had left behind its period of objective fragility.
Submissions can of course focus on the specialists of mediation with non-humans traditionally studied by anthropologists (shamans, priests, mediums), as long as their activity also aims toinfluence another human collective. This restriction is grounded in the observation that humanbeings are more difficult to convince than divinities.
Submission guidelines
Aside from standard academic articles (8000 words), the issue will also include "portfolios" – shortessays built around a collection of images – and "narratives" (4000 words) – descriptive vignettes ofencounters, based on archival or ethnographic material.
If you would like to contribute, please submit a title and 300 word abstract
by the 1s5 of March 2019
to the editors of Terrain: terrain.redaction@cnrs.fr
Submission deadline for articles: December 15th of April, 2019.
Reading suggestions
- Badie, Bertrand, 2018. Quand le Sud réinvente le monde, essai sur la puissance de la faiblesse,Paris, La Découverte.
- Descola, Philippe, 2005. Par-delà nature et culture, Paris, Gallimard.Eckman, Alice (dir.), 2018. La Chine dans le monde, Paris, CNRS Éditions.
- Latour, Bruno, 2007. « 2. Quel cosmos ? Quelles cosmopolitiques ? », in Jacques Lolive & OlivierSoubeyran (dir.), L’émergence des cosmopolitiques, Paris, La Découverte, p. 69-84.
- Lévi-Strauss Claude, 1949. « La politique étrangère d’une société primitive », Politique étrangère,no 2, p 139-152.
- Nahum-Claudel, Chloé, 2017. Vital Diplomacy. The Ritual Everyday on a Dammed River inAmazonia, New York, Oxford, Bergahn.
- Ruggiero, Raffaele, 2018. « Castiglione à la cour de Charles Quint. La langue et les pratiques de ladiplomatie italienne à la Renaissance », Cahiers d’études italiennes [En ligne], 27, mis en ligne le30 septembre 2018, consulté le 07 octobre 2018. URL : http://journals.openedition.org/cei/5239 ;DOI : 10.4000/cei.5239.
- Sahlins, Marshall, 1979. « L’apothéose du capiraine Cook », in M. IZARD & P. SMITH (éd.), Lafonction symbolique : essais d’anthropologie, Paris, p. 307-343.
- Stengers, Isabelle, 2007. «1. La proposition cosmopolitique», in Jacques Lolive& OlivierSoubeyran (dir.), L’émergence des cosmopolitiques, Paris, La Découverte, p. 45-68.
- Zhao, Yongchen, 2018. "Dialectical Unity of Xi Jinping’s Thought on Diplomacy", Chinainternational Studies, no 70, p. 15-36.
Categorías
Fecha(s)
- vendredi 15 de mars de 2019
Palabras claves
- diplomatie, affaires étrangères, négociation, représentation politique,
Contactos
- Emmanuel de Vienne
courriel : emmanueldevienne [at] gmail [dot] com
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Fuente de la información
- Emmanuel de Vienne
courriel : emmanueldevienne [at] gmail [dot] com
Para citar este anuncio
« Diplomaties », Convocatoria de ponencias, Calenda, Publicado el lundi 04 de février de 2019, https://calenda-formation.labocleo.org/553287