Calenda - Le calendrier des lettres et sciences humaines et sociales
Les acteurs de l'environnement : habiter, exploiter, représenter
Actors of the environment : living, exploiting, representing
Publié le mardi 28 janvier 2020
Résumé
Le partage de notre environnement est source de nombreux conflits car objet d'appropriations, de pratiques et d'usages parfois concurrents, qui témoignent de la diversité des stratégies de ses acteurs dans leur manière de l’habiter, de l’exploiter et de (se) le représenter. Cette journée d’études entend ainsi, dans une perspective historique large et une approche se voulant culturelle et transdisciplinaire, déconstruire les pratiques, les relations et les usages de ces différents acteurs qui participent aux structures écologiques constituant les sociétés anciennes et contemporaines.
Sharing our environment is at the heart of many conflicts. Indeed, it’s the subject of multiple ownerships and practices, sometimes competing each other, which testifies the plurality of strategies of its actors in their way of living, exploiting and thinking the environment. In a historical, trans-disciplinary and cultural approach, this workshop aims to deconstruct and to understand the practices, relationships and uses of actors who participate at the ecological structures that make up ancient and contemporary societies.
Annonce
Argumentaire
Depuis 2012, un projet pour l’implantation d’un parc éolien offshore au large de la baie de Saint-Brieuc, au nord de la Bretagne, cristallise les tensions entre industriels, marins-pêcheurs, associations de protection de l’environnement et habitants de la baie[1]. En effet, chacun de ces acteurs a développé une relation particulière à son environnement, façonnée par des enjeux, des usages et des rapports spécifiques qui témoignent de la pluralité des stratégies de ces acteurs dans leur manière d’habiter, d’exploiter et de (se) représenter l’environnement.
L’environnement peut être défini dans un premier temps comme tout ce qui entoure, environne, les hommes. On entend en effet par environnement, dans le sens commun, l’ensemble des éléments biotiques ou abiotiques, objectifs ou subjectifs, qui entourent un individu ou une société et dont certains contribuent directement à subvenir à ses besoins[2]. Pourtant on ne saurait affirmer longtemps une stricte séparation entre l’homme et la nature. A la suite de William Cronon[3], il s’agit de déconstruire le mythe de la wilderness : les sociétés humaines ne trouvent pas de « nature vierge » sur laquelle faire porter leurs besoins en détruisant du même coup la prétendue naturalité environnementale. Il faut donc prendre la mesure d’une construction sociale de l’environnement en liant histoire physique et histoire humaine. Il s’agit également de rappeler la nature dialogique et dialectique des rapports entre les sociétés et leur environnement, en prenant en compte non seulement les rapports de l’homme sur l’environnement et de l’environnement sur l’homme, mais aussi les processus cycliques et réflexifs induits par leurs actions respectives. C’est pourquoi nous avons choisi de centrer notre propos autour des acteurs de l’environnement, en particulier les sociétés humaines, tant ils constituent le cœur de cette double relation. Néanmoins, dans les traces de l’histoire environnementale, il est nécessaire de sortir d’un certain anthropocentrisme en n’oubliant pas de prendre en compte l’agentivité de la faune et de la flore, acteurs à part entière, qu’on ne saurait rabaisser au rang de simple décor, objet passif d’une action de l’homme sur son milieu[4].
Cette variété d’actions et d’interactions entre les acteurs et l’environnement se décline en trois notions. D’abord la notion d’habiter, empruntée à la discipline géographique qui insiste sur l’analyse de l’être-au-monde des acteurs d’un territoire, sur les différentes manières qu’ils ont de s’approprier, de construire, d’aménager, de pratiquer un lieu et les conséquences que cela a sur eux dans un processus réflexif. La notion de l’exploitation ensuite, qui interroge les processus de transformation d’un lieu donné en ressources, les processus d’industrialisation du vivant et les logiques de consommation de la nature. Cette notion d’exploitation ne doit pas être entendue en un sens purement productiviste mais dans son sens le plus neutre, intégrant ainsi les logiques de préservation et de conservation environnementale. Enfin, dans une perspective culturelle, la notion de représentation, qui invite à énoncer les conditions de possibilité de la tenue d’un discours ou d’une refiguration de l’environnement en mettant en valeurs les concurrences, les échelles et les limites de ces valeurs et représentations de l’environnement.
Cette journée d’études entend ainsi s’inscrire dans le champ de l’histoire environnementale – champ qui s’est particulièrement développé depuis les années 1970 aux Etats-Unis et dans le monde anglo-saxon mais qui est encore relativement récent en France[5]. A travers les communications proposées et dans une approche historique et transdisciplinaire, il s’agira de chercher à comprendre la diversité à la fois des structures écologiques qui constituent les sociétés anciennes et contemporaines mais aussi les pratiques, les relations et les usages des acteurs qui participent à ces structures. Cette approche transdisciplinaire est essentielle car on ne saurait se passer de l’apport des autres sciences, sociales ou non, pour appréhender la dialectique esquissée entre acteurs et environnement. On ne saurait non plus restreindre le cadre chronologique et scalaire des interventions. Notre approche se voulant culturaliste, c’est-à-dire celle d’une histoire sociale des représentations, on aura soin de bien appréhender les acteurs de l’environnement, leurs statuts, leurs formations, leurs rôles, leurs valeurs, leurs représentations. Pour ce faire, quatre axes de recherche sont proposés :
Les acteurs de l’environnement
De l’individu et son rapport personnel à son milieu, jusqu’aux autorités et institutions (publiques ou privées), en passant par l’identification de différents groupes sociaux, qui sont les acteurs de l’environnement ? Il s’agit également, à partir de cet axe, d’interroger la nature des acteurs en question et ainsi de sortir d’un anthropocentrisme naturel en questionnant l’agentivité propre des non-humains dans la construction de leur environnement ou leur co-construction avec l’homme.
Les usages de l’environnement
Pourquoi et comment les acteurs de l’environnement font-ils usage de celui-ci ? Cet axe pose la question des rapports entre les acteurs et leur milieu et, plus particulièrement grâce à la notion d’usages, celle de la relation pratique et pragmatique qui anime les différents acteurs vis-à-vis de leur environnement. Ce sont ici les notions d’habiter et d’exploiter dans toute leur richesse sémantique qu’il s’agit d’interroger. On pourra articuler les réflexions autour des enjeux de production et de consommation, tout autant qu’autour des notions de conservation et de préservation.
Conflits et partage de l’environnement
Comment s’opèrent les relations au sein d’un environnement que nous avons en partage ? Comment la mise en commun de celui-ci, ou au contraire son appropriation exclusive, s’effectue-t-elle ? Il s’agira d’étudier les rapports entre les acteurs eux-mêmes et comment leurs usages de l’environnement peuvent être source de luttes, d’inégalités ou de négociations, selon un prisme allant du conflit le plus virulent pour l’appropriation d’une ressource à celui d’un partage accepté et raisonné.
Comment (se) représenter l’environnement
Enfin, dans une perspective plus sociale et culturelle, on s’interrogera sur les représentations que les acteurs ont ou font de l’environnement, que celles-ci soient mentales, artistiques, discursives, philosophiques, religieuses, cartographiques, etc. Il s’agit ainsi de repenser l’environnement comme une construction par ses différents acteurs et d’étudier les mécanismes et les conditions de possibilité de ses représentations. L’enjeu est également d’interroger l’évolution du rapport sensible des sociétés à leur environnement via leur esthétique ou leurs imaginaires.
Calendrier
Retour des propositions au plus tard le : dimanche 25 février 2020
Réponses au plus tard le : dimanche 15 mars 2020
Date de la journée d’étude : mercredi 13 mai 2020 (à Saint-Quentin-en-Yvelines)
Modalités
Cette journée d’études se veut pluridisciplinaire et ouverte à différents champs de recherche issus des sciences humaines et sociales (anthropologie, histoire, sociologie, histoire de l’art, musicologie, lettres, études théâtrales, études cinématographiques, histoire visuelle, droit, langues, sciences de l’information et de la communication, etc.).
Cet appel à communications est ouvert à tous les doctorants et jeunes docteurs ayant soutenu leur thèse ces dernières années, en France ou à l’étranger.
Les communications se feront en français ou en anglais. Les propositions de communication (500 mots environ) sont à envoyer, accompagnées d’une courte présentation de l’auteur (comprenant le titre, la discipline de la thèse, l’année de soutenance le cas échéant ainsi que l’université ou l’organisme de rattachement) au plus tard le 25 février à l’adresse suivante : doctorants.chcsc@gmail.com
Comité scientifique
- Anne-Claude Ambroise-Rendu
- Steve Hagimont
- Grégory Quenet
- Maaike van der Lugt
- Evelyne Samama
Comité d’organisation
- Jean-Félix Lapille et Nicolas Stromboni (CHCSC)
- Louis Genton et Lionel Germain (DYPAC)
[1] Anne Kiesel, « Baie de Saint-Brieuc. Idées fausses et questions sur les éoliennes en mer », www.ouest-France.fr, publié le 16/03/2018.
[2] Voir la définition d’« environnement » dans le Grand Larousse illustré, Paris, Larousse, 2018.
[3] W. Cronon, « The Trouble with wilderness : or, getting back to the wrong nature », Environmental History, 1-1, janvier 1996.
[4] Grégory Quenet, Qu’est-ce que l’histoire environnementale ?, Paris, Champ Vallon, 2014, p. 11.
[5] Fabien Locher et Grégory Quenet, « l’histoire environnementale : origines, enjeux et perspectives d’un nouveau chantier », Revue d’histoire moderne et contemporaine, 2009/4, n°56-4, pages 7 à 38.
Presentation
Since 2012, a project to set up an offshore wind farm off the bay of Saint-Brieuc in northern Brittany in France crystallized tensions between industrialists, fishermen, environmental protection associations and the inhabitants of the bay. Indeed, each of these actors developed different bonds with their environment, shaped by their specific interests and behaviors[1]. That testifies the plurality of the strategies of these actors in their way of living, exploiting and thinking the environment.
First, the environment can be defined as everything that surrounds human beings. Generally, it includes all the biotic or abiotic elements, whether objective or subjective, that surrounds an individual or a society, some of which contribute directly to provide the individual needs[2]. However, a strict separation between man and nature cannot be maintained for long. Following the perspective of William Cronon[3], one can deconstruct the myth of wilderness: human societies do not find "virgin nature" which they exploit to fulfill their needs while, at the same time, destroying the so-called environmental naturalness. We must therefore consider a social construction of the environment by linking physical and human history. It is also about recalling the dialogical and dialectical nature of the relationship between societies and their environment, taking not only the bonds of man to the environment and of the environment to man into account, but also the cyclical and reflexive processes induced by their respective actions. This is why we have chosen to focus on environmental actors, in particular human societies, as they are at heart of this dual relationship. Nevertheless, following footsteps of environmental history, it is necessary for us to take a step back from an anthropocentic point of view, and to keep in mind the agency of the fauna and flora, which are properactors and can not only be recuded to the mererank of scenery, passive objet of man’s action in his environment[4].
This variety of actions and interactions between stakeholders and the environment can be broken down into three notions. The first one is the concept of inhabiting, borrowed from the geographical studies. It insists on the analysis of the “being-world” of the actors of a territory: the different ways they have of appropriating, building, developing and using a place and the consequences on the actors, in a reflexive process. The next one is exploitation, which questions the process of transforming any location into a resource, the process of industrialization of living entities and the logic of nature consumption. This notion of exploitation should not be understood in a purely production driven sense but in its most neutral sense, thus integrating the logic of environmental preservation and conservation. Finally, from a cultural perspective, the concept of representation invites us to set out the conditions for the possibility of a discourse or a refiguration of the environment. This is done by highlighting the competition for the resources of the environment and the scale and limits of the representations of the environment.
This study day is thus intended to fall within the field of environmental history - a field that has developed particularly since the 1970s in the United States and in the Anglo-Saxon world, but which is still relatively recent in France[5]. Through the proposed papers and in a historical and transdisciplinary approach, the aim is to try to understand the diversity of both the ecological structures that make up ancient and contemporary societies and also the practices, relationships and uses of the actors who participate in these structures. This transdisciplinary approach is essential because we cannot do without the contribution of the other sciences to understand the dialectic outlined between actors and the environment. Neither can we restrict the chronological and scalar framework of the interventions. As our approach is intended to be culturalist, i.e. a social history of representations, we will take care to understand the actors of the environment, their status, their training, their roles, their values and their representations. To do this, four research axis are proposed:
Actors of the environment
From the individual and his personal relationship to his environment, to the authorities and institutions (public or private), through the identification of different social groups, who are the actors of the environment? This is also about questioning the nature of the actors and thus to break out from a natural anthropocentrism by questioning the specific agency of non-humans in the construction of their environment or their co-construction with man.
Uses of the environment
Why and how do environmental actors use the environment? This axis raises the question of the relationship between the actors and their environment and, more particularly, focusing on the notion of uses, practical and pragmatic relationships that animate the different actors with respect to their environment. In this part, we have to question the notions of inhabiting and exploiting in all their semantic richness. We will be able to articulate reflections around the notions of production, consumption, conservation and preservation.
Conflicts and environmental sharing
How do relationships operate within an environment we have to share? How is it shared or, on the contrary, exclusively appropriated? The purpose is to study the relationships between the actors confronted to each others, and how their use of their environment can be a source of struggle, inequality or negotiation. Those bonds can be approached and aprehended from the most virulent conflict for the appropriation of a resource to an accepted and reasoned sharing.
How to represent the environment? How to get a picture of it?
Finally, from a more social and cultural perspective, we will look at the representations that the actors have or make of the environment, whether these are mental, pictorial, discursive, philosophical, religious, cartographic and so on. The aim is to rethink the environment as a construction by its different actors by studying the mechanisms and conditions of environmental representations. The challenge is also to question the evolution of the sensitive relationship between societies and their environment through their aesthetics or their imaginations.
Calendar
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Call for papers at the latest by February 25th 2020
- Answers to candidates at the latest by March 15th 2020
- Workshop’s day: May 13th 2020
Terms and conditions
This workshop is multidisciplinary and opened to several fields of research in humanities (sociology, anthropology, psychology, history, art history, medicine history, musicology, literature, theater studies, film studies, visual history, law, languages, information and communication science).
This call for papers is addressed to all PhD students and young doctors who presented their thesis defense in the last few years.
Each paper will be either in French or English. The propositions (about 500 words) have to be sent with a short presentation of the author (title, field of the PhD, if necessary, year of the thesis defense and the university or the affiliated organization) at the latest by February 25th 2020 at the following address: doctorants.chcsc@gmail.com
Scientific committee
- Anne-Claude Ambroise-Rendu
- Steve Hagimont
- Grégory Quenet
- Maaike van der Lugt
- Evelyne Samama
Organization committee
- Jean-Félix Lapille et Nicolas Stromboni (CHCSC)
- Louis Genton et Lionel Germain (DYPAC)
[1] Anne Kiesel, « Baie de Saint-Brieuc. Idées fausses et questions sur les éoliennes en mer », www.ouest-France.fr, published the 03/16/2018.
[2]« Environnement » in Grand Larousse illustré, Paris, Larousse, 2018.
[3] W. Cronon, « The Trouble with wilderness : or, getting back to the wrong nature », Environmental History, 1-1, janvier 1996.
[4] Grégory Quenet, Qu’est-ce que l’histoire environnementale ?, Paris, Champ Vallon, 2014, p. 11.
[5] Fabien Locher et Grégory Quenet, « l’histoire environnementale : origines, enjeux et perspectives d’un nouveau chantier », Revue d’histoire moderne et contemporaine, 2009/4, n°56-4, pages 7 to 38.
Catégories
- Histoire (Catégorie principale)
- Périodes > Préhistoire et Antiquité
- Sociétés > Ethnologie, anthropologie
- Périodes > Moyen Âge
- Périodes > Époque moderne
- Périodes > Époque contemporaine
- Sociétés > Géographie
- Esprit et Langage > Représentations
Lieux
- Saint-Quentin-en-Yvelines, France (78)
Dates
- mardi 25 février 2020
Fichiers attachés
Mots-clés
- environnement, nature, acteurs, habiter, exploitation, représentations, histoire
Contacts
- Nicolas Stromboni
courriel : doctorants [dot] chcsc [at] gmail [dot] com
Source de l'information
- Nicolas Stromboni
courriel : doctorants [dot] chcsc [at] gmail [dot] com
Licence
Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la CC0 1.0 Universel.
Pour citer cette annonce
« Les acteurs de l'environnement : habiter, exploiter, représenter », Appel à contribution, Calenda, Publié le mardi 28 janvier 2020, https://calenda-formation.labocleo.org/735168