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Expériences vécues de design
The lived experiences of design
Sciences du Design (n° 13)
Sciences du Design journal (no.13)
Publié le mercredi 29 avril 2020
Résumé
Ce dossier propose un questionnement des expériences vécues de design, à partir des contextes d’intervention, des processus, des acteurs et des interactions. Plus que la structure ou la gestion de projet, il s’agit d’étudier des expériences vécues de design, c’est-à-dire d’actions ou de relations des acteurs impliqués ou impactés, dans leurs temporalités ou dynamiques, au sein du projet comme dans ses externalités.
Annonce
Sciences du Design lance un appel à articles sur le thème « Expériences vécues de design » pour son numéro 13, à paraître au printemps 2021
Direction scientifique
- Estelle Berger (Strate École de Design, France)
- Pierre Lévy (Université de Technologie d’Eindhoven, Pays-Bas)
Argumentaire
La notion d’expérience renvoie à deux sens distincts. D’une part elle est un vécu situé, cognitif et affectif d’ordre phénoménologique (concept d’Erlebnis) ; d’autre part elle agrège l'ensemble des processus interactionnels qui constituent notre relation avec le monde dans la durée, et les compétences ainsi acquises (concept d’Erfahrung). Dans la première acception, l'expérience est immédiate et incarnée, alors que la seconde représente la cristallisation d’une somme d’expériences événementielles. Cette dualité crée un jeu de tensions entre le vécu, son appropriation et son intégration au fil du temps.
Le travail de Donald Schön (1983) sur la pratique réflexive distingue et articule deux modes associés à ces différents types d’expérience : la réflexion dans l’action, immédiate et immersive, et la réflexion sur l’action, construite et en recul. Le premier mobilise les connaissances de l’individu en tant que principes d’orientation de l’action, le second en tant que grilles de lecture. Dans les deux cas, le mouvement de pensée s’adapte à chaque situation, et le praticien réflexif prend sa propre action pour objet, de manière à la fois critique et constructive. Critique, car il rompt avec la justification pour mettre à distance, objectiver, analyser. Constructive, car son but est d’apprendre de l’expérience, de construire des savoirs utiles à l’avenir (Berger, 2017).
Dans le champ du design, cette tension est au coeur des démarches de recherche-action, recherche-projet (Findeli, 2005), recherche création (Bruneau et Villeneuve, 2007 ; Lancri, 2001 ; Léchot Hirt, 2010) ou encore de constructive design research (Koskinen et al., 2011). Nourries de pragmatisme, ces approches reconnaissent que notre compréhension du monde n’émerge pas de purs examens rationnels, mais d’un contact sensible et intime avec celui-ci (Dewey, 2005 ; Hennion, 2007). C’est en rendant compte de la multiplicité des expériences vécues que l’on surmonte le dualisme entre théorie et pratique (Dewey, 2005 ; Thibaud et Thomas, 2004).
Mais si l’expérience est vécue comme intériorité, conciliant l’émotionnel, le corporel et l’intellectuel (Dewey, 1934/2005), nul individu n’agit de manière isolée. La science de la complexité et l’approche systémique ont amené des outils pour comprendre et modéliser les interrelations entre acteurs (Morin, 1990 ; Le Moigne, 2005). Les designers, en particulier, s’insèrent dans des projets faisant intervenir de multiples parties prenantes impliquées dans la conception comme dans la réception des propositions.
Ce dossier propose un questionnement des expériences vécues de design, à partir des contextes d’intervention, des processus, des acteurs et des interactions. Plus que la structure ou la gestion de projet, il s’agit d’étudier des expériences vécues de design, c’est-à-dire d’actions ou de relations des acteurs impliqués ou impactés, dans leurs temporalités ou dynamiques, au sein du projet comme dans ses externalités.
En particulier, nous souhaitons accueillir les travaux de chercheur.se.s qui se sont intéressé.e.s aux tensions qui se jouent entre les différents registres d’action : l’anticipé (délibéré), l’émergent (spontané ou improvisé) et la saisie d’opportunités (délibérée mais pas anticipée, qui permet d’expérimenter et d’apprendre). Celles-ci se déploient à trois échelles, qui peuvent constituer les trois axes sur lesquels nous invitons la communauté à répondre à cet appel, sans exclure d’autres perspectives.
Axe 1 — Le designer et ses usagers/publics (Je.nous & ils.elles)
En vue de repenser la dichotomie concepteur/récepteur pour une approche plus systémique des relations, cet axe s’attache aux rencontres entre le(s) designer(s) et celles.ceux qui ont fait ou feront l’expérience des propositions passées ou à venir, tant à l’échelle individuelle que sociale. Comment se confronter aux situations telles qu’elles sont vécues sur le terrain ? Quelles relations peuvent s’établir entre l’(les) individu(s) concepteur(s) et l’(les) individu(s) récepteur(s) ? Les contributions pourront par exemple prendre la forme d’une approche méthodologique, une grille d’évaluation de méthodes pour approcher le terrain (qualitatif/quantitatif), un bilan de projet des intentions de conception au déploiement réel, une recherche-projet…
Axe 2 — Le designer au sein d’un collectif (Je & nous)
En considérant la diversité des formes de rationalité à l’oeuvre dans les projets de design, cet axe étudie les dynamiques de collaboration et les tensions entre expérience individuelle et collective. Quelle(s) expérience(s) à l’entrecroisement des vécus ? Comment se répondent-elles et se transforment-elles mutuellement pour construire une réponse créative et itérative en contexte ? Quel(s) impacts de l’individu au collectif, du collectif à l’individu ? Les contributions pourront par exemple prendre la forme d’une démarche réflexive de codesign ou de design participatif (Halskov et Hansen, 2014), une narration à plusieurs mains, une rencontre inter- ou transdisciplinaire, une conversation (conceptuelle ou basée sur la pratique) constructive pour la profession et/ou la discipline design…
Axe 3 — L’individu et le designer (Je & je)
Cet axe invite à une approche (auto-)réflexive de la pratique et des actions qui la composent. Comment se positionner à la première personne et développer son expérience du design, de l’échelle du projet à celle du développement professionnel et personnel ? Quels méthodes et outils supportent une telle approche ? Les contributions pourront par exemple prendre la forme d’un bilan d’expérience sur un temps long (transformation, enjeux, directions), un récit d’apprentissage, une profession de foi argumentée (positionnement, programme, principes), un travail (auto-)ethnographique, un portfolio annoté (Bowers, 2012), un dialogue comme mise en perspective de l'expérience…
Les contributions attendues se placeront à un niveau de raisonnement apte à mettre en perspective la narration, les méthodes et/ou les résultats des démarches étudiées. Tout en satisfaisant aux exigences de la recherche académique, des formats mettant puissamment en tension le vécu et la dimension analytique seront particulièrement appréciés.
Modalités de soumission
Pour tous les numéros, les auteurs et les autrices doivent désormais soumettre d’emblée un article complet (full paper). Ce dernier doit respecter scrupuleusement l’ensemble des consignes de soumission. Sciences du Design n’accepte plus les abstracts.
Pour soumettre, merci de suivre la procédure en ligne :> lire les informations aux auteurs> faire une soumission
Calendrier
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30 septembre 2020 : date limite pour la soumission des articles complets
- 30 novembre 2020 : première réponse (provisoire) aux auteurs et autrices
- 12 janvier 2021 : deuxième réponse (définitive) aux auteurs et autrices
- Mai 2021 : publication en librairie et en ligne
Visualisation
Vous pouvez soumettre une visualisation en lien avec cette thématique pour la rubrique Visualisation: http://www.sciences-du-design.org/index.php/sdd/announcement/view/4
Contact
Estelle Berger : e.berger@strate.design
Pierre Lévy : pierre_levy@outlook.com
Références
Benson, B. E. (2003). The improvisation of Musical Dialogue, A Phenomenology of Music. Cambridge, UK : Press, Cambridge University.
Berger, E. (2017). Rendre la critique créative. La démarche abductive et pragmatique du design. Approches inductives, 4(2), p. 109-132. doi:10.7202/1043433ar
Bowers, J. (2012). The Logic of Annotated Portfolios: Communicating the Value of Research Through Design (pp. 68–77). In Proceedings of Designing Interactive Systems Conference 2012, DIS2012. New York, New York, USA : ACM Press. http://doi.org/10.1145/2317956.2317968
Bruneau, M., et Villeneuve, A. (2007). Traiter de recherche création en art. Entre la quête d’un territoire et la singularité des parcours. Québec : Presses de l’Université du Québec.
Coyne, C. J., et Mathers, R. L. (2011). Rituals: An economic interpretation. Journal of Economic Behavior & Organization, 78(1-2), p. 74-84. https://doi.org/10.1016/j.jebo.2010.12.009
Dewey, J. (1934/2005). L'art comme expérience. Gallimard, Paris.
Dumézil, G. (1981). Entretien. Cahier pour un temps. Paris : Centre Pompidou.
Findeli, A. (2005). La recherche-projet : une méthode pour la recherche en design. Dans R. Michel (Éd.), Erstes Designforschungssymposium [Premier symposium de recherche en design] (p. 40-51). Zurich : SwissDesignNetwork.
Gadamer, H. G. (1989). Truth and Method (2nd ed.). London, UK : Continuum.
Halskov, K., et Hansen, N. B. (2014). The Diversity of Participatory Design Research Practice at PDC 2002–2012. International Journal of Human-Computer Studies, 74, p. 81-92. https://doi.org/10.1016/j.ijhcs.2014.09.003.
Lancri, J. (2001). Modestes propositions sur les conditions d’une recherche en arts plastiques à l’Université. [Plastik], Éditions de la Sorbonne, 1, p.107-116.
Léchot Hirt, L. (2010). Recherche-création en design. Modèles pour une pratique expérimentale. Genève : Métis Presses.
Le Moigne, J.-L. (2005). Sur l’Éthique de la Compréhension, Éditorial du réseau Intelligence de la complexité. Interlettre chemin faisant MCX-APC, 27.
Lhotellier, A. (1995). Action, praxéologie et autoformation, Éducation permanente, 122, p. 233-242.
Lochmann, A. (2019). La vie solide. La charpente comme éthique du faire. Paris : Payot.
Morin, E. (1990). Introduction à la pensée complexe. Paris : ESF Éditeur.
Orlikowski, W. J., et Hofman, J. D. (1997). An improvisational model for change management: the case of groupware technologies. Sloan Management Review, 38(2), p. 11-21.
Schaeffer, J-M. (2015). L’expérience esthétique. Paris : Gallimard.
Schön, D. A. (1983). The reflective practitioner: How professionals think in action. Londres : Temple Smith.
Wertz, F. J. (Ed.) (2001). Five Ways of Doing Qualitative Analysis: Phenomenological Psychology, Grounded Theory, Discourse Analysis, Narrative Research, and Intuitive Inquiry. New York : Guilford Press.
Catégories
- Épistémologie et méthodes (Catégorie principale)
Dates
- mercredi 30 septembre 2020
Mots-clés
- design, projet, expérience, pratique réflexive, recherche création, recherche-action, recherche-projet, interdisciplinarité, transdisciplinarité
Contacts
- Estelle Berger
courriel : e [dot] berger [at] strate [dot] design
URLS de référence
Source de l'information
- Estelle Berger
courriel : e [dot] berger [at] strate [dot] design
Licence
Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la CC0 1.0 Universel.
Pour citer cette annonce
« Expériences vécues de design », Appel à contribution, Calenda, Publié le mercredi 29 avril 2020, https://calenda-formation.labocleo.org/775621