AccueilTerrains proches, familiers et ordinaires : les voies de la « facilité » ?

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Terrains proches, familiers et ordinaires : les voies de la « facilité » ?

Researching the nearby, familiar and everyday: the "easy way" in research?

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Publié le lundi 05 octobre 2020

Résumé

Les considérations relatives aux méthodologies d’enquête, aux enjeux éthiques du-de la chercheur-e face à son terrain et aux enquêté-e-s sont désormais bien fournies dans le champ de la sociologie française. Difficultés et distanciation constituent en effet des épreuves incontournables du rite d’entrée dans la profession sociologique. Le corpus réflexif des méthodologies d’enquête donne couramment à voir des descriptions de rites d’institution où le-la chercheur-e insiste sur les conditions éprouvantes, itératives et tortueuses de son insertion sur le terrain. Les réflexions méthodologiques exposent également la distance épistémologique entre l’enquêteur-trice et les acteurs-trices du terrain. Pour autant, cette seconde dimension réflexive semble moins travaillée lorsque la population étudiée est non pas distante, mais au contraire, proche, du-de la chercheur-e. 

Annonce

18 & 19 mars 2021

Colloque organisé à l’Espace Philippe Séguin (Sciences Po Aix – Aix en Provence)

Argumentaire

Ce colloque prend délibérément le parti de ne pas tant s’intéresser aux terrains considérés traditionnellement comme « difficiles » et/ou « lointains » (Massicard, 2002 ; Boumaza et Campana, 2007 ; Ayimpam, Chelpi-den Hamer et Bouju, 2014 ; Hadj-Moussa, 2019 ; Aldrin, Fournier, Geisser et Mirman, 2020). Les organisateurs-trices ont volontairement adopté une entrée réflexive à partir des terrains « proches », qui semblent sous différents aspects « faciles ». Il ne s’agit pas d’opérer un glissement sémantique entre les deux termes, mais de questionner les faux aspects de « facilité » des terrains « proches ». Il convient de revenir et de considérer ces situations du proche et ce qu’elles nous disent de nos propres pratiques empiriques et théoriques et des rapports multiples, parfois contradictoires, que l’on entretient avec celles et ceux qui font la matière des productions scientifiques.

Les rapports de proximité entre les  chercheur-e-s et leur environnement d’enquête se déclinent de plusieurs manières. Dans un sens familier, tout d’abord : l’enquête porte parfois sur des phénomènes qui semblent routiniers ou ordinaires, c’est-à-dire qui se déroulent sous les yeux des enquêteurs-trices dans leur quotidien immédiat. Le registre de la proximité peut aussi renvoyer au contexte professionnel : qu’il s’agisse d’enquêter son propre milieu socioprofessionnel (Collier, 2018), d’être chercheur-e-s embarqué-e-s (Alam, Gurruchaga, O’Miel, 2012), ou bien lorsque les enquêté-e-s disposent de ressources scolaires et professionnelles similaires à celui ou celle qui mène la recherche.

De manière plus générale, la proximité avec son milieu d’étude peut être sociale, lorsque l’enquêteur-trice s’identifie à sa population de référence, qu’il-elle la trouve éminemment « sympathique » (Avanza, 2008) au moment où le terrain s’effectue, ou qu’il-elle en soit un-e membre à part entière avant même l’enquête (Schwartz, 1993 ; Dunezat, 2011 ; Fourment, 2019).

Par ailleurs, il peut aussi y avoir une dimension temporelle dans la proximité. En effet, la présence continue du-de la chercheur-e, ou discontinue mais fréquente sur le long terme, impose aussi une certaine familiarité entre l’enquêteur-trice et les acteurs-trices étudié-e-s. Enfin, la proximité se manifeste aussi sur les terrains « sur-étudiés » (Chossière, Desvaux, Mahoudeau, 2021), dans lesquels les enquêté-e-s sont habitué-e-s à fréquenter des chercheur-e-s et dont la présence leur est familière.

Les propositions de communication pourront s’inscrire dans l’une ou l’autre de ces dimensions du “proche” et l’interroger à travers trois moments de l’enquête :

Axe 1 - D’abord, elles pourront revenir sur les « ficelles » (Becker, 2002) de l’insertion dans le milieu enquêté lorsque celui-ci est proche d’une manière ou d’une autre. Par exemple, comment s’insère-t-on comme enquêteur-trice dans un terrain lorsque l’on y est déjà préalablement engagé-e, en amont de l’enquête. Comment l’enquêteur-trice justifie auprès de ses semblables ce projet d’enquête et comment il-elle négocie leurs paroles ? Le fait de disposer d’un « droit d’entrée » (Darmon, 2005) symboliquement faible rend-il pour autant l’enquête si facile ? Quels sont les enjeux et contraintes qui s’expriment dans les situations de « double identité » (Lefebvre, 2010) ? Il est tout autant important d’indiquer que les propriétés sociales des chercheur-e-s (âge, statut BAC+8, genre, race, etc.) jouent sur la propension à investir « facilement » un terrain qui paraît proche. 

Axe 2 - Ensuite, les communications pourront traiter les situations où le rapport de proximité se construit surtout pendant le temps de l’enquête. Comment (main)tenir une juste distance sociologique, qui s’apparente à un véritable travail de « funambule » (Landour, 2013), sans altérer les rapports sociaux qui se transforment au cours de l’enquête ? De manière complémentaire, il faut se demander de quelles façons l’évolution des relations d’enquête influe sur le processus de recherche lui-même ? La proximité aux enquêté-e-s peut favoriser des situations où ces dernier-e-s s’autorisent à guider ou à donner des jugements de valeur sur les manières de faire de l’enquêteur-trice. Comment prendre suffisamment de distance avec des enquêté-e-s dont on est proche pour procéder à un travail d’analyse sociologique (Bizeul, 2008) ? Ces questions semblent se poser avec d’autant plus d’acuité qu’elles concernent des enquêtes au long cours ou par « cohortes ». 

Axe 3 - Enfin, la question de la restitution est indispensable et complémentaire des deux axes ci-dessus évoqués et les contributions pourront en proposer une analyse des spécificités de l'exercice dans le cadre d’une enquête en terrain proche. D’un côté, il est possible de s’interroger sur la manière de restituer à l’écrit les conditions et conséquences de la proximité. Dans quelle mesure faut-il associer les enquêté-e-s à la restitution des résultats en glissant du « je méthodologique » (De Sardan, 2008) à un « nous méthodologique » ? D’un autre, nous tenons à questionner les restitutions des résultats de la recherche auprès des enquêté-e-s : qu’il s’agisse d’une restitution commandée, administrée par les enquêté-e-s ou que le-la chercheur-e décide, sur le mode de l’éthique, d’honorer le contrat moral passé avec les acteurs-trices par le biais d’une restitution spontanée.

Plus généralement, ce colloque ambitionne d’interroger et de rendre compte des dimensions processuelles des conditions d’enquête, en analysant les ressorts complexes de l’alternance entre temps d’enquête, de socialisation, d’analyse, de restitution et de sortie de terrain, à partir d’enquêtes de terrain relevant des registres du « proche ». La « curiosité de tout » (Naepels, 2012) qui caractérise la démarche ethnographique des chercheurs et chercheuses doit embrasser l’ensemble de la chaîne de (co)production de la recherche et ne pas se limiter à l’enquête en train de se faire.

Le présent appel à communication a une portée volontairement large. Sont ainsi vivement encouragé-e-s à proposer des communications : les mastérant-e-s, doctorant-e-s, docteur-e-s, titulaires en poste ; les chercheur-e-s ayant effectué ou effectuant une CIFRE ou inséré-e-s dans des dispositifs de commande institutionnelle ou privée ; les ethnopraticien-ne-s de tous bords ; les partisan-ne-s des critical studies ; celles et ceux qui travaillent sur des objets sociologiques et anthropologiques considérés par le sens commun comme « ordinaires », et celles et ceux qui s’identifient aux acteurs-trices qu’ils-elles étudient.

Modalités de contribution

Les propositions de contributions devront tenir en une page environ (hors bibliographie), en reprenant un ou plusieurs des axes évoqués ci-dessus. Elles devront être envoyées aux organisateurs et organisatrices,

avant le 30 octobre 2020,

à l’adresse suivante : colloque.proche@gmail.com

Les propositions les plus pertinentes pourront faire l’objet d’une valorisation collective, sous forme d’un dossier thématique dans une revue scientifique.

Le colloque se déroulera à l’Espace Philippe Séguin de Sciences Po Aix, (Aix-en-Provence), les 18 et 19 mars 2021.

Comité scientifique

  • ALDRIN Philippe
  • BARRAULT-STELLA Lorenzo
  • DELLA SUDDA Magali
  • DOMINGUEZ-FOLGUERAS Marta 
  • LANDOUR Julie
  • MIRMAN Yves
  • NONJON Magali
  • PAGIS Julie
  • REVILLARD Anne 
  • TALPIN Julien 
  • VAN ZANTEN Agnès

Comité d’organisation

  • BAILLY Jessy, doctorant en science politique au CHERPA (Sciences Po Aix) et au CEVIPOL (Université Libre de Bruxelles)
  • FAURE Lucas, doctorant en science politique au CHERPA (Sciences Po Aix)
  • PROBOEUF Pauline, doctorante en sociologie à l’OSC (Sciences Po) 
  • VALARCHER Marion, doctorante en sociologie à l’OSC (Sciences Po)

Bibliographie indicative

  • ALAM Thomas, GURRUCHAGA Marion, O’MIEL Julien, « Science de la science de l'État : la perturbation du chercheur embarqué comme impensé épistémologique », Sociétés contemporaines, 2012/3 (n° 87), pp. 155-173.
  • ALDRIN Philippe, FOURNIER Pierre, GEISSER Vincent, MIRMAN Yves (dir.), L’enquête de sciences sociales en danger ? Terrains et chercheurs sous surveillance, [à paraître, 2020].
  • AVANZA Martina, « Comment faire de l’ethnographie quand on n’aime pas ses indigènes ? », in Didier Fassin (dir.), Politiques de l’enquête, La Découverte, 2008, pp. 41-58.
  • AYIMPAM Sylvie, CHELPI-DEN HAMER Magali et BOUJU Jacky, « Défis éthiques et risques pratiques du terrain en situation de développement ou d’urgence humanitaire », Anthropologie & développement, 2014, pp. 40-41.
  • BECKER Howard, Les ficelles du métier. Comment conduire sa recherche en sciences sociales, Paris, Éditions La Découverte, 2002.
  • BEAUD Stéphane, WEBER Florence, Guide de l’enquête de terrain, Paris, La Découverte, 2003.
  • BIZEUL Daniel, « Les sociologues ont-ils des comptes à rendre ? Enquêter et publier sur le Front National », Sociétés contemporaines, 2008, pp. 95-113.
  • BOUMAZA Magali, CAMPANA Aurélie, « Enquêter en milieu difficile », Revue Française de Science Politique, n°57, 2007/1, pp. 5-25.
  • CEFAÏ Daniel, AMIRAUX Valérie, « Les risques du métier : engagements problématiques en sciences sociales », Cultures et Conflits, n°47, 2002/3, pp. 15-48.
  • CHOSSIERE Florent, DESVAUX Pierre, MAHOUDEAU Alex, « Les enjeux de la sur-étude en sciences sociales », Les annales de géographie, numéro spécial, 2021.
  • COLLIER Anne-Claire, « Le moment français du postcolonial : pour une sociologie historique d’un débat intellectuel », Thèse de doctorat, Paris 10, 2018. 
  • DARMON Muriel, « Le psychiatre, la sociologue et la boulangère : analyse d’un refus de terrain », Genèses, 2005/1, n° 58, pp. 98-112.
  • DE SARDAN, La rigueur du qualitatif. Les contraintes empiriques de l'interprétation socio-anthropologique, L’Harmattan, 2008.
  • DUNEZAT Xavier, « Travail militant et/ou travail sociologique ? Faire de la sociologie des mouvements sociaux en militant », in Delphine Naudier et Maud Simonet (dir.)., Des sociologues sans qualités ? Pratiques de recherche et engagements, Paris, La Découverte, « Recherches », 2011, pp. 80-97.
  • FOURMENT Emeline, « Une ‘dinosaure chercheuse’ dans le milieu libertaire allemand. Effets d’une double casquette de chercheuse et de militante », Bulletin de méthodologie sociologique 144, no. 1, Octobre 2019, pp. 55–75.
  • HADJ-MOUSSA Ratiba (dir.), Terrains difficiles. Sujets sensibles. Faire de la recherche au Maghreb et sur le Moyen Orient, Paris, Éditions du Croquant, 2019.
  • LANDOUR Julie, « Le chercheur funambule. Quand une salariée se fait sociologue de son univers professionnel », Genèses, n°90, 2013, pp. 25-41.
  • LEFEVRE Rémi, « ‘Politiste et socialiste’. Une politique d'enquête au PS », Revue internationale de politique comparée, 2010/4 (Vol. 17), pp. 127-139
  • LEROUX Pierre, NEVEU Erik (dir.), En immersion. Pratiques intensives du terrain en journalisme, littérature et sciences sociales, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2017.
  • MASSICARD Elise, « Être pris dans le mouvement : savoir et engagement sur le terrain », Cultures et conflits, 2002, pp. 117-143.
  • MAUGER Gérard, « Enquêter en milieu populaire », Genèses, n° 6, 1991, pp. 125-143.
  • NAEPELS Michel, « L’épiement sans trêve et la curiosité de tout », L’Homme, 2012, pp. 77-102.
  • NAUDIER Delphine, SIMONET Maud, Des sociologues sans qualités ? Pratiques de recherche et engagements. Ed. La Découverte, « Recherches », 2011.
  • PINÇON Michel et PINÇON-CHARLOT Monique, Voyage en grande bourgeoisie. Journal d’enquête, Paris, Presses Universitaires de France, 1997.
  • SCHWARTZ Olivier, « L’empirisme irrésistible », postface à la traduction française de Le Hobo : sociologie du sans-abri de N. Anderson, Paris, Nathan, 1993.
  • WACQUANT Loïc, Corps et âme : carnets ethnographiques d’un apprenti boxeur. Marseille, Agone, 2000.

Lieux

  • Espace Philippe Séguin de Sciences Po Aix - 25 Rue Gaston de Saporta
    Aix-en-Provence, France (13100)

Dates

  • vendredi 30 octobre 2020

Mots-clés

  • proche, terrain, méthodologie, relation d'enquête

Contacts

  • Pauline Proboeuf
    courriel : pauline [dot] proboeuf [at] sciencespo [dot] fr
  • Marion Valarcher
    courriel : marion [dot] valarcher [at] sciencespo [dot] fr

Source de l'information

  • Pauline Proboeuf
    courriel : pauline [dot] proboeuf [at] sciencespo [dot] fr

Licence

Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Terrains proches, familiers et ordinaires : les voies de la « facilité » ? », Appel à contribution, Calenda, Publié le lundi 05 octobre 2020, https://calenda-formation.labocleo.org/805122

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