Calenda - The calendar for arts, humanities and social sciences
Réappropriation, inclusion, simulation
De l’usage des emprunts dans la forme courte au cinéma
Published on mardi, août 05, 2014
Summary
L’objectif de ce colloque sera de déterminer la place et la fonction de l’emprunt dans les courts-métrages. Plusieurs axes de réflexion seront privilégiés autour des enjeux esthétiques, historiques, narratifs et culturels de l’emprunt.
The aim of this conference will be to define the shapes and roles of borrowing devices in short films. Several orientations will be approached in this examination of these devices, dealing with aesthetics, history, narrative form and culture.
Announcement
Argumentaire
Le court-métrage en tant support protéiforme a sans cesse constitué pour les cinéastes, néophytes ou aguerris, un terreau fertile à l’expérimentation et à l’innovation. Dans l’histoire du cinéma, on constate une certaine propension à ancrer des récits fictionnels dans une stratégie de « prélèvement » exercée sur d’autres œuvres ou sur certains genres filmiques. Ainsi, le cinéma documentaire fait un usage fréquent des emprunts à d’autres formes audiovisuelles comme les séquences d’actualité. Le cinéma narratif de fiction lui aussi réinterprète des séquences issues d’autres œuvres filmiques fictionnelles ou documentaires. C’est le cas bien sûr dans le cinéma expérimental contemporain, en art vidéo, certains essais ou films de propagande mais également dans des films plus « classiques » datant de l’âge d’or des studios hollywoodiens ou dans certains longs métrages. On peut penser pour cette dernière catégorie à Arizona dream (Emir Kusturica, 1993) qui intègre comme citations certaines séquences tirées de films d’Hitchcock, de Scorsese ou de Coppola.
Cette pratique de l’emprunt peut apparaître paradoxale dans la forme du court-métrage au sens où cette forme, en elle-même limitée dans sa durée, supposerait la nécessité pour l’« auteur » de l’œuvre — figure dont on sait qu’elle doit être relativisée, particulièrement dans ce champ artistique — de marquer sa vision personnelle tout au long de l’œuvre, et non pas de recourir à des fragments extraits de films utilisés comme citations, même dans une visée personnelle. Pourtant, cette pratique de l’emprunt semble bien assez courante dans le cinéma de format court, expérimental ou plus classique. Des exemples récents montrent que l’emprunt fait partie d’une tendance forte dans le court-métrage actuel — qu’il s’agisse de fragments d’actualité ou d’archives historiques comme dans Eût-elle été criminelle (Jean-Gabriel Périot, 2006), ou bien de found footage, ces pellicules censément trouvées par hasard et autour desquelles se construit le récit d’œuvres comme A Story for the Modlins (Sergio Oksman, 2012) ou Sur la Plage de Belfast (Henri-François Imbert, 1996).
Axes thématiques
Le but de ce colloque sera d’interroger et d’interpréter ce phénomène dans les directions suivantes.
* Dans quelle mesure peut-on parler d’une réappropriation de fragments narratifs ou mémoriels existants dans le but de les intégrer dans un récit englobant, qu’il soit présenté comme fictionnel ou non-fictionnel ? Le mécanisme à l’œuvre dans un court-métrage comme Who By Water (Bill Morrison, 2007), qui utilise une série de visages de personnages venant d’embarquer dans différents paquebots, construit par exemple une trame narrative sous-jacente qui dépasse la simple juxtaposition d’images d’archives à valeur testimoniale. Dès lors, la pratique de l’emprunt peut-elle se rattacher à la volonté de tenir un discours personnel qui se développe parfois non seulement à partir mais aussi en dépit des images choisies ?
* Les fragments empruntés peuvent être traités comme le point de départ du fil conducteur narratif élaboré par l’œuvre, qui se développe alors à partir d’un « noyau » filmique extrinsèque autour duquel elle construit une interprétation ou un parcours herméneutique propre. C’est le cas du film A Story for the Modlins qui peut se lire comme un commentaire de la séquence initiale relatant à partir d’images d’archives familiales le parcours réel de la famille d’Elmer Modlin, cet homme qui après avoir joué un rôle de figurant dans le film de Roman Polanski Rosemary’s Baby (1968) a décidé de quitter les Etats-Unis pour s’enfermer pendant trente ans avec sa famille dans un appartement continuellement plongé dans l’obscurité, en Espagne. L’approche proposée par Marina Lutz avec The Marina experiment (2009) questionne à son tour, le rôle et l’exploitation de ces sources (audio visuelles) ou de ces supports fixes ou en mouvement (photographies, pellicules Super 8) pour construire une forme de récit autobiographique. Dans ce cas précis, l’emprunt utilisé constitue le fondement peut-être inassimilable et inexplicable qui motive le discours filmique. La place de cet emprunt (qu’il soit disséminé dans le film ou bien présenté en une séquence autonome) s’avère sans doute déterminante pour l’usage qui en est fait à l’intérieur du film dans son intégralité.
* L’emprunt peut renvoyer à une pratique de la simulation, comme dans le cas du mockumentary ou faux-documentaire, présentant comme des séquences d’archives des images construites pour le film. Un cas célèbre est le court-métrage de Peter Watkins The Forgotten Faces (1961), qui reconstitue dans la région de Canterbury en Angleterre, l’insurrection de Budapest en 1956 et l’intervention des troupes russes en Hongrie, sans explicitement se présenter comme une reconstitution. Ici, la technique de l’emprunt est détournée pour construire une fiction qui se présente comme réelle et qui, partant, interroge de façon réflexive notre propre adhésion aux images.
* Enfin, la pratique de l’emprunt peut dépasser la fonction narrative et se concentrer sur les effets de montage afin de produire une esthétique particulière dans la juxtaposition des séquences utilisées. Dans Light is Calling (Bill Morrison, 2004), par exemple, des séquences issues du film The Bells (James Young, 1926) sont combinées les unes aux autres et soumises à un processus de distorsion visuelle qui les rend difficilement identifiables mais visent à créer chez le spectateur, une expérience esthétique particulière à partir d’un contenu dont le sens premier est détourné.
Ce colloque, organisé en partenariat avec le comité d’organisation du festival international de court métrage de Clermont-Ferrand, sera aussi l’occasion d’établir un dialogue entre une approche académique de la thématique de l’emprunt et des interventions de réalisateurs et de professionnels du court-métrage.
Comité scientifique
- Christophe Gelly (UBP-CELIS),
- Caroline Lardy (UBP-CHEC),
- Gilles Rémillet (Paris Ouest-Nanterre-HAR) ;
- Jérôme Ters (Sauve qui peut le Court-métrage)
Modalités pratiques d'envois des propositions
Les propositions de communications (entre 300 et 500 mots) devront être adressées
avant le 31 octobre 2014
conjointement aux deux organisateurs aux adresses suivantes : Caroline.LARDY@univ-bpclermont.fr et Christophe.GELLY@univ-bpclermont.fr
Bibliographie
- Baecque Antoine de, « 1955-1965 : faut-il croire au court métrage ? », dans Claire Vassé et Jacky Évrard (dir.), Cent pour cent court : cent films pour cent ans de cinéma français, Côté court, Pantin, 1995
- BLOEMHEUVEL Marente, GULDULDEMOND Jaap, FOSSATI Giovanna, Found Footage: Cinema Exposed, Amsterdam University Press, 2012
- Brenez Nicole et Lebrat Christian (dir.), Jeune, Dure et Pure ! une histoire du cinéma d’avant-garde et expérimental en France, Cinémathèque française/Mazzotta, 2001
- CUGIER Alphonse et Patrick Louguet, Impureté(s) cinématographique(s), L'Harmattan, 2007
- Évrard Jacky et Kermabon Jacques (dir.), Une encyclopédie du court métrage français, Festival Côté court/Yellow Now, 2004.
- Kermabon Jacques, « Côté “court” », dans Claude Beylie (dir.), Une histoire du cinéma français, Larousse, 2000
- Noguez Dominique, « Trente ans de cinéma expérimental en France (1950-1980) », dans Éloge du cinéma, seconde édition refondue et augmentée, Paris Expérimental, 1999
Argument
As a versatile medium, short film has always stood for an open field for innovation and experience, whether for full-fledged or beginning filmmakers. The history of film form at large testifies to a specific tendency to “borrow” from other films or other film genres in order to build fictional narratives. For instance, documentaries often resort to other modes of cinematic creation such us newsreels. Fictional narrative cinema may also include and reinterpret sequences extracted from other filmic works, whether fictional of documentary. Such is the case of course in contemporary experimental films, in video art, in propaganda films but also in more classical pieces from the golden age of Hollywood studios or in some feature films. The latter category is exemplified by Arizona Dream (Emir Kusturica, 1993), which quotes filmic sequences from Hitchcock, Scorsese or Coppola.
These borrowing devices may appear as paradoxical in the case of short films in so far as this form already in itself limits the scope of the filmic author’s expression—however questionable the concept of author has become from a critical viewpoint in cinema nowadays—which would call for a quest for this expression rather than for the choice of devices that further reduce temporally the “personal” voice of the director, such as extrinsic film fragments used as quotes. Yet these borrowing devices seem rather frequent in short films, in form experimental as well as classical. Recent examples point to the relevance of this theme in contemporary short films, which may use historical archives or newsreels as in Even if she had been a criminal (Jean-Gabriel Périot, 2006), or found footage, lost film reels discovered by a stranger to the history they tell and around which the narrative is built by the editing process, as in A Story for the Modlins (Sergio Oksman, 2012) ou Sur la Plage de Belfast (Henri-François Imbert, 1996).
Main themes
Several main orientations will constitute privileged approaches to the topic.
* To what extent do short films re-appropriate extant narrative fragments or remembrances to integrate them in a global narrative, whether fictional of non fictional? In Who By Water (Bill Morrison, 2007), a film that juxtaposes footage elements focusing on various shots of travelers embarking on transatlantic liners, the underlying narrative thread is constructed through and beyond the mere accretion of images. Borrowing devices may then develop a personal discourse from the “image-maker” that oversteps the intrinsic value of the chosen fragments that are integrated in the filmic texture.
* The borrowed parts may work as a point of departure, an extrinsic narrative kernel around which the film articulates a specific interpretation of hermeneutic concern. In A Story for the Modlins we are shown an initial sequence focusing on the role of Elmer Modlin as an extra in Roman Polanski’s Rosemary’s Baby (1968), and around this sequence is reconstructed, as a comment, relying on the Modlin family pictures and family film sequences, the true story of the Modlins who decided after the shooting of Polanski’s film to hide themselves for thirty years in a flat in Madrid, living in almost constant darkness with their son. The Marina experiment (2009) by Marina Lutz also questions and stages the exploitation of audiovisual or film sources or pictures to build an autobiographical narrative. In this case, the borrowing devices constitute the origin of the filmic discourse, an origin that may prove unaccountable or definitely alien to the global filmic texture that tries to explain it). The place of the borrowed sequences (whether they are scattered throughout the film or concentrated in an autonomous sequence is no doubt essential to define the way it is meant to signify within the film at large.
* Borrowing may also refer to the use of fake sequences as in the case of mockumentaries which present as genuine historical archives audiovisual sequences that were specifically constructed for the film. A famous case is Peter Watkins’s The Forgotten Faces (1961) which is a reconstitution in the Canterbury region of the Budapest 1956 uprising and of the Russian intervention that ensued, without any clear hint at the reconstituted status of the sequences. Borrowing from the newsreel technique is here used to build a fictional work that flaunts itself as genuine, and which consequently questions our adhesion to film images in a reflexive outlook.
* Finally, borrowing may be dissociated from any narrative aim and focus on editing effects so as to produce a specific kind of aesthetics through the combination of borrowed sequences. In Light is Calling (Bill Morrison, 2004), for instance, sequences extracted from another film, The Bells (James Young, 1926), are edited together and go through a process of visual twisting that makes it hard for the spectator to recognize them as the source of the short film but that means to create a particular aesthetic experience through the distortion of the primary meaning attached to the borrowed sequences.
This conference is organized with the support of the organizing committee of the international short film festival in Clermont-Ferrand. It is meant to establish a dialogue between academic approaches and the perspectives of short film professionals.
Scientific committee
- Christophe Gelly (UBP-CELIS),
- Caroline Lardy (UBP-CHEC),
- Gilles Rémillet (Paris Ouest-Nanterre-HAR) ;
- Jérôme Ters (Sauve qui peut le Court-métrage)
Submission guidelines
The proposals (between 300 and 500 words) should be addressed
before 31st octobre 2014
to the two organisers at the following addresses: Caroline.LARDY@univ-bpclermont.fr and Christophe.GELLY@univ-bpclermont.fr
Bibliography
- Baecque Antoine de, « 1955-1965 : faut-il croire au court métrage ? », dans Claire Vassé et Jacky Évrard (dir.), Cent pour cent court : cent films pour cent ans de cinéma français, Côté court, Pantin, 1995
- BLOEMHEUVEL Marente, GULDULDEMOND Jaap, FOSSATI Giovanna, Found Footage: Cinema Exposed, Amsterdam University Press, 2012
- Brenez Nicole et Lebrat Christian (dir.), Jeune, Dure et Pure ! une histoire du cinéma d’avant-garde et expérimental en France, Cinémathèque française/Mazzotta, 2001
- CUGIER Alphonse et Patrick Louguet, Impureté(s) cinématographique(s), L'Harmattan, 2007
- Évrard Jacky et Kermabon Jacques (dir.), Une encyclopédie du court métrage français, Festival Côté court/Yellow Now, 2004.
- Kermabon Jacques, « Côté “court” », dans Claude Beylie (dir.), Une histoire du cinéma français, Larousse, 2000
- Noguez Dominique, « Trente ans de cinéma expérimental en France (1950-1980) », dans Éloge du cinéma, seconde édition refondue et augmentée, Paris Expérimental, 1999
Subjects
- Representation (Main subject)
- Mind and language > Representation > Visual studies
Places
- Maison des Sciences de l'Homme, - 4 rue Ledru
Clermont-Ferrand, France (63)
Date(s)
- vendredi, octobre 31, 2014
Attached files
Keywords
- court-métrage, archives, emprunt, fiction documentaire
Contact(s)
- Christophe Gelly
courriel : cgelly [at] yahoo [dot] fr - Caroline Lardy
courriel : caroline [dot] lardy [at] uca [dot] fr
Reference Urls
Information source
- Christophe Gelly
courriel : cgelly [at] yahoo [dot] fr
To cite this announcement
« Réappropriation, inclusion, simulation », Call for papers, Calenda, Published on mardi, août 05, 2014, https://calenda-formation.labocleo.org/295329

